Chapitre 17 : Fatality.

12 minutes de lecture

Samedi 8 décembre, vers 17h

- « Tu penses qu’elle dort encore ?

- Oh oui ! Ne t’inquiète pas. De toute façon, elle va disparaitre elle aussi. Comme les autres. »

Guidrish entend les mots distinctement mais les voix sont lointaines. Ils parlent dans sa langue. La moquette caresse doucement sa joue. Il reprend lentement conscience, revoit mentalement la séquences des évènements : l’avion, les stewards qui n’en n’étaient pas, la confrontation, la douleur dans le dos, le couteau ensanglanté… Lisa. Elle est en danger. Les battements de son cœur s’accélèrent, il reprend doucement son souffle et ses forces, mais, par instinct de survie ne bouge pas. Ses sens se mettent en éveil et deviennent de plus en plus aigus. Il écoute : Ils sont deux dans la cabine des passagers, ils sont à coté de Lisa. L’un deux se déplace vers lui. Il sent un coup violent, sur le côté, dans ses cotes. Cela lui coupe le peu de souffle qu’il avait réussi à récupérer, mais se force à ne pas bouger un cil.

- « Alors, le Loup ? On fait moins le malin maintenant, hein ? »

C’est la même voix masculine avant le coup de couteau dans le dos. L’homme est au-dessus de lui. Soudain, il lui tire les cheveux sur le dessus de la tête pour la soulever en arrière et exposer sa gorge. Il sent la froideur et le tranchant d’une lame contre sa carotide. Il sent le souffle de l’homme contre son oreille :

- « Dis-moi, Guidrish, ça fait quel effet de finir une si longue vie, remplie de tant d’exploits et d’aventures, de façon aussi… merdique ? » L’homme s’esclaffe d’un rire aigu et dérangeant.

- « Je n’y arrive pas ! »

C’est la voix de l’hôtesse, restée avec Lisa. Guidrish entrouvre ses yeux et voit la femme à califourchon sur Lisa, certainement en train d’essayer de lui faire fondre le cerveau grâce au faisceau qu’ils projettent avec leur regard. La démone, avec une voix paniquée, s’exclame à nouveau :

- « Ça ne marche pas ! Qu’est-ce que je fais ?»

Guidrish sait que s’il ne réagit pas maintenant, ce sera trop tard. Il attrape subitement, le poignet qui tient le couteau et menace sa carotide, le tord de toutes ses forces de manière que le démon s’écroule devant lui. Puis, dès que ce dernier est au sol, Guidrish se jette sur lui tel un félin, l’assène de coups de poings forts et rapide au visage jusqu’à ce que le démon soit complètement assommé et n’ait pas le temps de faire le moindre bruit. Le faux steward étalé sur la moquette, inconscient, le nez explosé et le visage en sang, Guidrish se relève, les yeux brillants d’une lueur vibrante dorée, l’adrénaline lui faisant reprendre toute son énergie et sa force, et se dirige d’un pas décidé vers la fausse hôtesse de l’air. Elle est toujours en califourchon sur Lisa, son visage entre ses mains, et qui tente, pour la xième fois de faire fondre le cerveau de la jeune femme, toujours paisiblement endormie. Guidrish prend la femme démon par la nuque d’une main, et la projette de l’autre côté du couloir. La démone s’écrase lamentablement contre les hublots et s’écroule sur le siège passager en cuir, la tête au sol. Guidrish se penche alors sur Lisa, la prend par les épaules et la secoue pour la réveiller.

- « Lisa ! Lisa ! Réveillez-vous bon sang ! » Mais aucune réaction de la jeune française.

