56. Rentrée maussade

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Alken

Kenzo est étrange depuis quelques jours. Lui qui passait beaucoup de temps avec Théo et ses autres amis danseurs est désormais tout le temps à la maison quand il n’est pas en cours. Il est pourtant rentré de sa soirée du Nouvel An euphorique. Je ne l’avais jamais vu aussi souriant qu’à son retour en fin de matinée. Comme s’il avait passé la même nuit que moi, à jouir et à satisfaire sa partenaire. Parce qu’avec Joy, on ne s’est pas calmé avec un seul round. Cette femme me rend fou et jamais je n’ai été excité comme elle parvient à le faire. J’adore, en plus, à quel point elle est expressive. J’apprécie la puissance avec laquelle elle gémit et manifeste ses orgasmes.

J’ai essayé de cuisiner un peu mon fils à son retour mais il est resté muet. Il m’a juste fait comprendre qu’effectivement, il n’avait pas passé la nuit seul et je me demande quelle folie il a fait avec Théo et quelle est la jeune fille qui est passée entre leurs mains. Je croyais que Théo était gay mais apparemment, le jeune black a plus d’un tour dans son sac. Bref, il faut bien que jeunesse se passe.

En tous cas, depuis cette nuit, à mon plus grand désespoir, il n’est pas retourné voir Théo et n’est pas sorti avec ses amis. Ce qui fait que le seul moment où j’ai pu voir Joy, c’était à une soirée au bar, mais la présence d’autres élèves nous a juste permis d’échanger quelques regards ainsi qu’une brève étreinte où nous avons pu nous embrasser dans un recoin de la cour du bar où nous avons d'ailleurs failli nous faire surprendre. Et maintenant que les cours ont repris, nous n’avons pas réussi à nous revoir en toute intimité.

Le cours va commencer et les élèves de première année entrent dans leur tenue de danse. Joy est à tomber encore, ce matin. Son petit short noir et son tee-shirt avec un grand cœur, dont les contours s’enroulent autour de sa poitrine, sont une vraie invitation au crime. Je suis en manque d’elle, c’est fou. J’ai presque envie de congédier tous les autres élèves afin de lui faire un cours particulier. Et la danse serait une vraie explosion de plaisirs, je suis sûr. Elle est en grande discussion avec Maxence alors que Kenzo les regarde, un peu derrière eux. Je les observe du coin de l'œil, un peu jaloux de l’attention qu’elle porte au jeune homme, en attendant les derniers retardataires et suis agréablement surpris de voir la jeune femme s’approcher de moi.

— Joy, tu as besoin de quelque chose ? lui demandé-je en souriant.

J’espère que mon émoi ne se voit pas trop et que je reste assez professionnel alors que tout ce dont j’ai envie, c’est d’enlever ce petit short et plonger mon sexe dans ces replis que j’ai appris à découvrir et à apprécier.

— Il y a bien quelque chose dont j’ai besoin, mais tu ne peux rien y faire pour le moment, sourit-elle, presque résignée. Non, je voulais savoir quand est-ce qu’on pouvait répéter un peu la salsa pour l’ouverture du concours dont ils nous ont parlé.

Je prends mon temps pour répondre et laisse courir mon regard sur ses magnifiques yeux bleus, ses pommettes rougies et son sourire si charmant que je dois me faire violence pour ne pas m’emparer de ses lèvres et la plaquer contre le miroir de la pièce. Je sors mon téléphone et regarde mon agenda. Depuis la rentrée, les élèves ont un cours supplémentaire sur l’histoire des grands chorégraphes du monde et ils n’ont plus qu’une petite pause de trente minutes le midi. Jenny, la prof qui fait les cours, est en effet une américaine qui est venue en tant qu’invitée et elle ne reste qu’un mois, ce qui fait qu’Elise a concentré tous ses cours sur cette courte durée.

— Moi, je pourrais me libérer vendredi midi, mais tu as peut-être autre chose de prévu ? C’est le seul midi où vous n’avez pas le cours sur les chorés.

— On peut faire ça, oui. On n’a pas besoin de beaucoup de temps, mais il y a un moment qu’on ne l’a pas faite, j’ai besoin de me la remettre en tête.

— Eh bien, faisons comme ça, Joy.

— Oh Alken, intervient Sarah. Je pourrais assister à la répétition ? C’est tellement beau ce que vous faites à deux, et cela me permettrait d’améliorer ma propre technique !

Je retiens un soupir mais ne vois pas de légitime raison à refuser la présence d’une des camarades de Joy. Encore une occasion perdue d’être seul avec ma jolie brune.

— Bien sûr, Sarah, mais tu sais, c’est un entraînement. On risque de répéter pas mal de fois le même pas ou la même posture, ce ne sera pas comme au spectacle où on déroule tout sans s’arrêter !

— Oui, ça sera encore plus intéressant pour moi. Merci, Alken.

