Natacha
Par où commencer ? Finalement, les recherches de Steven vont être utiles...
Durant toute mon année de seconde, j’ai été harcelée, insultée, parfois même violentée… En revanche, j’ai un foutu caractère donc je n’ai pas craqué… En tout cas pas tout de suite.
L’année suivante, cela s’est un peu calmé. Il y avait toujours quelques têtes brûlées mais rien de bien grave. J’ai commencé à souffler… Ma mésaventure avec Audrey m’a dégoûtée des amitiés féminines… Je me suis un peu plus rapprochée des garçons : au moins avec eux il n’y avait pas de ragots… Du moins pas trop ! Ça a quand même alimenté ceux qui tournaient sur moi… Mais peu m’importait !
Deux mois après la rentrée de cette deuxième année de lycée, j'ai rencontré Joshua. Jeune étudiant de dix-neuf ans, il venait souvent dans l’un des snacks près du lycée pour y jouer au billard. J’étais plutôt douée et un jour il m’a défié. C’est comme ça qu’a commencé notre histoire si je puis dire. Nous étions très câlins. Il n’y avait pas de sentiments amoureux entre nous, nous étions simplement proches. Ce qui ne plaisait pas forcément aux filles qui voulaient le draguer. Joshua se servait systématiquement de moi comme bouclier…
Les ragots ont recommencé à ce moment-là : je ne pouvais plus poser mon pied dans ce fameux snack sans entendre des “ tiens ! Voilà la pute qui se ramène !” ou encore “dis, tu nous ferais un prix de groupe ?”, “tu suces pour cinq euros ?”. Ces paroles jouaient sur mon moral : je suis forte mais à un moment… Je me souviens même avoir cassé une queue de billard dans la tête d’une fille un jour...
Joshua avait un petit logement étudiant où nous avons trouvé refuge : nous pouvions discuter pendant des heures de lectures, de mangas, de jeux vidéos… Et puis, un jour…
- De toute façon, ce manga ne vaut pas plus de cinq centimes ! se moque-t-il.
- Attends t’es sérieux là ? Mais il est génial ! Les héros sont charismatiques, l’histoire bien ficelée ! T’exagères ! C’est toi qui ne vaut pas plus de cinq centimes !
- Ah vraiment ?
Là, il s’est changé en prédateur. Il m’a sauté dessus pour me chatouiller. Je riais aux larmes, faisant tout pour me libérer mais il était plus fort. A un moment, Joshua s’est effondré sur moi, essoufflé lui aussi. Il s’est appuyé sur ses avant-bras. Jusqu’à cet instant, nous n’avions jamais été aussi proche physiquement. J’étais en mini-jupe, il était allongé sur moi, littéralement entre mes jambes… Nos regards se sont croisés, se sont accrochés et… Joshua m’a embrassé.
Cet après-midi là, je perdais ma virginité. J’étais alors en terminale.
Cette attirance physique ne nous a pas empêché de continuer à être ce que nous étions, à savoir de très bons amis. Il n’a jamais été question de couple entre nous. Nous nous retrouvions tous les mercredis après-midi et les week-end où nous parlions, riions et faisions l’amour. Cela a duré un peu plus de trois mois.
Au mois de janvier, je n’ai pas vu mes règles arriver. Je n’étais pas inquiète, je n’étais absolument pas régulière. En février non plus. J’en parlais à Joshua, un peu stressée quand même, même si je n’avais pas du tout grossi. Il m’avoue qu’il y a un peu moins de trois mois… le préservatif avait craqué mais qu’il ne m’avait rien dit.
J’en tombais des nues… Ce n’était pas vrai… Je… Je ne pouvais pas être enceinte… Pas à dix-sept ans ! Nous sommes allés ensemble à la PMI où j’ai fait des examens. Le couperet est tombé : j’étais bien enceinte et de seize semaines environ… Trop tard pour avorter… Pas que c’était une solution envisageable.
