Une voie vile et laide
Kairii déflora la fille peu après. Iori s'était endormi à côté, et le tayû, après avoir aimablement devisé avec sa cliente, l'avait longuement caressée, faisant monter le désir dans son corps de jeune fille. Cette dernière s'était abandonnée sans résistance ni appréhension. Le kagema ne lui avait pas montré son membre viril, et il était resté habillé tout le temps, l'entourant de toutes les attentions possibles et imaginables.
Lorsqu'il la sentit prête, Kairii enfonça lentement sa verge en elle. La main de la jeune fille était accrochée à son col, et lorsque, rencontrant la fameuse résistance, il poussa pour la faire céder, il sentit son poing se fermer sur sa nuque. Il se retira tout de suite, alors qu'un liquide chaud coulait sur son sexe.
— Tu n'es plus vierge, annonça-t-il à la jeune fille.
Cette dernière le regarda, avant de laisser sa tête retomber sur le côté. Kairii s'écarta, puis baissa les yeux entre ses jambes. Son pénis était couvert de sang, ainsi que les serviettes blanches sur lesquelles était allongée sa partenaire. Ses yeux aigus remontèrent sur sa fente, aussi béante qu'une plaie fraîche d'où coulait le précieux liquide écarlate.
Sans trop savoir ce qu'il faisait, Kairii se retrouva à y enfoncer deux doigts, qui ressortirent de là couverts de grenat. Ils les observa pensivement. Puis il les goûta, passa sa langue dessus... avant de les fourrer tout entiers dans sa bouche.
La saveur en était salée et parfumée. Légèrement plus douce que la sauce de soja... Plus âcre, aussi.
— Est-ce que c'est terminé ? lui demanda la fille.
— Attends.
Se penchant sur sa cuisse, il se mit à lécher le filet de sang qui y coulait. Lorsqu'il n'en resta plus une goutte, il remonta à la source, enfonçant sa langue dans l'orifice de la jeune fille.
Cette dernière gémit, et elle lui attrapa les cheveux. Sans s'arrêter de lécher, Kairii posa sa main sur son frêle poignet.
— Ne touche pas à mon chignon, la prévint-il.
Elle le lâcha, attrapant son col à la place.
— Continuez s'il vous plaît...
Kairii ne se fit pas prier. Il suça son intimité jusqu'à avoir fait disparaître la moindre goutte de sang : même là, le goût et l'odeur de chair crue subsistait, comme du sashimi de baleine. Il s'écarta vivement, haletant, avant de s'essuyer la bouche avec le dos de sa main.
Maintenant, il avait vraiment envie d'elle.
La fille geignit lorsque le tayû s'enfonça à nouveau en elle. Elle s'accrocha à lui, entourant son cou de ses bras. Kairii, quant à lui, tira sur le kimono de se partenaire pour dégager son épaule.
Une image vint flotter devant ses yeux, alors qu'il fixait la gorge de la fille : celle de la plaie sur le cou blanc de cette femme Onoda, lorsqu'il l'avait égorgée. Sur la peau plus pâle que le lys, la blessure avait formé une boursouflure obscène qui avait fasciné Kairii. Il était resté là, les yeux agrandis et une ébauche de sourire sur les lèvres, à la regarder se vider de son sang en silence. Jusqu'à ce que Tai mette fin à la vie de la troisième responsable de la chute des Kuki d’un coup de sabre, faisait rouler sa tête au sol. Cette boursouflure... Elle ressemblait à la fente tout juste déflorée de la jeune fille, avec le sang qui coulait.
Je sais pas pourquoi tout le monde fait si grand cas des garçons, pensa t-il, les yeux fermés, en se renfonçant profondément dans le vagin de sa cliente. Les filles, c'est bien mieux.
Un cri aigu vint retentir à ses oreilles. La jeune fille hurlait... Sans même s'en apercevoir, Kairii avait planté ses dents dans son épaule.
Il la lâcha immédiatement.
— Ton mari te fera pire que ça, murmura-t-il en refermant son kimono, les yeux baissés comme si ça pouvait l'excuser.
La fille avait trop mal pour continuer. Kairii la laissa se couvrir avec le yukata qu'on avait laissé à son attention, et il sonna Iori pour qu'on amène la jeune fille aux bains. Lorsqu'elle revint, toute propre et détendue, Kairii était assis sur son balcon, en train de fumer.
— Ne t'inquiète pas, lui dit-il sans la regarder. Ce sera moins douloureux la deuxième fois. Et puis à terme, tu ne sentiras plus rien du tout.
Comme nous, ajouta-t-il mentalement.
Tapant le long manche de sa pipe sur le cendrier, il tourna la tête vers elle, avant de se relever.
— Il y a un truc pour éviter la pénétration. Une technique des prostituées de Yoshiwara, qu'on appelle les « cuisses crues ». Si tu as trop mal, ou que c'est un jour du mois où tu veux éviter... Qu'importe la raison.
La jeune fille releva la tête vers lui.
— Apprenez-moi, le supplia-t-elle.
Kairii comprit que sa résolution à tout supporter était déjà ébranlée.
