Le testament du pingre
<Une bouteille s'échoue à vos pieds lors de votre balade nudiste sur la plage. Quoi de plus original qu'un parchemin enroulé et enfoncé dans le goulot ?>
Dévoiler mon identité ? Eh bien, vous savez mes chers gens, j'ai bien plus d'un nom accroché à ma gueule de resquilleur. James, Henry. Il m'est même arrivé de me faire appelé Svenn à l'époque où je passais de l'opium dans caravelle digne d'une antiquité.
Mais si vous voulez tout savoir, le seul sobriquet, le véridique, il s'agit de Martacus Whyn. L'aîné d'une fratrie aux déviances bien connues dans les ports et surtout dans les bordels de notre chère patrie qu'est l'Angleterre ! Devrais-je plutôt parler de la Nouvelle-Providence et ses charmantes demoiselles aux formes tentatrices.
Je vais vous avouer une petite chose, le commandement n'est pas un don inné pour moi. La resquille, le vol et la duperie sont bien plus dans mes cordes. Il faut dire que j'ai plus de capacités dans le soulèvement de donzelles que dans la gestion d'ivrognes espiègles et avares.
Mon âge ? Il est aussi changeant que mon humeur et c'est là bien arrangeant pour mes affaires. J'aimerais plutôt vous parler de ma fortune avec les équipages et les bâtiments. J'ai connu bien des rafiots : L'intrépide, l'Adventure, le Zéphyr et quelques autres dont les appellations m'échappent. Tout ce que je peux vous dire, c'est que le rôle de Capitaine m'est souvent tombé dessus suite à de tragiques incidents ou des entreprises déloyales couronnées de succès.
Mon attrait obsessionnel pour les libertines en tout genre m'a même mené à fonder une maison de charme sur ma charmante petite île, chez Whyn. J'ai légué l'affaire à mon cadet, Doten. Pour ce qui est de l'aspect familial, eh bien, écoutez donc ça. J'ai une tripotée de bâtards tellement gargantuesques que je pourrais la métamorphoser en un équipage fonctionnel.
C'que je vous écris là est à l'image de mon personnage, une belle carapace à la langue bien pendue, capable de vous perdre dans un flot de paroles fallacieuses. Mais à l'heure où j'écris sur ce parchemin cramoisi que je vais sûrement abandonner, je suis en train de me pinter à l'endroit où mon second m'a lâchement débarqué. Tout ça parce que j'ai fait croire aux hommes qu'il était responsable de la perte de notre dernier butin eh.
Mon beau Loup Noir est un trois mâts qui arbore à son paroxysme, le pavillon de la Voile Noire ! Ce rafiot est désormais en la possession de Thrilondil Velanwël et cette vicieuse catin d'Ukoku Tha. Une femme à bord d'un navire ? Sacrilège camarade ?!
Je vous l'ai dis, les périples en mers sont bien longuets et j'apprécie la compagnie des dames. De c'fait, j'estime être le Capitaine le plus laxiste et le moins sexiste qui puisse exister !
Parlons un peu d'mon faciès de charmeur, histoire qu'on puisse reconnaître ma dépouille desséchée si on la retrouve. Une vraie gueule d'ange. Des prunelles aussi profondes que les océans, d'un azur éclatant. Un faciès aux traits grossiers marqués de quelques estafilades. Des dents jaunies par l'abus de toutes les bonnes choses qu'offrent ce monde pardi ! Ah cette barbe, une barbe parcourue d'un tas de nœuds. Elle cercle un visage carré et comme dit plus haut.. Grossier.
Si vous arrivez un peu tardivement et qu'il ne reste plus que des os, sachez que je n'suis pas affublé d'une tenue de mousse ! Un gilet bleuâtre qui me fait penser aux teintes d'un morceau de lapis-lazuli. J'exhibe aussi une chemisette blanche au col scellé d'un lacet bien noué. N'oubliez pas de vérifier mes mains bande de rapaces, vous y découvrirez sûrement la chevalière de la fratrie, deux rafiots renversés, un sur du bleu marine, et l'autre sur du vert. Vous saurez alors que c'est moi, et vous saurez aussi que si vous tentez de la fourguer au receleur le plus proche.. Il saura, et vous saurez qu'il saura.
Vous savez ce qu'il y a à savoir. Je suis un forban des plus sympathiques, flanqué d'une obsession pour l'or et les formes exotiques. Quoi qu'on en dise, j'apprécie mes camarades tant qu'ils ne forment pas d'obstacle entre moi et la richesse. Pour faire court, je suis un vrai pingre doublé d'un flibustier qui en a de la bouteille !
<l'encre commence à manquer, les inscriptions sont de moins en moins lisibles>
Ma poivrière risque de vous détonner à la gueule si vous essayez de l'utiliser, et mon sabre quant à lui.. Vous pouvez le revendre pour vous offrir une libertine bien précise au Merle : Amparo.
Je vous accueille aux cieux avec grand plaisir si vous parvenez à écraser mon équipage. Épargnez seulement la petite Doutzen Scott, une maîtresse bien avisée. J'espère seulement que Tha, mon épouse, ne l'a pas encore égorgé. Vous trouverez les restes de rhum et une centaine de pistoles sous la taverne en ruine prè..
<l'écriture se métamorphose en un dialecte indéchiffrable. La suite du message est ruinée par les affres du temps et surtout, un manque cuisant de chance et d'encre>
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