L'appel à Christophe
En début de soirée, Dimitri téléphona à son meilleur ami, son point d'ancrage.
Celui qui perçevait les maux dissimulés dans les mots, et qui, grace à son soutien indéfectible empêcha le quadragénaire de sombrer dans les abysses.
Christophe décrocha à la troisième sonnerie, farce du destin qui rappelait leur code secret durant leurs années lycéennes.
— Comment ça va, vieux frère ?
Dimitri resta sans voix un instant. Même s’il était un pilier dans sa vie, ces derniers temps, l'expert-comptable l'avait délaissé. Entre les allers-retours pour finaliser le rachat de la demeure familiale, la transition avec son successeur et l’organisation du déménagement, il n'avait guère eu de temps à lui consacrer. Et pourtant, ce dernier se comportait comme si ils s’étaient quittés la veille.
— Tu es toujours là ? poursuit son ami.
— Oui, ça va. Je ne m’attendais pas à ce que tu décroches.
— C’est tellement logique. Tu appelles les gens en espérant qu’ils ne décrochent pas. C’est un de tes trucs vicieux de comptable, c'est ça ?
— Très drôle. Désolé de ne pas avoir pris de nouvelles plus tôt, mais j’ai eu un planning assez chargé.
— T’inquiète, je comprends. Mon petit doigt me dit que tu m’appelles pour la pendaison de crémaillère.
— T'es devin maintenant ?
— Il parait que je suis ton meilleur ami et pourtant je suis le dernier averti. Heureusement que les autres sont moins secrets que toi. Ils étaient d’ailleurs enthousiastes de se retrouver comme au bon vieux temps. Enfin avant…
— Oui, je vois ce que tu veux dire, coupa Dimitri.
— Donc tu as besoin de moi pour ?
— Qui te dit que j’ai besoin de ton aide ? lança amusé le quadragénaire.
— Mon gros doigt. Tu sais celui que tous m’envient. Dix ans de muscu uniquement sur le pouce. Il a pris cher !
— C’est pas super utile, mais faut reconnaître que niveau intuition, ça fonctionne plutôt bien.
— Je te l’ai toujours dit. La muscu du pouce, ça pourra toujours servir un de ces jours.
— En fait... J’ai plus besoin de tes biceps sur ce coup !
— Je m’en serais douté. Tu peux compter sur moi. J’apporte un pack de bières. Après l’effort, le réconfort. On en profitera aussi pour évoquer les bons souvenirs, histoire de prendre de l’avance sur les autres. Ils ne vont pas en revenir de notre mémoire d’éléphant. Au fait, il y aura qui ?
— Je te laisse la surprise. On ne va pas s’ennuyer. Heureusement que le jardin est grand, on tiendra tous.
— Petit cachotier va. De toute façon, je serai vite fixé. Je viens pour quelle heure demain ?
— Direct, tu penses que c’est pour demain ?
— Ouais, à mon avis, tu t'y prends à la dernière minute pour appeler ton pote. Autant tu gères au boulot, autant pour demander de l’aide, tu rames toujours un peu.
— Mea culpa, rit-il. Demain, dix heures, ça te convient ?
— Attends, je regarde mon agenda surbooké… Ouais, ça peut le faire. Je décale Miss Taby à neuf heures et je suis tout à toi.
— N’oublie pas ses croquettes, elle va te grogner dessus à ton retour sinon.
— J’en ramènerais un échantillon pour toi. Tu m’en diras des nouvelles. Bon je vais te laisser, Hector est en train de se frotter entre mes jambes, c’est pas très glamour. Il veut son câlin le petit.
— Je l’entends ronronner d’ici. Je vais te laisser avec Miss Taby et Hector. Pense à dormir un peu pour être en forme demain.
— Je gère. C'est cool de se revoir après tout ce temps. On a plein de trucs à se raconter. Bonne soirée et ne veille pas trop tard.
— Couvre-feu à minuit ! Allez, à demain.
*
Christophe restait égal à lui-même, pétri de mots redonnant le sourire. Charmeur mais éternel célibataire, il préfèrait papillonner sans pour autant blesser qui que ce soit. Il annonçait toujours la couleur au début de ses relations.
Il donnerait sa chemise pour ses amis, se couperait en quatre pour eux. Toujours disponible à toute heure du jour et de la nuit. Malgré ses deux mètres, il s’imposait plus par sa gentillesse que par sa musculature écrasante, qui lui avait pourtant permis de gagner une médaille d’or aux JO.
Avant de raccrocher, il prit un poste dans l'entreprise familiale spécialisée dans le déménagement. En phase terminale d'un cancer, son père avait besoin de lui.
Les retrouvailles de la bande ne pouvaient débuter qu'avec Christophe.
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