— Couche-toi dans le futon, et relève un peu ton kimono, lui ordonna-t-il.
Elle fit ce qu'il lui demandait. Il vint se coucher juste derrière elle, tirant un peu sur le yukata pour le relever juste sous les fesses.
— Pour que ça marche, lui apprit-il en défaisant la ceinture de son propre kimono, tu dois t'arranger pour que ton mari te prenne par derrière. Dans cette position, c'est mieux... Si tu te couches sur le ventre, tu vas perdre le contrôle et tu risques de t'exposer à quelque chose de pire. Tu prends son sexe et tu le guides entre tes cuisses, comme pour qu'il vienne s'enfoncer dans ton vagin... Mais en fait, tu le gardes coincé entre tes jambes. Il faut que tu sois très mouillée, et que ta peau soit chaude pour que ça marche. Essaie sur moi.
La fille le regarda par dessus son épaule, avant de se retourner pour attraper le pénis de son partenaire. La joue calée sur son bras replié, ce dernier la regardait.
— Vous n'êtes pas dur, murmura-t-elle à Kairii.
— C'est à toi de me rendre dur, alors, lui répondit-il.
Elle lui jeta un nouveau regard.
— Comment ?
— Je vais t'apprendre un autre truc, proposa le kagema. Si tu le lui fais régulièrement, ton mari ne prendra jamais d'autre concubine.
La fille montra un interêt renouvelé à cette idée.
— Tu te souviens de ce que je t'ai fait tout à l'heure ? Je ne parle pas de la morsure... Et bien, tu vas faire la même chose sur moi. Prends mon sexe dans ta bouche.
La fille s'exécuta. Kairii rectifia sa position, la faisant venir entre ses jambes.
— Mets-toi plutôt là que sur le côté, lui dit-il en lui attrapant les épaules. Commence à lécher cette partie là avec ta langue... Non, ne me regarde pas. Garde les yeux baissés. Mets-tout dans ta bouche maintenant... Suce comme si c'était une friandise de la fête d'été... Plus fort. Avec ta main libre, touche mon ventre... Oui, comme ça. Tu vois, je suis devenu dur.
Le tayû la repoussa tout de suite.
— C'est bon, tu peux arrêter. Avec ton mari, fais-le jusqu'au bout, murmura-t-il.
Lorsqu'elle se recoucha près de lui, il plaça son sexe entre ses cuisses. Après lui avoir montré comment faire, il s'écarta d'elle et se pinça discrètement l'intérieur du bras pour perdre son érection. Pour Yukigiku plus encore que pour les autres kagema, il était hors de question d'aller jusqu'au bout avec un client, même si c'était une fille jeune et belle.
Au petit matin, un palanquin vint s'arrêter devant le Kikuya. Kairii l'aperçut de la fenêtre : ayant laissé la jeune fille tranquille dans son futon comme si c'était une hôte de marque, il avait passé le reste de la nuit dans la pièce d'à côté, à jouer au shogi contre lui-même aux côtés de son apprenti endormi. Les armoiries de la famille avaient été soigneusement dissimulées, mais Kairii aperçut le mon des Tokugawa sur le sabre de l'un des samurai qui l'escortaient... Il referma vite la cloison de la fenêtre.
Les choses durent se savoir, car après cela, on lui adressa de nombreuses clientes. C'était rare, pour un patron, de laisser un kagema dans la fleur de l'âge comme Yukigiku prendre des partenaires féminins. Généralement, on adressait ces dernières à des prostitués plus expérimentés, qui avait également été kagema dans leur jeunesse mais ne le pouvaient plus, leur âge d'homme étant devenu trop évident. Mais Kairii était populaire auprès des femmes, et s'il refusait deux passes sur trois, lorsqu'il s'agissait de femmes, il n'en refusait aucune.
— T'aimes pas ça toi, hein, le nanshoku ? lui lâcha un jour le patron, après l'avoir observé un moment dans l'encadrement de la porte.
Kairii jouait au shogi en attendant une cliente. La remarque du patron l'irrita, mais il n'en montra rien.
Le patron regarda les yeux gris acier de son kagema. Le garçon avait des iris de la couleur d'une lame de katana, et son regard était aussi aiguisé que cette arme.
— La voie des femmes est vile et laide, ajouta le patron avec mépris. Si tu avais vraiment ces hautes aspirations dont tu prétends t'affluber, avec ton air hautain, tu préfèrerais les garçons et aurais un amant mâle.
Kairii lui jeta un regard de côté.
— Je dois avoir le cœur vil, alors, sourit-il.
Le patron hocha la tête, pensif.
— Oui, c'est ce que disent les autres... Ils disent que ta belle apparence est trompeuse, que tu es un monstrueux renard en dessous. Un renard qui dévore les gens... qui se nourrit de leur souffle vital.
Kairii baissa les yeux. En fait, ses camarades n'avaient pas totalement tort. Il était même stupéfait de leur clairvoyance. Les « Neuf Démons » : son clan n’était pas appelé ainsi sans raison. Instinctivement, les autres garçons, jusqu'au patron, avaient su discerner le mouton noir au sein même de leur communauté.
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