Natacha

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Non, non, non ! Il va faire sauter ma couverture !

Sur toutes les personnes qu’il y a sur cette île, il a fallu que je tombe sur Tristan ! Lors de mes études en histoire à la fac, nous avons souvent été rivaux, surtout en ce qui concerne l’histoire de l’île. C’était devenu un jeu entre nous, jusqu’à ce qu’il me déclare sa flamme en me coinçant contre un mur… Je pense que son entrejambe se rappelle très bien de mon genou...

  • Salut Tristan ! Comment tu vas ?
  • Bien, bien et toi ? Où est….
  • Ma sœur n’est pas là aujourd’hui ! Je suis venue avec deux de mes amis du lycée : Steven, Jonathan, voici Tristan.

J’insiste exagérément sur les mots “soeur” et “lycée”, espérant faire passer un message à cet idiot de Tristan. Il sait que je travaille dans une agence de détective.

  • Oh… Dommage… J’aurai bien aimé jouer à notre jeu favori, me fait-il avec un clin d'œil. Mais peut-être que sa petite sœur en sera capable… me fait-il en me caressant la joue.
  • Bas les pattes ! fait Nathan en lui claquant la main.

Il pose son bras d’autorité sur mes épaules et m’attire entre Stev et lui. Le rythme de mon cœur s’est accéléré et un sourire s’est malgré moi dessiné sur mon visage. Tristan frotte sa main et jette un regard mauvais à Nathan. Ce dernier ne baisse pas les yeux tout en restant impassible mais je sens que ça peut dégénérer. Tristan finit par lâcher l’affaire.

  • La visite va commencer, lance-t-il, avant de tourner les talons.
  • C’est qui cet imbécile ?
  • Tristan est un ami, si je puis dire ainsi de ma sœur. Ils ont été à la fac ensemble mais il semblerait qu’il voulait plus. Mandine l’a envoyé balader et il l’a mal pris. Voilà…

La visite commence avec un Tristan passablement énervé. Il enchaîne bourdes sur bourdes. Je corrige à voix basse pour mes deux compagnons, qui ne cessent de pouffer. Le fait que Tristan puisse donner autant de fausses informations aux personnes présentes me met hors de moi. Un homme assez classe malgré ses vêtements décontractés s’est placé près de nous au moment où Tristan montre à la petite assemblée l’une des premières cartes de l’île.

  • Cette image représente l’île de la Réunion autrefois appelée Isle Bourbon, datant de 1643…
  • 1653, corrigeai-je.
  • ...., elle a été publiée pour la première fois en 1660…
  • 1658…
  • … dans le livre d’Etienne de Flacourt…
  • Etienne Flacourt tout court !
  • … intitulé Histoire de Madagascar…
  • Histoire de la grande isle Madagascar…

Steven et Jonathan se retiennent d’exploser de rire à côté de moi. Bien que la situation soit grotesque, je ne partage pas leur hilarité. Tristan se trompe même dans la nature des premiers habitants de l’île : c’étaient des mutins de Fort Dauphin, pas des colons à proprement parler ! Incroyable comment cela m’énerve ! Avant d’être guide touristique, revois tes cours !

La visite se termine et je bous de frustration. Je me suis retenue plusieurs fois pour ne pas exploser et corriger à haute voix cet imbécile. Steven et Jonathan sont allés acheter des souvenirs à l'accueil, preuve de notre visite en plus des tickets d’entrées. L’homme que j’avais aperçu tout à l’heure s’approche de moi.

  • Pardonnez-moi mademoiselle mais vous m’aviez l’air bien énervée lors de la visite ?
  • Excusez-moi si cela vous a importuné…
  • Non, non pas du tout. Je me présente, je suis M. Las du département : je suis actuellement en charge du musée de Villèle.
  • Oh enchantée, Natacha Revers simple lycéenne.
  • Vraiment ? Vous avez pourtant corrigé, et à juste titre, toutes les erreurs que ce guide a commises. Je vous pensais au moins étudiante en histoire vu l’état de vos connaissances.
  • C’est juste que j’aime mon île et son histoire m’a toujours intéressée, alors lorsque Tristan a énoncé toutes ces inepties...
  • Il n’a clairement pas sa place en ces lieux… ou alors lorsqu’il aura mieux appris ses leçons. Bien. J’ai été enchanté de vous connaître Mlle Revers.
  • Moi de même.
  • Je vous laisse ma carte, si jamais vous avez besoin d’un job durant les vacances contactez-moi.
  • Merci beaucoup.

Sur ces paroles, M. Las me laisse et rejointTristan. Ils ont une discussion un peu houleuse et se dirigent vers l’accueil.

Sûrement vers un quelconque bureau. Bon, ils font quoi mes deux loustics ?

Je me lève en soupirant, fourrant la carte de M. Las dans la poche arrière de mon jean. Je me dirige vers les anciennes cuisines : je touche les marmites en cuivre, imitation de celles qui étaient là presque deux cent ans plus tôt. Soudain, une main m’agrippe le poignet droit et me le tord dans le dos.

  • Tu n’as pas pu t’en empêcher hein…
  • Aïe… Tristan de quoi tu parles ?
  • De me ridiculiser auprès de M. Las… Je t’ai vu lui parler sale petite garce… me dit-il en fourrant son nez dans mon cou. Un frisson de dégoût me parcourt l’échine.
  • Lâche-moi pauvre crétin ! Ce n’est pas moi qui ne connais pas les dates et l’histoire de ma propre île alors que c’est censé être mon boulot !
  • Alors ça tu vas me…
  • Tu as exactement deux secondes pour lâcher Nat.

La voix grave de Jonathan a résonné dans mon dos. Elle est chargée de menaces. Je suis soulagée et en même temps effrayée par la tournure des événements.

  • Oh oh… Voilà le preux chevalier à la rescousse.
  • Je n’ai absolument rien d’un chevalier, crois-moi. Lâche-la.

Tristan s’exécute de mauvaise foi et avant que je ne puisse m’éloigner, il me caresse généreusement les fesses, me faisant sursauter. Ne laissant parler que mon instinct, je me retourne et lui assène une droite en plein visage. Il tombe à la renverse, entraînant dans sa chute des casseroles suspendues.

  • Ne t’avises plus jamais de me toucher !

Je me retourne vers Jonathan qui bout littéralement de rage sur place. Je lui prends la main, histoire de l’éloigner de Tristan.

  • Nat attention !

Jonathan m’enveloppe dans ses bras et je n’entends que le bruit étouffé d’un coup, paré par l’épaule de Nathan. Sans me lâcher, il assène un coup de pied frontal dans l’estomac de Tristan qui s’affale par terre, vaincu. Serrée dans ses bras protecteurs, mon cœur bat la chamade et j’ai les joues en feu. Le parfum de Jonathan est enivrant.

Mais qu’est-ce que je raconte !

  • Mais que se passe-t-il ici ?

L’agent de sécurité accourt vers nous et constate la scène suivante : un lycéen qui tient une lycéenne tremblante dans ses bras et un guide dont le manche de la casserole en cuivre est toujours dans sa main, allongé au sol, l’air sonné. Je me dégage un peu vivement et Nathan a un sursaut de douleur.

  • Nathan ! Ça va ?
  • Ouai t’inquiète… C’est qu’elles sont solides ces casseroles !

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