16. Divine Salsa
Alken
Ce samedi matin, je suis un peu à la bourre et j’essaie de regagner le temps perdu en courant dans les escaliers de mon immeuble sans attendre l’ascenseur. Il faut dire que la douche a été bien agréable encore. Quand Marie m’a rejoint, nue, mon sexe s’est tout de suite mis au garde à vous. J’ai pu profiter de ses seins volumineux dans mes mains et de ses fesses rebondies contre lesquelles je suis venu claquer fort. Je n’éprouve absolument aucun sentiment pour elle, je lui ai même avoué et demandé d’arrêter notre relation, mais elle a voulu continuer en connaissance de cause. Et donc, il m’arrive de céder à ses avances quand le manque se fait ressentir de manière trop forte. Et quand c’est le cas, elle passe la nuit avec moi et se soumet à mes désirs. Elle sait que j’en imagine une autre quand je lui fais l’amour, mais cela n’a pas l’air de la déranger plus que ça, vu l’intensité de ses orgasmes et les gémissements qu’elle pousse à chaque fois. C’est une relation sans lendemain, mais ça fait du bien et ça me permet d’être moins sur les nerfs quand je suis en cours et surtout quand je suis en présence de Joy.
Alors que je conduis vers le centre de danse, ce n’est pas l’image de Marie qui jouit dans la douche que j’ai en tête, d’ailleurs. Non, c’est bien celle de Joy dans cette même douche. Je ne vois qu’elle, je ne pense qu’à elle. Ça en devient une véritable obsession alors qu’elle a apparemment réussi à tourner la page. Elle vient en cours, fait ses duos avec Kenzo qui s’améliore à son contact, se déhanche sensuellement devant nous chaque jour, mais évite tout contact avec moi au maximum. La seule chose qui me laisse un peu d’espoir, ce sont les regards que je surprends parfois dans le miroir de la salle de cours. Le désir que j’y lis a toujours le mérite de m’exciter et raviver mon envie d’elle. Mais à part ces petites notes de bas de page, le récit de notre histoire est en pause. J’espère vraiment que ce n’est qu’une pause et que je vais réussir à effacer le mot “fin” qu’elle a mis au bout du premier chapitre.
En ce samedi matin, la circulation est fluide et j’arrive avec quelques minutes d’avance à l’ESD où je me gare sur une des places réservées pour les profs. Je descends et une fois encore, en ce matin ensoleillé, j’admire le bâtiment éclairé par la lumière de ce début d’automne. Avant de pénétrer dans le théâtre où vont se dérouler les auditions pour le concours de salsa, je m’arrête quelques instants devant les fontaines qui agrémentent le parc boisé entre les quatre bâtiments du campus. On a vraiment de la chance de pouvoir travailler dans des conditions aussi agréables et je profite de ce petit moment de calme pour me concentrer sur la mission à laquelle je vais participer. Les enjeux sont importants, il s’agit de trouver la meilleure partenaire possible à Enrico afin de remporter ce concours qui amène du prestige non seulement à l’école, mais aussi à la jeune concernée. L’année dernière, Enrico l’a emporté avec une deuxième année qui a ainsi vu sa carrière se lancer et qui a rejoint une troupe américaine. Il faut lui trouver une digne remplaçante afin de rester au top parmi les autres écoles de danse et il va nous falloir choisir parmi les quatorze candidates de cette année celle qui aura le privilège d’accompagner notre prof de salsa à Paris.
Elise est sortie et fume une cigarette. J’ai horreur de cette habitude qu’elle a, quand elle est stressée, de recourir à la nicotine pour faire descendre la pression. Elle le sait et évite pour cela mon regard lorsque je la salue et pénètre dans le grand amphithéâtre. Cette pièce est magnifique. Les quelques cents fauteuils recouverts de velours rouge qui descendent jusqu’à la scène montrent que l’architecte qui a réalisé les plans connaissait bien son travail. La vue de n’importe où est excellente et les lumières et spots permettent d’éclairer et de faire des jeux de lumière dignes d’une vraie salle de spectacle. Je salue Yann, le régisseur, aux manettes ce jour, déjà installé derrière sa console. Sa chevelure grise un peu folle lui donne un air d’Albert Einstein qui lui va vraiment très bien. Pour un cinquantenaire, il tient vraiment la forme et j’espère être aussi aiguisé que lui à son âge.
Je m’installe à côté d’Enrico sur un fauteuil au milieu de la salle pendant que Yann fait les derniers essais sons et lumières et que les élèves déjà présents discutent entre eux en attendant que le concours commence. J’aime beaucoup ces moments où d’habitude je suis en coulisses et où le stress monte lentement. On entend le brouhaha de la salle comme un murmure lointain mais définitivement présent, on s’échauffe, on s’habille dans les loges, on essaie de se concentrer pour entrer dans le spectacle le plus totalement possible. J’imagine les jeunes femmes en train de s’étirer dans le sous-sol de ce bâtiment et je suis satisfait de pouvoir participer à cette sélection du point de vue du jury. Bien plus confortable, il faut l’avouer !
Je regarde la liste et ne suis pas surpris d’y voir toutes celles que j’ai pu croiser à de nombreuses reprises ces derniers jours à l’occasion de leurs entraînements nombreux et intensifs afin d’être prêtes pour ce matin. Je trouve ça bien d’avoir permis aux premières années de participer car cinq d’entre elles se sont lancées dans la compétition. Je repère immédiatement le nom de Joy qui va passer en douzième position. J’espère qu’elle va savoir faire face à la pression car l’attente dans les loges va être longue.
— Tout le monde est prêt, on peut commencer, indique Elise qui vient de nous rejoindre et s’est installée de l’autre côté d’Enrico. Ça va aller, messieurs ? Prêt à en avoir plein les yeux ?
