Natacha

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La détresse de Jonathan était telle que je n’ai pas pu m’empêcher de le consoler. Son coeur battait si vite ! Je le sentais à travers mes mains posées sur son dos. Je me mets au lit, la boule au ventre. Je connais la douleur de perdre sa mère même si ma situation n'est pas vraiment la même. Je ferme doucement les yeux et plonge dans un demi-sommeil.

Tu n’existes plus pour moi. Hors de ma vue…

Non, non. Ne plus repenser à ses paroles… Ca fait trop mal…

Je me réveille en sursaut, le visage baigné de larmes. J’ai encore rêvé d’elle. De lui…

Rêver ? Cauchemarder oui !

Oui, la voix… Cauchemarder, tu n’as pas tort.

Je soupire dans un sourire. Je me lève et passe à la salle de bain. Heureusement que celle-ci n’est pas commune ! J’ai une sale tête… Tentative d’arranger tout cela : échec cuisant. Mes yeux sont bouffis et gonflés. Je pourrais toujours prétendre à une conjonctivite... Tant pis !

Je sors de mon appartement et découvre Virginie debout devant celui de Jonathan. Je me retiens de rire. Il va avoir une sacrée surprise celui-là ! Au moment où je tourne le dos, j’entends sa porte s’ouvrir et …

  • Salut, mon chou…
  • Euh salut miss Bim… Euh… Virginie, bégaie-t-il.

C’en est trop ! Je me précipite vers les escaliers pour qu’elle ne m’entende pas rigoler. Une fois hors de portée (je l’espère en tout cas), j’éclate d’un rire réparateur. Au moins, j’aurai une bonne excuse pour mes yeux rougis…

Excuses qui ne fonctionnent évidemment pas sur Steven. Je réussis tout de même à détourner son attention en lui relatant la scène de ce matin.

  • Le pauvre ! La connaissant, elle ne va pas le lâcher de toute la journée !
  • C’est sûr ! Dis-moi, tu aurais des infos sur les voyages scolaires toi ? Dans mon ancien bahut, il n’y en avait aucun sauf pour ceux qui faisaient une européenne.
  • Oui j’en ai entendu parler mais sans plus… Les voyages scolaires moi hein… Si tu veux plus de renseignements va falloir aller voir M. Midinette…
  • Monsieur qui ? fais-je, interloquée.
  • M. Marais, dit M. Midinette. C’est le CPE au deuxième étage du bâtiment principal, il ne veut embaucher que des surveillantes et de préférence jolies ! A ce qu’il paraît, il a été transféré ici parce qu'il détenait des photographies pédopornographiques dans son ordinateur de travail ! Et puis, il aimait bien toucher, si tu vois ce que je veux dire…
  • Stev ! Tu vas un peu loin là non ? Ce ne sont que des rumeurs !
  • Pas vraiment...
  • Va falloir un jour que tu me montres tes sources mon chou…
  • Un bon journaliste d’investigation ne dévoile jamais ses sources ma chérie voyons !

Le tout appuyé d’un clin d'œil. Je l’imagine bien devenir journaliste d’investigation : il a tout pour ! Enfin avec sa coiffure et ses piercings, il ne risque pas de passer inaperçu ! Mais à mon avis ce n’est que pour un temps.

À la récréation, je me dirige vers le bureau de M. Marais, escorté d’un Steven protecteur. “Je ne vais certainement pas te laisser seule avec ce pervers !” je cite. Nous voilà donc dans la vie scolaire où effectivement ne travaillent que des jeunes filles et superbes ! Elles discutent entre elles du travail, des derniers potins… Lorsque le CPE entre dans la pièce, elles ne me semblent plus très à l’aise… La température chute brusquement et l’atmosphère devient tendue.

Il demande à l’une d’entre elle, Justine, la raison de notre présence ici. Cette dernière l’informe que je… que nous souhaitons avoir plus de renseignements sur les voyages scolaires. Son regard s’illumine un instant avant de devenir plus sévère lorsqu’il se pose sur Steven.