Soudain, dans un cri strident, il sent un lourd poids se jeter sur son dos et des mains griffues qui lui attrapent la gorge avec une force phénoménale. La démone est agrippée à lui et tente une ultime action pour le neutraliser. Il se jette au sol, sur le dos pour écraser son adversaire, mais les mains de l’hôtesse sont toujours accrochées à son cou. D’une main, elle lui griffe la gorge et de l’autre, le tient par les cheveux. Son corps est prisonnier entre les jambes de la femme qui forment une clef, l’empêchant de se libérer. Son cri inhumain lui déchire les tympans. Guidrish tourne difficilement sa tête sur le côté et voit une barre de fer accrochée aux parois sous les sièges, accrochée par des sangles. Sans doute un cric qui sert à fermer les portes de l’avion depuis l’intérieur. Il tente de s’en approcher, la gorge en sang et avec la prise de la furie sous lui, qui le martèle de coups sur le côté du torse. Il réussit tant bien que mal à toucher les sangles en velcro, en détache une péniblement et réussit à faire glisser la barre. La tenant dans sa main droite, il marmonne une espèce d’incantation. Ses yeux brillent d’autant plus et la barre de fer change lentement de forme pour devenir un authentique glaive romain. Il attrape alors une des jambes de la démone qui encercle son torse et lui transperce la cuisse. Elle hurle de douleur. Il se dégage de son étreinte, la maintient au sol en s’asseyant sur elle, sert sa gorge d’une main et, de l’autre qui est armée, la transperce frénétiquement de coup de glaive au ventre. Un cercle noir s’épand lentement sur la moquette crème du couloir, formant un cercle autour du corps de l’hôtesse, qui ne bouge plus et n’émet plus aucun son. Guidrish se relève et se tourne vers le steward qui est toujours au sol mais recommence lentement à bouger. Le steward lève la tête, son visage est déformé par la haine. Ses yeux sont devenus entièrement noirs et fixent dangereusement Guidrish qui s’avance vers lui d’un pas assuré. Le démon se relève subitement avec une force surnaturelle, dans un cri glaçant, montrant des dents dangereusement aiguisées et pointues et se propulse sur Guidrish. Ce dernier se penche légèrement en arrière, la main gauche en avant afin de retenir le corps qui se jette sur lui et, de toutes ses forces, enfonce son arme jusqu’à la garde, dans l’estomac de son adversaire, qui s’écroule dans un râle guttural au sol. Le guerrier Hun reprend lentement son souffle et contemple la scène : c’est un véritable massacre. Les murs, les sièges en cuir et le sol sont recouvert de larges éclaboussures qui pourraient s’apparenter à du sang si ce n’est qu’elles sont de couleur noir. Les deux corps démoniaques gisent sur le sol et n’émettent aucun son. Guidrish sort alors de sa poche son artefact, une croix subtilement ouvragée et sertie de nacres. Il la pose sur le corps de l’homme-démon et incante sa litanie. Le corps disparait, faisant tomber l’artefact au sol. Il fait le même manège sur le corps inerte de la démone qui s’évapore subitement. Il reprend la croix qu’il glisse dans la poche gauche de son pantalon et jette un œil sur Lisa. Elle est toujours inconsciente sur son siège passager. Il se dirige vers elle, tente de sentir un pouls en posant ses doigts sur le côté de son cou. Elle est vivante. Et les battements de son cœur sont réguliers. Il se penche vers son visage pour sentir un souffle. La respiration de la jeune femme est fluide et tranquille. Apparemment, elle est juste profondément endormie. Soudainement, l’avion se penche dangereusement sur le côté, faisant perdre l’équilibre à Guidrish, qui s’écroule sur Lisa. Celle-ci ne se réveille toujours pas. Par reflexe et instinct de protection, il la place correctement sur son siège et l’attache avec la ceinture de sécurité. Un appel au secours se fait entendre du cockpit. C’est le pilote. Guidrish se relève, tant bien que mal, l’avion continuant sa ronde inquiétante qui descend inéluctablement. Ce dernier est en train de piquer au sol. Si le guerrier n’agit pas tout de suite, ils vont certainement s’écraser. Il ramasse précipitamment son arme qu’il avait fait tomber par terre et avance d’un pas rapide vers le cockpit en se raccrochant aux sièges pour ne pas se retrouver projeter plus vite que prévu à l’avant de l’appareil. Il tente d’ouvrir la porte de la cabine de pilotage mais elle est fermée. Avec son épée courte, il frappe de toutes ses forces sur la poignée, puis fait levier dans l’interstice pour faire bouger cette satanée porte, qui après un ultime effort, s’ouvre brutalement. Il voit alors le pilote, agrippé aux manettes de commandes. Le coté de son uniforme est rouge. Il a été gravement blessé. Le co-pilote à côté de lui, tient une arme blanche ensanglantée et se tourne brusquement vers Guidrish qui vient de faire irruption dans le cockpit. Ses yeux sont d’un noir ébène et zébrés d’éclats rougeâtres. Un démon… ils étaient donc trois. Ce dernier se jette sur Guidrish telle une furie, les griffes remplaçant ses ongles et des crocs asserrés déforment sa bouche grande ouverte. D’un geste rapide et précis, Guidrish avance brusquement son glaive qui s’enfonce dans le torse du monstre. Ce dernier bouge encore, tente d’attraper le visage du Pannonien avec ses griffes puis s’effondre sur la garde du glaive et glisse au sol, inerte. Guidrish se précipite vers le siège du co-pilote et essaie de communiquer le plus clairement possible avec le pauvre homme qui tente de sauver son avion en avançant vers lui les manettes de commandes afin de relever l’appareil. Ce dernier lui parle avec la voix la plus forte qu’il peut : « Nous allons atterrir en catastrophe Monsieur… Il m’a soudainement attaqué. Asseyez-vous à la place du co-pilote et faites les mêmes gestes que moi. Tirez la manette de contrôle doucement vers vous. Je vais tenter de ralentir l’appareil afin qu’on n’explose pas à l’atterrissage… Et ATTACHEZ-VOUS ! Sinon vous allez traverser le parebrise avant qu’on ait touché le sol !! ». Le pilote tente des contacts avec quelques tours de contrôle mais aucune réponse ne vient.

