Après avoir passé presque deux jours à dormir, je peux enfin sortir du lit vendredi soir. Akim n’a pas voulu me lâcher ! Il a même pris la place de Joshua dans notre lit. Il faut dire qu’il n’a pas vu sa maman pendant deux longues semaines…

Je me dirige vers la cuisine où une bonne odeur de boeuf bourguignon flotte. J’entends le générique du dessin animé préféré de mon fils dans le salon et souris toute seule. Joshua a revêtu son chapeau de cuisinier et se trouve devant les fourneaux.

• Ça sent bon…
• Ah tu es réveillée ? Comment te sens-tu ?

Il s’approche de moi et m’embrasse affectueusement sur le front.

• Beaucoup mieux, merci.

Un silence un peu gêné s’installe entre nous.

• Maman ! Maman ! Viens je vais te raconter l’histoire incroyable qui m’est arrivée à l’école !
• Une histoire incroyable ? Qu’est-ce qui a pu arriver à mon petit grand garçon de six ans ?
• Maman !! J’ai sept ans !
• Oh mon dieu ! Déjà ? Je suis vieille… Si vieille…

Akim éclate de rire avant de me sauter au cou et de me faire un bisou collant sur la joue. Il m’entraîne au salon sous le regard attendri de Joshua. Effectivement, il peut s’en passer des péripéties dans la vie d’un enfant ! Je l’écoute patiemment tout en ponctuant son récit de Oh! et de Ah! judicieusement placés.

La soirée se déroule avec un Akim super excité : il ne fait que parler et parler tout en s’accrochant à moi. Cela me fait énormément plaisir mais en même me brise le cœur : je sens bien que je lui manque. Nous finissons dans le canapé, à regarder un dernier épisode de son émission favorite. Akim finit par s’endormir sur mes genoux. Je le monte dans sa chambre et le borde.

• Bonne nuit mon ange.
• Bonne nuit maman… Je t’aime.
• Je t’aime aussi mon coeur.

Je redescends à la cuisine où j’aide Joshua à ranger les restes du repas. Je me sens gênée par rapport à lui. Pas seulement à cause de Jonathan, après tout il ne s’est rien passé d’important. Non. Je le laisse seul à la maison pour tout gérer pendant que je vis dans mon petit monde de lycéenne… Et puis, je ne suis pas là pour Akim c’est en cela que je me sens le plus coupable.

• Que se passe-t-il dans cette petite tête ? me demande-t-il, en me faisant une pichenette sur le front.
• Oh… rien de bien grave… Je me sens juste mal par rapport à la situation… Je n’aurais jamais dû accepter ce travail… Ça va faire bientôt deux mois et en plus je n'ai presque pas avancé...
• Ne t’inquiète pas va. Je sais très bien que tu fais de ton mieux. Et puis Akim est heureux d’avoir une maman agent secret ! me fait-il avec un clin d'œil. Oh. Je dois te prévenir : papa a su que tu rentrais ce week-end. Il a donc organisé un repas pour demain. Devine où ?
• Mmmh... dans le jardin ?
• Bingo ! Je t’avais dit de ne pas le rendre si beau… Bon allons nous coucher.

Je suis ravie de revoir mon beau-père, Herland. En revanche, la mère de Joshua, Marie, ne m’a jamais acceptée… Il faut dire que tomber enceinte à seize ans n’a pas été la meilleure idée que j’ai eue… Joshua a été bon prince : ce n’était pas vraiment l’amour qui nous unissait mais il ne nous a pas jeté, son enfant et moi. Pas que nous ne ressentons rien l’un pour l’autre, mais je ne suis pas stupide, ce n’est que de l’affection, pas de l’amour. Selon Marie, non seulement je gâchais ma vie mais en plus j’entraînais son fils de dix-huit ans plein d’avenir avec moi.

Elle n’avait pas totalement tort. Joshua n’a rien voulu entendre : cet enfant était le sien et il en assumerait la responsabilité. De plus, à l’annonce de ma grossesse, mes chers parents aimants ont eu l’excellente idée de me mettre à la porte séance tenante… J’ai été recueillie un temps par la famille, notamment par ma grand-mère, avant que Joshua ne me demande en mariage quelque temps avant la naissance d’Akim.

À dix-sept ans, j’étais mère et mariée, en attente de passer le bac en candidate libre. Sans compter que…

Stop. Ce n’est pas le moment de penser à ça.

Je suis mariée depuis un peu plus de six ans avec un homme adorable, gentil au plus haut point.

Mais…

Il n’y a aucun amour entre vous. Aucun.

Et cela te manque d’aimer.