  • Suivez-moi Mlle…
  • Je suis Natacha Rever, en terminale G3.
  • Bien Mlle Rever. Et vous ?
  • Steven. Steven Richards, même classe.

Au nom de mon ami, M. Marais a un sursaut de surprise, comme s’il ne lui était pas inconnu. Il est vrai que le père de Steven est tout sauf une personne lambda. Directeur de l’un des plus grands groupes immobiliers de l’île, il a fait les unes de journaux locaux et nationaux l’année dernière pour un scandale d’argent blanchi dans des circonstances très douteuses. La presse n’a pu dévoiler l’affaire que dans les grandes lignes. Steven avait alors coupé les ponts avec ses parents, et ce, depuis longtemps. Selon eux, son homosexualité n’est qu’une maladie qui finira par guérir un jour ou l’autre… Sinon leurs arrangements financiers pourraient énormément en souffrir…

  • Bien. Que voulez-vous savoir ?
  • Comme je suis nouvelle au sein de l’établissement, tout ce que vous pourrez me dire me sera utile. Sachez qu’au préalable, je suis tout de même allée sur le site du lycée.
  • Très bien, vous en connaissez donc l’essentiel. Malheureusement pour vous, ces voyages se font sur deux années, en première et en terminale. Mais comme vous venez d’intégrer l’établissement, je pourrais faire une exception. Y aurait-il une destination qui vous attirerait le plus ?
  • Pas vraiment… Je voudrais simplement aider, vous comprenez…
  • Bien, bien…

Notre conversation est coupée par deux coups bref frappés à la porte. Justine y passe juste la tête pour informer qu’un paquet est arrivé pour M. Van der Bund mais que celui-ci n’est pas disponible pour le moment. Il fronce les sourcils et balbutie un vague “excusez-moi” avant de sortir. J’hésite. Si je me mets à fouiller devant Steve, je vais avoir droit à l’Inquisition façon Richards… Tant pis.

Je me lève sous ses yeux étonnés et me mets à farfouiller sur le bureau. Rien de bien intéressant. Steve se lève et se poste près de la porte, pour faire le guet. J’adore ce gars-là. Il ne m’a posé aucune question (T’inquiète ça viendra…) et m’aide volontiers. J’ouvre le premier tiroir : accessoires de bureau. Second tiroir : une pleine pochette de gommettes de différentes couleurs. Je retiens un rire nerveux. Troisième tiroir : fermé à clé. Merde ! Je regarde l’ordinateur : il est mis en mode veille. Si je bouge la souris, il me demandera certainement un code…

  • Il revient !

Je me rassois comme si de rien n’était. Le CPE entre, fait comme s’il ne nous voyait pas, un paquet rectangulaire assez fin dans les mains. Il a l’air soucieux. Il nous congédie poliment mais fermement, en nous donnant la brochure papier concernant les voyages où, je cite, “il y a le mail des professeurs référents, rapprochez-vous d’eux si vous voulez y participer…”. Puis il nous met à la porte. Purement et simplement. Son comportement m’a semblé bizarre.

  • Qu’est-ce que tu cherchais exactement ?
  • Le dossier des conseils de disciplines…
  • Pourquoi faire ? De toute façon tout est numérique ici ma chérie… Tu ne trouveras rien sous format papier…
  • Tu en sais des choses mon Steven…
  • Ne crois pas que tu vas y échapper ma belle ! Pourquoi ?
  • …,
  • Nat !
  • Bon, bon. C’est pour une amie qui étudie le journalisme… Elle cherche des infos croustillantes sur les élèves de ce lycée pour son blog universitaire… Elle m’a demandé un coup de main, voilà tout !
  • On va dire que je vais te croire… Tu sais bizarrement, je n’ai rien trouvé sur toi avant ton entrée ici…

Et là, il se met à courir. Je n’ai pas cours avec lui durant les deux prochaines heures. Je vais devoir trouver un plan d’attaque d’ici là…

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