Par là, et tout autour... Voir même encore un peu plus loin.
Les rues de Nantes sont belle la nuit. Surtout quand il pleut. Surtout quand on a le nez dessus et qu’on accuse la pluie qui fait glisser.
Le nez sur le pavé et le château qui se fout de ma gueule de tous ses créneaux.
Lui, il tient debout. Même si on à beaucoup essayé de le mettre à genou. Pas comme moi, cramponné à la bordure du trottoir pour ne pas finir au fond du gouffre. Le caniveau, quoi.
Et puis merde, j’y suis bien dans cette gouttière qui déborde de son torrent douteux. Dois-pas il y avoir que d’l’eau. Tant pis, c’est frais.
J’aimerais que cette rivière m’emporte. Qu’elle me ramène là où j’étais entier. Quand je traversais les frontières. Quand la nuit était ma maitresse. Quand je rencontrais la lune et les étoiles. A pied, à cheval et en airbus. Fuir tout autour de la Terre. Je t’ai cru Prévert. Salaud !
Aliter dans cette bourbe qui me borde, je sens ce regard qui me juge. Ce que cela peut être froid des yeux de bronze. Duchesse, pourquoi restes-tu sans rien dire ? Anne ne vois-tu plus rien venir ? Si tu savais combien je m’en cogne de ton opinion de statue. Je suis bien, là, à quelques mètres de tes pieds. Comme un clébard trempé et imbibé. Je prendrais bien quelques caresses, fussent-elle de métal. Mais, je te sens un peu chiche pour donner de l’affection à un de tes enfants. A part te taire, tu ne sais pas dire grand-chose. Mais quand même ; confortable sur mon matelas de granite, j’y resterais bien encore un peu à t’écouter rien dire. Le temps que j’arrête de souffler, que j’arrête de souffrir, que ça s’arrête.
Le vin qui remonte, cet emmerdeur, décide qu’il est temps de partir. Il est pressé en plus. Qu’elle chieur celui-là! Il me sort par les trous d’nez et Il n’est pas tout seul. J’ai les narines qui débordent. J’ouvre encore ma gueule, pour laisser échapper mon dégout, que le ruisseau entraîne plus loin, pour le noyer dans les égouts. Tout me quitte. Pas grave quand t’es seul, c’est toujours moins de gens avec qui se fâcher. Et il y a longtemps que je ne suis plus en colère.
J’ai failli la rater, mais entre une merde de chien et un paquet de clopes vide, y’a son reflet un peu crasseux dans l’humidité du trottoir. Aussi ronde que moi, mais pas aussi méchante. Entre deux nuages, d’où elle peut tout voir, elle vient au renseignement . Peu importe le coin de carte ou j’ai pu poser mon sac, elle insiste toujours pour être là. A pied sur la Grande Muraille, en flânant sur les rives du Yang Tse, perdu à Munich, dans la neige à Stockholm, dans les cages de Hong Kong, sur les hauteurs de Singapour, sous la mousson à New Delhi, entre les jumelles de Kuala Lumpur et sur un air de Jazz à Chicago. Jamais loin, ma copine lunaire, qui m’attrape maintenant sous le bras. J’ai toujours dit oui, quand il s’agit de la suivre.
Mes efforts font glisser mes coudes sur la chaussée ; elles sont bien lourdes mes conneries. Mes genoux cognent contre le pavé. J’ai mal dans les hanches, j’ai mal dans les épaules. Je n’ai pas que mes conneries sur le dos ; le temps m’a bien rempli les poches aussi. J’en avais moins à porté quand j’avais vingt ans, il me semblait plus léger aussi.
Ça y est, j’ai un genou à terre, et le reste est victorieusement verticale. Ça grince, ça coince. Ce qui me reste de cartilage dans les rotules m’envoie sa démission. J’ai le bassin en grève et l’oreille interne qui s’engueule avec la stabilité du sol. Mais, à défaut d’humanité, il me reste encore d'être un bipède. Un pas, juste un pas, puis un deuxième, puis après j’arrête de compter parce que je me rappel comment on fait. Et comme la Lune va par-là, moi aussi j’y vais. Allez salut ! On se retrouve au prochain tour.
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