« Où sommes-nous ? » Lui demande d’une voix forte Guidrish.

« On a dépassé Budapest. Ils ont détourné l’avion dès qu’on a passé l’Autriche. » Le pilote tente de reprendre son souffle. Il a perdu beaucoup de sang. Devant eux, le paysage enneigé se rapproche un peu trop vite. Soudain le pilote crie à Guidrish : « Détachez-vous maintenant !! Allez-vous attacher sur un siège passager le plus à l’arrière possible et cramponnez-vous ! » Ce que fait Guidrish sans demander son reste. Il tente de s’avancer le plus loin possible, en se cramponnant sur les dossiers des sièges et se jette sur l’un deux en se ceinturant et s’agrippant de toutes ses forces sur les accoudoirs. L’avion se stabilise alors doucement et reprend une descente plus conforme à un atterrissage standard. Le guerrier reprend son souffle. Une pensée lui traverse subrepticement la tête : il aurait traité de fou celui qui, au temps où il n’était encore qu’un simple humain, lui aurait dit qu’il allait peut-être mourir dans un oiseau en métal, écrasé au sol. Cette pensée fugace le fait sourire. S’il avait su… Guidrish tourne sa tête vers les hublots, scrutant la terre qui se rapproche dangereusement. L’avion a pris une allure normale. Soudain, le son des roues de l’appareil qui s’enclenchent lui indique qu’ils vont bientôt toucher terre. Il sert de plus en plus fort les accoudoirs, à s’en déformer les doigts. Une secousse forte lui fait presque exploser le cœur. Mais le véhicule ne part pas en morceau. La vitesse de l’appareil décroit lentement. Il regarde par les hublots et voit un paysage immaculé de blanc qui défile devant ses yeux et ralentit petit à petit. Ils ont atterri. Guidrish pousse un long soupir de soulagement. Malheureusement, un bruit d’une violence inouïe fait bondir son cœur dans sa poitrine. Le paysage a disparu, remplacé par une noirceur incongrue. L’appareil s’arrête alors brusquement, propulsant Guidrish contre le dos du siège devant lui et l’assommant presque. La ceinture qui le retient, lui écrase les entrailles et le diaphragme, lui coupant la respiration de manière brutale. Puis, plus rien. Le calme après la tempête. S’assurant que l’avion n’est plus du tout en mouvement et reprenant lentement sa respiration, Guidrish se détache, se lève chancelant et se précipite vers Lisa, quelques rangs plus loin que lui, pour s’assurer qu’elle va bien. Il la trouve complètement avachie sur ses cuisses. Elle ne bouge pas. Il va vers elle précipitamment, la relève par les épaules. Elle se met à gémir et bouge doucement la tête. Elle ouvre à peine les yeux, le regarde les paupières mi-closes, puis se rendort, la bouche entrouverte, ronflant presque. Il supervise les différentes parties de son corps, encore estomaqué que la jeune femme n’a apparemment aucunes séquelles de cet atterrissage forcé. Il jette un coup d’œil aux hublots pour tenter de savoir où est-ce qu’ils auraient bien pu atterrir. Il voit alors des débris de planches sombres éparpillées sur un sol enneigé, et, plus loin, une vieille maison en pierre. On dirait une vieille ferme des campagnes transylvaniennes. En observant les débris de bois, il comprend alors que l’avion a foncé dans une vieille grange qui a servi de tampon et permit à l’appareil d’arrêter sa folle course sans trop de dégâts. La grange en revanche est devenue inexistante et s’est effondrée dans le choc. Il fonce alors vers le cockpit pour s’assurer de l’état physique du pilote qui vient de leur sauver la vie. Malheureusement, il trouve ce dernier avachi sur le tableau de bord, le teint pâle, les yeux et la bouche grande ouverte. Il n’a pas survécu à ses blessures. Le guerrier pose sa main sur les yeux du pilote, l’air grave : « Merci mon ami. Je suis désolé, mais je ne peux pas laisser de traces... ». Il sort son crucifix et le place contre le front de leur sauveur, mais cette fois, lui murmure une prière, pour s’assurer qu’il parte bien dans un monde meilleur. Le corps de l’homme disparait soudainement vers une destination inconnue, laissant un siège vacant. Guidrish se retourne et voit le faux co-pilote qui git, mort, au sol. Il recommence son étrange rituel pour faire disparaitre le démon. Après s’être assuré que plus aucun cadavre suspect ne traine dans l’avion, il ouvre les compartiments à bagages qui se trouvent au fond du couloir, en sort un manteau en laine noir, chaud et élégant dont il se couvre et qu’il boutonne jusqu’au cou. En fouillant dans le compartiment, il trouve une veste qui devait appartenir à un des stewards. Il la regarde de ses yeux mordorés et la transforme en un vison soyeux et élégant. Il prend les sacs de voyages avec la fourrure et se dirige vers Lisa qui commence à pousser quelques gémissements. Elle est en train de s’éveiller lentement. Il arrive à son niveau et l’observe, avec un léger sourire de soulagement. Lisa entrouvre les yeux, tourne sa tête vers lui et lui demande d’une petite voix enfantine : « On est arrivé ? ». Un grand sourire éclaire le visage de Guidrish. Il lui tend alors le vison. « Tenez. Enfilez-ça si vous ne voulez pas attraper froid. Nous allons sortir. »

