28. Déconnexion problématique
Alken
J’entends la porte se refermer sur Joy qui n’a fait que me jeter des regards froids et distants depuis le débarquement de ceux qui nous aiment comme a dit Théo. Comme si j’étais responsable de la venue de Marie ici. Comme si elle n’avait pas ressenti la même communion de nos corps et nos désirs pendant cette soirée et cette nuit de folie. C’est fou quand même à quel point elle ne m’a laissé aucune chance de me défendre, de prendre la parole ou d’expliquer à Marie que son arrivée était malvenue. Non, elle s’est juste contentée de me rejeter. Je suis en colère contre elle, contre Marie, contre l’école qui nous a mis dans cette situation. Et pas du tout dans le mood pour le spectacle qui s’offre à moi quand je retourne dans ma chambre pour voir ce que Marie est partie y faire.
Elle est allongée, vêtue d’une simple nuisette noire en dentelles, sur un des deux lits jumeaux. Sa pose lascive ne laisse aucun doute quant à ses intentions. Alors que je la regarde, un peu hébété par le spectacle qu’elle m’offre, elle se suce sensuellement le doigt avant de le porter entre ses jambes.
— Alken chéri, je me suis dit que ça te ferait du bien de te déstresser un peu. Je suis toute à toi, mon chou. Viens me faire un bisou tout doux, mon Roudoudou.
S’il y a bien une chose que je n’ai pas envie de lui faire, c’est un bisou et pourtant, mon corps, ce traître, réagit au show qu’elle est en train de m’offrir et je me sens à l’étroit dans le jean que j’ai rapidement enfilé à leur arrivée. Il faut dire qu’elle me sort le grand jeu, là, en écartant les jambes pour m’offrir une vue imprenable sur sa chatte toute rasée qu’elle se caresse en gémissant.
Un peu malgré moi et ne sachant comment faire pour cesser cette mascarade, je me rapproche d’elle et je constate qu’elle pense avoir réussi dans son entreprise de reconquête car elle gémit plus fort.
— Oh oui, Alken, viens me prendre. Viens faire l’amour à ta petite fée en chaleur.
Je ne sais pas dans quel film elle se projette, mais apparemment, on n’est pas sur la même chaîne. Je ne sais pas comment tourner les choses pour ne pas lui faire plus de mal que je ne lui en ai déjà fait. Une partie de mon corps se souvient d’ailleurs de tous les bons moments que l’on a passés ensemble, Marie est vraiment une très jolie femme qui sait se rendre désirable, mais la nuit dernière n’a fait que confirmer que ce n’est pas elle, la femme de ma vie. Que nous deux, c’était vraiment juste du sexe, plaisant, mais sans plus.
— Marie, commencé-je en m’asseyant sur l’autre lit. Arrête, je n’ai pas envie de toi. Je pensais avoir été clair avant, mais je veux juste rester ami avec toi.
— Tu n’as pas envie de moi ? rit-elle en se tournant de mon côté. Tu bandes, mon Chou, te moque pas de moi. Ça te détendrait avant le concours, tu m’as l’air bien perturbé ce matin.
— Tu es excitante, Marie, je ne le cache pas. On a bien profité et on a eu plein d’orgasmes ensemble, mon corps ne serait pas contre remettre ça, mais ce n’est pas une bonne idée. Je n’éprouve aucun sentiment pour toi et je ne veux plus t’utiliser juste comme un déversoir de mes envies. Je ne veux plus être un salaud, Marie.
— Je vois, soupire-t-elle en se levant pour récupérer ses vêtements. Évidemment que tu ne veux pas de moi, tu vois tous les jours des étudiantes canons qui te dévorent des yeux… J’ai été bête de penser que ça marcherait, toi et moi…
— Franchement, tu es canon, Marie. Ton cul est bandant, tes seins sont à croquer. Mais il n’y a pas eu le déclic. Je suis super content que tu sois venue me soutenir, franchement ça me fait plaisir, mais je ne veux pas gâcher notre amitié avec du sexe sans sentiment. On reste amis ? demandé-je plein d’espoir qu’elle entende enfin raison.
— On verra ça, soupire-t-elle en enlevant sa nuisette sous mes yeux. C’est difficile de se satisfaire de l’amitié pour moi.
Elle se penche alors en avant pour m’offrir une nouvelle vue sur ses magnifiques fesses, mais mon sexe ne réagit pas. Je crois que c’est vraiment fini entre elle et moi. Voyant que je ne fais aucune tentative pour me rapprocher d’elle, elle soupire une nouvelle fois et commence à se rhabiller.
— Pour me faire pardonner, laisse-moi t’inviter. On va se prendre un café en bord de Seine ?
— Non merci, je crois que je vais aller me balader toute seule et compenser ma frustration sexuelle avec du shopping.
— Comme tu veux, tu peux venir voir la répétition à treize heures si ça t’intéresse.
Je la regarde sortir un peu tristement et passe la matinée à faire des étirements dans le salon. Je suis content de constater que les petits plaisirs de la nuit ne m’ont pas porté préjudice et que j’arrive à faire tout ce que je souhaite avec maîtrise et sans forcer. Je file ensuite au théâtre du Châtelet où se déroule le concours après avoir avalé un sandwich rapidement. Nous avons une petite demi-heure pour répéter notre spectacle sur la scène où nous allons nous produire à partir de dix-sept heures.
