Chapitre 16 : Marc

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Je reste un moment dans le jardin de Levon, le grand-père de Nysi. Mes larmes ne me fichent pas la paix. Elles coulent comme si elles avaient tous les droits. L’impression que toute me vie se finit ici, me paralyse l’âme. Marcher devient complexe, et me rendre jusqu’au mariage me parait infaisable.

— Louisa serait triste si tu n’assistais pas à son échange de vœux, me surprend la voix de Levon.

J’essuie intempestivement mes yeux, alors qu’une main se pose sur mon épaule.

— Vas, ce sont des choses qui arrivent Marc. Tu n’y peux rien. Léo non, plus.

— Je suis désolé.

Je les sens revenir.

— Ne le sois pas. C’est moi qui suis peiné pour vous deux. Si tu penses que c’est mieux pour vous de prendre des chemins différents, c’est que tu y as réfléchis. Crois-moi, je sais très bien ce que représente mon poussin pour toi. Peut-être avez-vous été maladroit en vous quittant. Mais je sais une chose, c’est qu’un jour vous vous retrouverez.

— Levon… je n’ai pas cessé de l’aimer.

— Je sais. Se séparer n’est pas toujours la conséquence d’un amour envoler. C’est parfois, un besoin de se réaliser sans l’autre. Une sorte d’ascension personnel de sa personnalité. À deux, il arrive qu’on se mette des bâtons dans les roues.

— Je n’aurais pas dû venir avec Cathy.

— Ce n’est pas moi qui te dirais le contraire, mais c’est trop tard pour y penser. Tu devrais la rejoindre, écouter le discours des mariées, puis discuter avec elle.

Je hoche la tête. Levon est la sagesse incarnée. Je le soupçonne d’avoir fait les mêmes bêtises que nous tous et d’avoir suffisamment de recule pour venir nous conseiller.

— Cathy va m’en vouloir.

— C’est très probable.

Il ne ment pas, ne cherche pas à apaiser mes craintes.

— Je ne sais pas ce qui t’as perdu Marc, mais je sais que je t’aime comme mon petit-fils. Si tu as un quelconque problème, ma maison te seras toujours ouverte et mes oreilles seront attentives à ce que tu voudras bien me dire.

Mes larmes se remettent à couleur. Saleté de sensibilité !

Levon passe une main sur ma nuque, qu’il fait couler dans mon dos.

— Courage mon petit. L’amour est troublant, parfois incompréhensible, mais on finit toujours par trouver ce qu’on y cherche.

C’est étonnant. Il ne cherche pas à m’enfoncer ou même à revenir sur ma décision de quitter Léo. Je ne m’attends pas vraiment à cette conciliation.

— Merci, murmuré-je.

— De rien, mon petit.

Il m’embrasse sur le front, comme Nysi le fait souvent.

Gentiment, Levon me prend le bras. Nous longeons le jardin jusqu’à parvenir dans celui de Gauthier.

Tout le monde est assis sur des chaises ou sur les nappes au sol, en arc de cercle. Les mariés sont de chaque côté d’une arche fleurie d’origami. Je me souviens que Léo et moi avons participé à la conception. Je ne sais plus combien de grue et de papillon nous avions dû plier.

Gauthier se tourne vers Nysi qui remet sa cravate en place. Il lui masse l’épaule pour le détendre.

Mon homme est si beau dans son costard. L’ocre lui va si bien au teint. Ses cheveux coiffés en demi-queue rendent hommage au galbe de sa mâchoire et dégage son grand front. Je fixe le tatouage sous son oreille. J’ai le même à la différence qu’il est bien plus petit. Rien à voir avec un tatouage de couple. On l’avait fait pour souligner notre amitié. Un « A » majuscule où le symbole de l’infinie est incrusté dans le bâton du milieu. Je fourrage mes doigts dans mes cheveux et viens caresser le tatouage. Est-ce le seul lien qui nous uni désormais ?

Je m’assoie à côté de Cathy. Elle ne dit rien, amère, tandis que Louisa commence à paniquer. Anabelle essaie de la calmer. Elle cherche quelqu’un dans l’assemblé et quand son regard croise le mien, elle me fait de grand signe.

Je m’excuse auprès de Cathy, et rapplique vers la rouquine et la mariée.

— Que ce passe-t-il ?

Ici, je suis à moins de quatre mètres de Léonys, toujours en train de rassurer Gauthier. Lorsqu’il plante ses yeux dans les miens, je les détourne pour me concentrer sur Louisa.

— Je sais plus ce que je dois dire. Il y a un gros blanc dans ma tête.

— Oh ! t’es pas dans la merde, soufflé-je.

— Ah, bah oui, ça va nous aider, là, tout de suite. Marc !

Anabelle me fusille du regard.

— T’as pas un truc plus réconfortant ?

— OK. Louisa, on s’en fiche du texte bien appris. Dis juste ce que tu as sur le cœur. Même si ce n’est pas clair. Va juste au but. Au pire, tu pourras faire lire tes vœux à Gauthier plus tard.

— Mais, ils étaient parfaits. Je veux les lui dire maintenant.

— Ça me parait compliqué, Louisa.

— A moins qu’on te souffle, réagit Anabelle en sortant le papier de sa poche.

— C’est moyen, lui fais-je remarquer.

Attends, je reviens. Une idée de génie. Ne bouge pas.

— Je risque pas, réponds Louisa en se retenant à mon bras.

Elle tremble.

Nerveuse.

— Ça va bien se passer, la réconforté-je.

Elle hoche la tête, la secoue.

— Il faut que se soit ces mots-là, Marc.

— Je comprends.

Elle y a mis tant de force et d’émotions que j’ai su assembler, modeler comme elle le souhaitait. Quelque part, il y a un peu de moi avec elle.

Anabelle revient, ses talons à la main. Derrière elle, un grand type. Il a un regard angélique et un bouc qu’il porte plutôt bien. Je ne savais pas qu’elle avait rencontré quelqu’un. Il parait un poil plus jeune qu’elle.

Séraphin, explique, je perds mon sens froid.

Il passe ses longues mains sur les épaules de la bibliothécaire. Une boule de nerfs.

— Louisa, j’ai empreinte des oreillettes à mon boulot pour la coordination dans le service. Je vais en glisser une dans ton oreille.

Il se penche, lui en fonce l’objet en prenant garde à ne pas accrocher les perles suspendues.

Il me donne un petit regard.

— Je présume que tu es Marc.

Je hoche la tête.

— Tiens.

Il me tend un talkie-walkie que je réceptionne incrédule.

— Tu lui lieras et elle le répétera.

Je comprends de suite que ce ne peut pas être Anabelle. Elle devra rester près de sa sœur pendant l’échange.

Je ne cherche pas à me dérober et acquiesce.

Ana me tend le papier.

— Pas besoin, je l’ai mémorisé. À moins qu’il y ait des modifs ?

— Aucune, me confirme Louisa, rassurée.

La tension retombe. J’entends la voix chuchotée de Léo. Je n’y comprends rien, mais ça me rappelle les mots doux qu’il glissait à mon oreille pour un oui pour un non. Il me manque, c’est indéniable. Pourtant, je suis incapable de revenir vers lui.

Ce n’est à rien y comprendre.

L’aimer, mais le fuir.

Sentir le manque et capituler devant l’obstacle.

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