Bien que Lisa ait la tête complètement dans le gaz, elle ne peut s’empêcher de remarquer le chambardement autour d’elle. Guidrish s’avance devant elle vers une des issues de secours, et enclenche la manivelle qui permet d’ouvrir la porte. Lisa se rapproche de lui et, d’un air effaré lui demande : « Mais… qu’est-ce qu’il s’est passé ici ? C’est quoi toutes ces traces noires partout ? On est où ? » Guidrish pousse la porte qui se baisse vers le bas, leur permettant d’avoir accès aux marches qui y sont encastrées et de pouvoir descendre de l’appareil. Il se tourne vers Lisa et lui répond d’un air le plus naturel possible : « Nous avons eu, disons, un petit contretemps. Et bienvenue à… Je n’en ai aucune idée ! »

Soudain, sous eux, à l’extérieur, au bas des marches du jet, une voix de femme les surprend. C’est une dame rondelette, dans la trentaine bien avancée, habillée dans une tenue qui rappelle les paysannes d’antan, avec un gros gilet en laine épaisse, une longue et large jupe marronne, un fichu en tissus bleu lui encerclant le visage qui les interpelle. Elle a l’air extrêmement inquiète et choquée : « Buna dimineata ! Tu… esti bine ? Nu esti ranit ? »

« Qu’est-ce qu’elle dit ? » chuchote Lisa, le regard interrogateur vers Guidrish.

« Je ne sais pas… Je ne parle pas roumain. Mais au moins, je pense savoir où l’on a atterri ». Il tourne alors ses yeux vers le visage blême de Lisa, un léger sourire aux lèvres qui lui donne cet air confiant et sûr de lui : « Bienvenue en Transylvanie. On va passer dire bonjour à ce bon vieux Dracula… »

Annotations

Vous aimez lire Lilithychou ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0