Le dernier rêve
J'ai fait mille rêves différents mais seulement deux parlaient de toi.
Le premier rêve, je ne le raconterai pas. Je me suis réveillée, tremblante, à peine vêtue dans la nuit glaciale, sur le rebord ténu de pierre de la plus haute tour du couvent.
La cloche de minuit résonnait et je ressentais les coups dans mon dos, plaquée à la paroi rugueuse de pierre.
La campagne glacée s'étirait à perte de vue, déserte, éclairée par la lueur argentée de la lune. C'est à cet endroit précis que je t'avais apercu la dernière fois. Mon coeur se serrait d'angoisse alors que je scrutais vainement la route déserte. Puis, les larmes ruisselant sur mes joues bleuies, je retournais sans bruit, dans ma chambre.
La deuxième fois, je frissonnais pieds nus devant ma porte quand je repris conscience. Je prenais soin de fermer à clef chaque soir avant de me coucher depuis la première nuit. Je dormais toujours aussi mal, mais les herbes que mère Honorine me donnait m'empêchait de me souvenir de mes rêves. Je n'avais plus fait de crise de somnambulisme jusque là.
Je te tenais dans mes bras, mon tout petit. Tes lèvres avides cherchaient le réconfort de mon sein. Tes minuscules menottes potelées gigotaient d'énervement. Mais quand je levais les yeux, sur le grand miroir qui me faisait face, je vis une étrangère à la peau ambrée, ses boucles brunes cascadant sur ses épaules frêles. Je voyais ton petit nez se froncer pour capter les effluves reconfortant de parfum maternel. Mais tu ne pouvais plus sentir que cette inconnue. Et ce n'était plus moi. On t'a arraché à mes bras avant même que tu aies eu le temps d'apprendre à sourire. Pourtant seul l'espoir de te tenir dans mes bras me faisait oublier les visages grimaçants des hommes. Ces monstres qui m'avaient arrachés à l'enfance puis abandonnée à demi-morte à la porte du couvent.
La douleur de mon coeur à nouveau brisé me réveilla et je me trouvais devant la porte. La poitrine douloureuse de ne plus pouvoir te nourrir, mon fils. Pour ton bien et le mien, les soeurs nous ont séparés. Tu ne peux élever toi même le fruit de tant de souffrance, m'ont-t-elles déclaré , tu verras sans cesse le visage de tes tourmenteurs dans ses yeux.Mais tu n'y etais pour rien, toi, mon petit ange.
Ce sera le dernier rêve. Sans toi, ma vie n'a plus de sens. J'espere que les soeurs de la charité te donneront ma lettre. Je te verrai grandir de là-haut et je t'enverrai mon amour.
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