Lorsque j’arrive, je constate que les trois jeunes sont déjà présents dans les loges, mais pas trace de Marie.
— Salut les jeunes. Vous avez passé une bonne matinée ?
— Super. Joy est tellement stressée qu’elle a tiré la tronche tout le long, soupire Théo en lui massant les épaules.
— Je suis pas stressée, je suis concentrée, imbécile.
— Allez, on y va, Joy, ça va être à nous. Théo, Kenzo, vous allez dans la salle pour nous dire ce qu’on pourrait encore améliorer ?
— Pas de problème, Prof ! On va jouer les juges, continue-t-il tout guilleret alors que Joy entre sur scène sans même m’attendre.
Je la suis, résigné, et espère qu’elle va un peu se lâcher pendant la danse car ce qui fait la réussite de notre couple, c’est vraiment les émotions qu’elle parvient à transmettre. Sans ça, mon manque de technicité va finir par se voir. Je me positionne derrière elle et me presse dans son dos, mes deux mains sur ses hanches. Le régisseur nous fait signe qu’il en a pour deux minutes avant de lancer les choses, mais je ne bouge pas.
— Joy, ce n’est vraiment pas ce que tu crois. Il ne s’est rien passé avec Marie, lui murmuré-je à l’oreille.
— Je t’ai dit hier soir que je ne voulais pas me retrouver dans cette position, et ce matin elle débarque en terrain conquis. Comment veux-tu que je te croie, hein ? me demande-t-elle en avançant d’un pas.
— Tu crois que c’est moi qui lui ai demandé de venir ? Je te jure que je ne ressens rien pour elle, Joy. Écoute-moi et juge-moi sur mes actes, pas sur des impressions, je t’en supplie.
— Très bien, sur quels actes, hein ? S’agace-t-elle en se tournant vers moi pour me lancer un regard tueur. Ton mensonge quand on s’est rencontré ? Ton ignorance quand tu as compris que j’allais être ton élève ? Ta propension à baiser à droite à gauche ? Très bien, on peut faire ça, Smith.
— Tu n’as pas tous les éléments, mais je comprends ta colère contre moi. Essaie de l’oublier et vois comment mon corps réagit au tien quand on danse. Si ça ne te convainc pas, je ne sais pas ce qui pourra le faire, grondé-je alors que le régisseur nous fait signe de nous mettre en position.
Je tends les bras pour qu’elle vienne me rejoindre.
— Tout ce que je veux, là, c’est me concentrer sur ce concours et le remporter, Papy. Alors concentre-toi là-dessus, le reste peut attendre, soupire-t-elle en posant sa main dans la mienne.
Je tique encore quand elle m’appelle Papy. Elle sait que cela ne me plaît pas plus que ça, surtout quand elle utilise ce ton moqueur et froid. Lorsque les premières notes de musique retentissent, j’essaie d’oublier tout le reste et de me concentrer sur le corps de ma partenaire, mais je la sens tendue, toute en retenue. Nos contacts sont moins francs que d’habitude, nos regards s’évitent plus qu’ils ne se croisent. Complètement décontenancé par ce mur invisible qui nous sépare, je fais une erreur et me retrouve décalé par rapport à elle qui s’applique à maintenir le rythme. Je me stoppe et fais signe au régisseur de relancer la musique.
— Désolé, Joy, je n’y étais pas. J’aime pas ne pas sentir notre connexion habituelle.
— J’y suis pas non plus, souffle-t-elle en fermant les yeux quelques secondes avant de les plonger dans les miens. Fait chier, je suis guidée par mes émotions, tu te rends pas compte comment c’est la merde pour le concours, là.
— Ecoute, on réessaie, on connaît notre chorégraphie. Ça devrait passer, au moins sur le plan technique. Pour les émotions, je me tue à te dire qu’il n’y a rien entre Marie et moi. Et si ça ne suffit pas, imagine que tu danses avec Théo comme pour la sélection, ça t’aidera peut-être, m’agacé-je légèrement.
— Ne me donne pas de conseil sur comment gérer ma colère, ça me donne encore plus envie de t’étriper. Contente-toi de ne pas te planter de pas, déjà, ce sera pas mal, bougonne-t-elle en me tournant le dos pour se remettre en position.
— Bien, Joy. A ta disposition, mais je te fais juste remarquer que ma soi-disant meuf est tellement fâchée parce que je l’ai envoyée bouler qu’elle n’est même pas venue à la répétition.
La musique qui se lance l’empêche de répondre, mais je la sens un peu moins éloignée de moi, même si nous n’avons toujours aucune connexion. Je me concentre et parviens à réaliser toute la chorégraphie sans me tromper. Au fur et à mesure que la chanson se déroule, nous retrouvons nos automatismes et j’ai la prétention de croire que sur certains regards qu’elle me lance, sa colère vacille. La salsa nous rapproche inéluctablement et lorsque je finis la chanson, penché sur elle maintenue dans mes bras puissants, elle s’est abandonnée totalement à la position, signe qu’au moins pour la danse, elle me fait confiance. Je m’en contente pour le moment, mais cela ne suffira pas. Dans quelques heures, ce sera le concours, et avec une prestation comme ça, on n’a aucune chance de l’emporter. Tout ce chemin pour en arriver là à cause d’une crise de jalousie injuste et injustifiée. La vie est parfois mal faite.
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