Lettre

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12 août 1944


Ma chère Louise,

Le monde évolue vite. Lui si sombre hier s’est vu ébrécher de lumière depuis le 6 juin dernier. Et celle-ci doit gagner chaque parcelle de cette terre jusqu’à la victoire totale. Ce combat est le mien. Le nôtre. Celui de la Résistance à laquelle j’ai voué plusieurs nuits ces derniers mois. Je n’ai jamais été très honnête avec toi à ce sujet, mais comprends que mon seul but a toujours été de te protéger, toi et les enfants. Le meilleur moyen d’y parvenir étant de ne pas t’impliquer dans mes actions nocturnes. Pardonne-moi pour ce mensonge.

Pardonne-moi également, mais je ne reviendrai pas, Louise.

Je crois que les promesses ne sont pas faites pour être tenues, mais pour donner de l’espoir. C’est ce que j’ai essayé de t’expliquer l’autre soir avant de rejoindre André. C’est ce que j’ai tenté de te faire comprendre en te jurant que je serai de retour avant l’aube. Ainsi je garantissais ma présence à tes côtés, rassurante et routinière. Mais ma véritable promesse ne tenait pas là. Elle résidait au-delà de nos simples préceptes d’humains.

Nous avons été capturés par une division SS envoyée en renfort depuis le Rhin. Peu importe ce que cette armée des ténèbres pourra me faire subir puisque notre œuvre est grande, supérieure en tout point à nos vies. André et moi avons réussi à détruire le pont de la Houlette, ralentissant le ravitaillement des Allemands. Petite pierre à l’édifice ; acte essentiel pour ouvrir la porte de Paris aux Alliés. Si Paris est libérée, l’Europe et le monde le seront aussi. J’en suis certain. On en a déjà parlé.

Bien sûr, votre tristesse sera grande, immense et inconsolable à tous les trois. Mais le temps travaille mieux que le petit ouvrier de manufacture que je suis, et il effacera la douleur. Crois-moi, un jour viendra où Jacques et Liliane regarderont le passé et n’y verront plus qu’une généralité. Leur père sera seulement de ceux qui ont fendu l’obscurantisme. Ils comprendront que ce n’était pas une affaire de héros ou de sacrifice, mais une promesse, celle d’un avenir meilleur. Et ils contribueront à le construire.

En attendant, ma chère Louise, dis-leur de goûter chaque jour à la liberté. Dis-leur de profiter de chaque rayon de soleil, de chaque goutte de pluie ou flocon de neige. Ces choses-là sont intemporelles. Elles traversent le temps et doivent en rester un point d’appui, un repère, loin des tourments que les hommes peuvent apporter. Je ne serai plus là pour les serrer dans mes bras, mais je serai la goutte qui les heurte en quittant la maison ; le flocon qui composera leurs jeux d’hiver ; le rayon qui réchauffera leur peau.

Quant à toi, mon doux amour, n’interromps pas ta vie pour la consacrer à un disparu. Vis la liberté. Vis le monde qui s’annonce, et ne regrette rien. Crois-le d’avance, je ne regrette rien.

Tendrement et avec tout l’amour qu’il se doit.

B.

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