Sous le feux des codes

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Tokyo n’était jamais vraiment silencieuse. Même au cœur de la nuit, la ville bourdonnait d’une vie sourde et constante : des moteurs ronronnaient dans les ruelles étroites, des néons crépitaient faiblement, et l’écho des pas résonnait parfois sur le béton humide. Pourtant, dans cette chambre luxueuse perchée au sommet d’un gratte-ciel, le silence régnait. Un silence oppressant, chargé de tension.

Yuna Takeda, 24 ans à peine, se tenait debout devant une vaste baie vitrée. Les lumières de la ville se reflétaient sur son visage impassible, masquant l’ouragan qui grondait en elle. Son regard sombre embrassait Tokyo comme un empereur contemplant son royaume, mais en elle, tout n’était que chaos. Sa robe noire, sobre mais élégante, soulignait son autorité. Un katana ancien reposait sur un présentoir à quelques mètres derrière elle, symbole de son héritage et de son pouvoir.  

Elle n’avait jamais voulu cette vie, mais la vie ne demandait jamais. À la mort brutale de son père, Yuna avait été propulsée à la tête du clan Takeda, un empire criminel aussi vaste que dangereux. Elle avait appris à gouverner par nécessité, à cacher ses faiblesses derrière un masque d’acier. Dans ce monde, la compassion était une faiblesse mortelle. Pourtant, ce soir, une fissure menaçait de se former dans son armure.  

« Il est prêt ? » demanda-t-elle d’une voix basse mais tranchante.  

Derrière elle, un homme en costume noir hocha la tête, les mains jointes devant lui.  

« Oui, ojou-sama. Il est en bas, dans la salle des serveurs. Il a terminé l’installation du pare-feu comme vous l’avez demandé. »  

Yuna détourna enfin les yeux de la ville pour fixer son subordonné. « Et ? »  

L’homme hésita. Une goutte de sueur perla sur son front, malgré l’air frais de la pièce. « Il… il a demandé à partir. Il dit que son travail est terminé. »  

Un léger sourire, froid et sans humour, effleura les lèvres de Yuna. « Je ne pense pas qu’il comprenne la situation. »  

Quelques minutes plus tard, dans les profondeurs du bâtiment, Eiji Kuroda tentait de rester calme. Les lumières fluorescentes du sous-sol clignotaient, jetant des ombres nerveuses sur les murs blancs. Eiji, 28 ans, n’avait rien d’un criminel. Son monde était celui des algorithmes et des systèmes informatiques, pas celui des armes et du sang. Pourtant, il était là, en territoire hostile, entouré de membres armés de la mafia japonaise.  

Son cœur battait furieusement dans sa poitrine tandis qu’il finissait de ranger son matériel dans son sac à dos. Il avait été engagé, ou plutôt contraint, pour concevoir un système de sécurité inviolable pour le réseau du clan Takeda. Et s’il avait fait de son mieux pour rester neutre et discret, il savait que ce genre de client ne vous laissait pas simplement partir avec un sourire et un chèque.  

La porte derrière lui s’ouvrit, et il se raidit en entendant des pas approcher. Lorsqu’il se retourna, son regard croisa celui de Yuna Takeda. Elle était bien plus jeune qu’il ne l’avait imaginé, mais son regard suffisait à faire frissonner n’importe qui. Il y avait une froideur dans ses yeux, un mélange de détermination et de méfiance.  

« Monsieur Kuroda, » dit-elle d’une voix calme mais glaciale, « votre travail est impressionnant. »  

Eiji hocha légèrement la tête, mal à l’aise. « Merci… Je pense que tout est en ordre maintenant. Si vous n’avez plus besoin de moi, je vais partir. »  

Yuna avança d’un pas, ses talons résonnant sur le sol carrelé. « Partir ? Vous semblez penser que votre rôle ici est terminé. »  

« Eh bien, je suis informaticien, pas membre de votre… organisation, » répondit-il, choisissant soigneusement ses mots. « Je vous ai fourni le système que vous m’avez demandé. Je n’ai aucune raison de rester. »  

Un silence tendu s’installa. Yuna le regarda comme si elle pesait ses mots, ou peut-être comme si elle évaluait sa faiblesse.  

« Vous avez raison, » dit-elle finalement. « Vous n’êtes pas des nôtres. Mais c’est précisément pour cette raison que je ne peux pas vous laisser partir. Vous savez trop de choses. »  

Eiji sentit un frisson glacé lui parcourir l’échine. « Écoutez, je ne suis pas une menace pour vous. Je ne dirai rien à personne, je vous le jure. »  

Yuna s’approcha davantage, réduisant la distance entre eux. Elle était petite, mais son aura imposante le cloua sur place. Elle inclina légèrement la tête, comme si elle l’étudiait.  

« Je pourrais vous croire, » murmura-t-elle. « Mais dans mon monde, croire quelqu’un peut coûter cher. »  

Eiji déglutit avec difficulté. « Alors pourquoi m’avoir engagé ? Vous saviez que je ne fais pas partie de votre… cercle. Pourquoi moi ? »  

Le fantôme d’un sourire apparut sur le visage de Yuna. « Parce que votre réputation vous précède. Vous êtes le meilleur, Eiji. Et dans ce domaine, le meilleur est une arme précieuse… ou un danger mortel. »  

Le silence retomba, mais cette fois, il était chargé d’électricité. Eiji savait qu’il jouait une partie qu’il ne maîtrisait pas. Cette femme, aussi belle qu’elle était dangereuse, tenait sa vie entre ses mains.  

« Très bien, » dit-il finalement, serrant les poings. « Alors qu’est-ce que vous voulez de moi ? Je suis prêt à travailler pour vous si c’est ce qu’il faut. Mais si vous me forcez à rester, vous ne gagnerez rien de moi. »  

Yuna plissa les yeux, comme si elle essayait de déchiffrer quelque chose dans son regard. Contre toute attente, elle se tourna légèrement, laissant échapper un soupir.  

« Vous êtes audacieux, je vous le concède, » dit-elle doucement. « Et peut-être un peu plus utile en vie qu’en mort. »  

Eiji ne savait pas s’il devait être soulagé ou inquiet.  

« Considérez ceci comme un test, » continua-t-elle. « Montrez-moi que je peux vous faire confiance, et peut-être que je vous laisserai partir un jour. Mais en attendant… vous travaillez pour moi. Et dans mon monde, la loyauté n’a pas de prix. »  

Yuna quitta la pièce, laissant Eiji seul avec ses pensées tumultueuses.  

Ce qu’il ignorait encore, c’était qu’il venait de franchir une ligne invisible. Il était désormais pris dans une toile dont il ne pourrait pas se défaire. Et pour Yuna, cet informaticien brillant pourrait bien devenir la seule lumière dans son monde d’ombres… ou une menace qu’elle devrait éliminer de ses propres mai

Amourmort
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prologueChapitre2 messages | 2 jours

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