Je me retiens de sourire en voyant dans son dos Joy imiter la minauderie de la jeune femme et débute le cours. Aujourd’hui, c’est une séance où je souhaite qu’ils découvrent ou redécouvrent la féminité qui se trouve en eux. Pour les filles, l’important est que ça ne se transforme pas en vulgarité et l’exercice n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît. Pour les garçons, habitués à mes lubies et qui n’ont même pas gloussé quand j’ai annoncé le thème de la séance, je souhaite qu’ils parviennent à exprimer une fragilité qui rendra leur force et leur virilité encore plus présentes dans la danse. Ils sont en groupes de deux ou trois et je passe entre eux pour leur donner quelques conseils.

Je constate que Kenzo et Joy sont ensemble et je suis surpris d’entendre mon fils donner des conseils à sa partenaire. Ces deux-là ont vraiment une belle relation. Je pense que Kenzo ne dirait pas non à un petit extra avec Joy, mais qu’ils ont trouvé un équilibre et qu’ils sont vraiment juste amis. En tous cas, je sais de source sûre qu’il n’est pas allé la retrouver vu qu’il ne nous a pas laissé un moment de tranquillité pour nous voir.

A la fin du cours, Joy reste un peu et vient à nouveau me parler alors que les autres élèves partent, nous laissant seuls quelques instants. Je profite de l’occasion pour lui voler un rapide baiser qu’elle me rend avec ferveur avant de s’écarter, trop vite à mon goût.

— Joy, quand est-ce qu’on peut se retrouver ? Tu es vraiment obligée de travailler tous les soirs au Nouveau Départ ?

— Je n’ai pas le choix, Roan a encore son plâtre, soupire-t-elle. Et puis, tu veux qu’on se retrouve où, hein ? Théo est toujours à la maison, Kenzo reste chez toi...

— On se prendrait pas une chambre d’hôtel ? Juste pour la nuit, tu vois… essayé-je alors qu’elle a déjà refusé ce type de propositions à de nombreuses reprises.

— J’ai l’impression d’être une prostituée quand tu me proposes ça, je te jure, marmonne Joy. De luxe, certes, vu qu’on parle de chambre et pas de ta bagnole, mais quand même.

— J’ai envie de toi, Joy, dis-je en me morigénant de ne pouvoir dissimuler l’urgence et le désir dans ma voix. Tu me manques trop. Tu ne peux pas voir avec Théo pour qu’il invite Kenzo à une soirée ?

— Moi aussi, j’ai envie de toi, et je ne te propose pas de jouer l’escort boy pour autant… Et je lui dis quoi à Théo ? Propose à Kenzo de venir, j’ai besoin de passer la nuit avec son père ?

Je soupire de frustration car, évidemment, elle a raison.

— Oh Alken ! You’re here ! I hope I’m not interrupting you. Bonjour Joy, vous êtes ravissante aujourd’hui.

Dès l’arrivée de Jenny, nous nous écartons instinctivement l’un de l’autre. Heureusement que nous n’étions pas en train de nous embrasser comme je comptais justement le faire. La prof entre sans gêne dans la pièce et vient me faire un Hug, ces embrassades que font les Américains pour se saluer. J’ai beau lui dire que nous, en Irlande, ça ne fait pas partie de nos coutumes, elle n’en démord pas.

— Joy, on continuera ces échanges la prochaine fois. Travaille bien ta technique pour les portés, surtout. A demain.

— Bien sûr, je vous laisse. A demain, Prof, me répond la jolie brune d’une voix blanche en tournant déjà les talons.

— A tout à l’heure, Joy, lui lance Jenny avec son fort accent, avant de se tourner vers moi et de continuer en anglais. Alken, ce soir, on se fait un petit dîner ? J’aimerais que tu me racontes un peu comment se passent tes répétitions avec Mohamed Benkali. J’ai toujours rêvé de travailler avec lui.

Je regarde la petite blonde qui me fait face et me demande si son invitation est juste pour discuter ou si elle veut que je joue à l’escort boy, comme le dit Joy. Son expression est indéchiffrable et je n’arrive pas à lire ses intentions. Je ne vois cependant pas de raison de refuser et accepte donc de la retrouver au restaurant de son hôtel. Je me demande pourquoi la vie ne peut pas être aussi simple avec Joy. C’est avec elle que j’aimerais passer tout mon temps libre. C’est dans ses bras que je voudrais passer toutes mes nuits. Et malheureusement, ce n’est pas possible.

Pendant que je range mes affaires, mes pensées ne font que tourner autour de la jolie brune qui hante mes rêves et mes fantasmes. Bientôt quinze jours que nous n’avons pas fait l’amour, bientôt deux semaines que nous ne nous sommes pas retrouvés, et je suis en manque. Mais au-delà du manque physique, ce dont j’ai aussi besoin, c’est de partager des moments avec elle. Quand je la vois discuter avec ses camarades de classe, que je constate qu’ils sont tous jeunes et en pleine forme, qu’ils passent énormément de temps avec elle, je suis à la fois jaloux et angoissé. J’ai tellement peur qu’elle réalise que je ne suis pas à la hauteur de tous ces autres qui sont tellement plus proches et accessibles que moi. J’ai peur qu’un jour, elle ne me dise que tout est fini et qu’elle a trouvé quelqu’un d’autre avec qui elle peut vivre librement sa relation. J’ai peur de la perdre, tout simplement.

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