— Tout roule, Elise. J’ai hâte de voir leurs prestations pour savoir qui va venir à Paris avec moi. Je sens que ça va se jouer entre trois filles, vu ce que je sais d’elles pendant les cours, mais ce qu’il y a de bien avec la salsa, c’est que l’on peut toujours être surpris, s’enthousiasme Enrico qui fait signe à Yann d’éteindre les lumières de la salle.
Le silence se fait parmi les spectateurs. Je fais un petit signe à Kenzo qui est installé un peu plus bas que moi dans la salle et me dis qu’il grandit bien depuis qu’il a commencé les cours à l’ESD. Quand on a parlé du fait que Joy dansait avec Théo et pas avec lui, il s’est contenté d’un haussement d’épaules en disant qu’elle avait eu raison car Théo était un vrai pro et que lui ne maîtrisait pas encore assez les techniques. Il m’a aussi fait comprendre que c’était important pour Joy d’avoir des regards amis et critiques dans la salle et qu’il comptait bien lui faire un petit récap de toutes ses observations en passant l’après-midi avec elle. Le chanceux. C’est fou d’être jaloux de son propre fils, mais c’est clair que ça me dérange de savoir qu’ils passent tout ce temps ensemble alors qu’elle m’exclut totalement de sa vie personnelle.
La première candidate, Julia, une deuxième année, s’avance seule sur la scène et fait un petit salut. Les notes de la musique d’Ed Sheeran, Shape of you, retentissent et elle se lance dans des pas particulièrement bien maîtrisés. J’admire sa petite robe rouge et trouve qu’elle dégage une belle sensualité. Quelques petites imprécisions dans la synchronisation entre ses pas et la musique, mais c’est dans l’ensemble une prestation de haute qualité. On peut dire que le concours est bien lancé et qu’elle met d’emblée la barre haut pour ses concurrentes. Le sourire qu’elle adresse à la fin de sa prestation est ravissant et démontre qu’elle sait qu’elle a réalisé quelque chose de très bien.
— Eh bien, murmure Enrico. Pas sûr qu’il faille regarder les autres, on a déjà du lourd, là !
— Eh, je ne suis pas venu juste pour voir une seule danseuse ! Tu crois que je me suis levé tôt et ai repoussé mes répétitions à Paris juste pour un spectacle aussi court ? Tu rêves, rigolé-je avec lui.
Les candidates suivantes interviennent à tour de rôle et je note à chaque fois leurs points forts, leurs difficultés et surtout l’impression générale qui se dégage de leur show, seules ou en couple. Elles font toutes de très belles choses, mais aucune n’arrive en effet au niveau de Julia qui semble bien partie pour aller à Paris avec Enrico. Enfin, ça, c’est jusqu’au moment où Joy arrive sur scène avec son partenaire du jour, Théo.
La jolie brune est magnifique dans sa robe blanche qui contraste avec la peau ébène de son partenaire. Je constate que je ne suis pas le seul à être charmé par la vue qu’ils nous offrent alors qu’ils n’ont pas encore commencé à danser. Yann fait d’ailleurs durer le plaisir en réglant les lumières, ce qui me permet de la détailler. Ses courbes sont bien mises en valeur par le décolleté plongeant qu'elle met en avant, une main sur sa hanche, en attendant que la musique commence. L’impression que ses longues jambes n’en finissent pas est renforcée par la robe qui s’arrête à mi-cuisses et je me perds dans le souvenir de ces moments où elle les a enroulées autour de mes hanches. Quand elle se tourne vers son partenaire, j’admire son dos dénudé et les cercles argentés qui descendent entre ses omoplates que j’ai caressées avec tant de passion. Cette femme est vraiment une créature directement sortie d’un rêve.
Lorsqu’enfin la musique commence, elle s’avance vers Théo, les bras levés, en ondulant de tout son corps, majestueusement, et il la saisit dans ses bras et se cale à son rythme pour commencer une danse sensuelle et magnifique. La complicité entre les deux est impressionnante et je ne peux m’empêcher de me crisper à chaque fois que les grandes mains de son partenaire se posent sur ses hanches, son dos, ses épaules. Il la colle littéralement et j’ai l’impression qu’elle le dévore du regard. C’est presque le regard qu’elle me lançait quand elle se jetait sur moi. La jalousie que je ressens à ce moment-là est si forte que j’en oublie de prendre des notes sur sa prestation. Ses déhanchés sont magiques et Théo est vraiment très fort pour bien la mettre en valeur et se faire presque oublier alors que c’est lui qui contrôle les pas et la chorégraphie. J’adore le moment où elle se retrouve derrière lui et le colle de manière sensuelle. J’ai l’impression qu’elle va lui arracher sa chemise noire tellement son regard est expressif.
Quand la musique s’arrête et que Yann remet les lumières, le temps semble s’être figé. Personne ne bouge alors que Théo soutient Joy qui est à moitié couchée dans ses bras. Il la relève et quelqu’un dans la salle commence un applaudissement solitaire. Rapidement, tout le monde se joint à ce précurseur et toute la salle explose dans une ferveur à laquelle même nous, les juges, nous joignons. Joy et Théo saluent rapidement et s’éclipsent sous nos regards émerveillés. On vient de voir un spectacle extraordinaire, une performance rare, et nous sommes tous remplis des émotions que ce jeune couple a réussi à nous transmettre. Je jette un œil vers la feuille d’Enrico et constate que lui non plus n’a rien écrit. Mais à quoi bon écrire ? Quand on côtoie la perfection dans notre monde de danseurs, les mots ne servent à rien. C’est le cœur qui parle. Et là, on est tous encore sous le coup du spectacle que nous avons eu la chance de voir. Magnifique.
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