Nous sommes repartis chez lui, silencieusement. La nouvelle nous avait choqués : nous ne nous définissions pas comme un couple, il était étudiant et moi encore lycéenne. Comment faire ?
- Natacha… Je… je suis désolé…
- Nous sommes tous les deux coupables dans cette affaire. Quelle est la suite ?
- Je… je n’en sais rien… Il… Il va falloir l’annoncer non ?
Je tremblais de peur. Mes parents n’allaient jamais accepté ça. Je prenais tout de même mon courage à deux mains et leur ai annoncé le soir même. Cris, pleurs et insultes ont accueilli la nouvelle. Mon père m’a giflée avant de m’envoyer dans ma chambre. Être traité de pute par des personnes du lycée est une chose, l’être par ses propres parents en est une autre. Je pleurais toutes les larmes de mon corps cette nuit-là.
Impossible de joindre Joshua. Son téléphone était coupé. J’ai bien cru qu’il m’avait abandonné. Le lendemain, je suis allée au lycée, surtout pour ne pas rester à la maison. Je suis restée dans le bar où j’avais rencontré Joshua, le moral en berne, en espérant le voir. Les autres ados m’insultaient comme d’habitude mais comme je restais fermée à leurs paroles, ils m’ont laissée tranquille ce jour-là. La journée est passée et aucune nouvelle.
Lorsque je suis rentrée chez moi, mes affaires m'attendaient dehors dans deux sacs poubelles. Mes parents me mettaient à la porte.
“ Tu es une honte pour nous. ”
“ Une sale pute comme toi n’a pas son entrée chez nous ! ”
“ Dehors, petite garce ! ”
Voilà les dernières paroles que mes parents m’ont dites avant de fermer la porte. Assise devant le portail, je pleurais toutes les larmes qui me restaient. Mon téléphone avait été coupé. Dans les sacs, j’avais en tout et pour tout vingt euros, même pas de quoi payer un endroit pour la nuit.
Du coup, je l’ai passé dehors. J’étais terrifiée et n’ai pas fermé l'œil… Le lendemain, il ne me restait qu’une seule personne vers qui me tourner : ma grand-mère maternelle. J’ai pris le bus et suis allée la voir : si elle aussi me rejetait, je finirais définitivement dans la rue, enceinte.
Dès que je suis arrivée chez elle, Dinette m’a accueillie les bras ouverts disant qu’elle était morte d’inquiétude pour moi. Lorsque ma mère l’avait appelée la veille pour lui raconter ma débauche, elle l’avait copieusement insultée et a attendue ma venue toute la nuit.
J’avais un donc un toit mais qui se trouvait à des kilomètres de mon lycée et sans l’aval de mes parents, impossible de changer. J’appelais ma CPE, une femme incroyablement compréhensive. Après lui avoir expliqué la situation, elle m’a de suite trouvé une solution : je pourrais passer le bac en candidate libre, la seule condition est que je vienne au lycée pour les examens.
J’étais enceinte de six mois à présent. Toujours aucune nouvelle de Joshua. Les examens approchaient à grand pas mais je n’étais pas en meilleure forme. Un matin, j’étais assise avec Dinette dans le jardin lorsqu’une Mercedes noire s’est stationnée dans la cour. Joshua en sortit. J’étais stupéfaite mais n’avais aucune envie de le voir. Il m’avait abandonnée et je m’étais débrouillée toute seule tout ce temps. Pourquoi revenir maintenant ? Et surtout comment m’avait-il trouvée ?
J’ai tout juste eu le temps d’entrer dans la maison. Dinette a bien essayé de l’arrêter, en vain.
- Nat ! Nat ! S’il te plaît écoute-moi !
- Pourquoi faire ? Tu étais où ces derniers mois hein ? Tu étais où lorsque j’ai passé la nuit dehors ? Pendant les examens médicaux ?
- Je négociais ma porte de sortie Nat. Notre porte de sortie.
- Quoi ?
Incrédule, j’ai ouvert la porte pour découvrir un Joshua avec un genou à terre et une bague à la main.
- Tu… Tu veux bien m’épouser ?
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