JOURNAL INTIME DE DIMITRI : RETOUR A LA CIGALE ROSE
La route a été plaisante malgré les bouchons du périph parisien et la longue distance qui me sépare de la Provence.
La chaleur m'a accompagné sur l'autoroute du Soleil avant que je ne rejoigne celle au surnom encore plus chantant : la Provençale, bordée des platanes de mon enfance.
Enfin, la D581 conduisant à ma destination.
Quelques kilomètres avant d’arriver à La Cigale Rose…
Un quart d’heure plus tard, je gare mon véhicule devant l'entrée. Un bruant jaune se pose sur le pare-brise et parait m’accueillir. Je l’observe affectueusement, le laisse décoller avant de prendre la télécommande, que m'a laissé Monsieur Riccanto lors de la vente, dans le vide-poche pour accéder à mon domaine.
Tranquillement, je guide la berline à l’intérieur avant de refermer le portail.
J’y suis.
Je décroche ensuite ma ceinture de sécurité et, le plus lentement possible, l’appréhension me gagnant, m’extrait de la voiture.
Aussitôt la lavande des champs d’en face emplit mes narines. Cela me change du bitume parisien !
Je me dirige vers le verger, bien entretenu. Je féliciterai à l’occasion les précédents propriétaires, car les abricotiers, amandiers et arbousiers sont en pleine forme et promettent des fruits succulents dans un avenir assez proche.
Mes pas m’emmènent ensuite vers le coin floral. Aux pieds d’une statue d’Aphrodite, se mêlent un parterre d’Adonis du Printemps et de crocus. Un peu plus loin, des tulipes et des azalées colorent le jardin. Les capucines et les magnolias prendront la relève en été.
Au fond de la propriété se dresse un cèdre centenaire, fier, sur lequel repose un chardonneret élégant qui semble m’adresser sa cour.
Les cigales me souhaitent également la bienvenue de leur chant si harmonieux, du moins à travers mon MP3, avril n'étant pas leur saison des amours !
Je profite de ce spectacle pendant un temps qui me semble éternel, avant qu’une image fugitive ne vienne traverser mon esprit. Je décide alors de rentrer dans la demeure.
Une silhouette aux formes harmonieuses se dessine devant le plan de travail en faïence décorée de cigales. Sûrement un reflet du soleil, car celle-ci disparait lorsque je ferme la porte. Je scrute la pièce avec nostalgie.
Rien, ou si peu de choses ont changé. À croire que les précédents occupants des lieux partageaient nos propres goûts.
La grande table de merisier, les placards encastrés en pin, l'évier en granit rose. Même le néon au-dessus de ce dernier n’a pas disparu. Plus surprenant encore, la cafetière, vestige d’un autre temps, probable jumelle de celle que nous utilisions autrefois.
C’est alors que les rires jaillissent. Ils semblent provenir de partout : des murs, du plafond, du plancher, de chaque interstice du salon et de la cuisine.
Inconsciemment, je m’assieds à la grande table où nous jouions durant des heures à des jeux de société avec mes parents, ponctuées de rires et de chamailleries. Je ferme les yeux et repense à ces instants magiques. Les repas cuisinés avec amour me reviennent également en mémoire : les tartes de maman, les faisans de papa accompagnés de sauce gribiche, les produits maisons de tata Ursule, la fromagère du hameau d’à côté, devenue ma complice au fil des ans, avec sa livraison hebdomadaire de chèvre frais. Tout me semblait si paisible jadis.
Je reste là, perdu dans mes pensées, puis décide, subitement, d’inspecter les chambres.
J’hésite quelques instants avant d’ouvrir la porte de mon ancienne intimité, ayant peur que les souvenirs affluent trop vite. Cependant, il faudra bien que je rentre, je ne vais pas dormir dans le canapé alors qu’un lit douillet m’attend ! La raison doit prendre le pas sur le passé ravivé mais étiolé par la parenthèse parisienne.
Je ne suis pas déçu, le mobilier et la décoration sont tels que je les avais laissés : je retrouve notre grand lit à la couette ocre, mes tentures olivâtres, la petite table de chevet qui abritait mes romans nocturnes, l’armoire de maman en chêne massif, les murs pastels qui appellent à la tranquillité.
Je sors mon calepin afin d’y décrire mes premières impressions, m’étale sur le lit, après avoir ôté mes chaussures, et Morphée me happe sans même que je ne m’en rende compte.
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