Chapitre 43 : Celui qui rêvait d'être le patron.

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Xerhios est ravi. Après presque trente années de recherches et de sacrifices avec son escouade, il a enfin réussi, lui tout seul, à attraper la sorcière. La bonne, cette fois ! Il l’avait repéré, s’enfuyant à travers le grand jardin enneigé du vieux manoir. Elle s’était débattue, telle une tigresse. Un puissant calmant injecté dans son cou l’avait, heureusement, totalement anesthésiée. Il savait qu’utiliser ses pouvoirs sur elle était vain. Mais, à présent, sa mission accomplie, il ne peut que se réjouir de la future promotion qui pointe le bout de son nez.

Superbe dans son uniforme noir et écarlate, bardé de fioritures dorées, le Syldraïne se rend, d’un pas décidé, dans le laboratoire. Une escouade de scientifiques terriens sont concentrés dans leur tube à essai et leurs éprouvettes. Ils ne remarquent même pas l’arrivée de leur officier, ce qui vexe passablement le démon.

Il traverse la salle d’expérimentation pour se retrouver dans une chambre d’hôpital où git la jeune femme, entubée de toute part. Ceci n’a pas l’air de la gêner, Morphée l’enveloppant de ses bras douillets. Un des médecins qui s’occupent d’elle est présent. Il est en train de vérifier ses constantes vitales sur le moniteur de patient, entreposé à la droite du lit.

« Comment va-t-elle, docteur ? »

L’homme à blouse blanche se retourne vers le Syldraïne qui bombe fièrement le torse dans sa magnifique tenue d’officier, afin de rappeler au scientifique qui est le patron.

« Eh bien, ma foi, considérant qu’elle a survécu à un attentat, qu’elle souffre d’une légère déshydratation, que vous lui avez administré des calmants qui assommeraient un cheval, elle va bien. » Répond le médecin sur un ton ironique et une pointe d’exaspération dans la voix.

Xerhios n’apprécie pas le ton condescendant du scientifique. Il s’approche furtivement de lui et le soulève d’une seule main, à la gorge.

« Vous avez intérêt à faire en sorte qu’elle soit prête pour le jour J, Docteur. » Lui susurre-t-il dans une espèce de grognement guttural.

Il rapproche de sa bouche le visage du pauvre homme dont le teint commence à virer au bleu, et lui crache à la face :

« N’oubliez pas, espèce d’insecte insignifiant, que vous êtes remplaçable. Manquez- moi encore de respect et chaque petit morceau de votre corps finiront dans ces éprouvettes. »

Telle une vulgaire poupée de chiffon, l’officier syldraïne balance le malheureux contre le mur derrière lui. Le choc lui coupe le peu d’air qu’il parvenait péniblement à inspirer, lui provoquant un état de syncope qui peut lui être fatal. Portant ses mains à la gorge, il réussit à reprendre lentement son souffle, sous le regard méprisant de son tortionnaire. Ce dernier finit par lui tourner le dos et quitter la chambre avec toute la cruelle superbe d’un tyran.

Sortant de la salle de soin, il traverse à nouveau le laboratoire pour se rendre dans un long couloir. Personne n’ose lever le regard sur lui de peur, à l’instar de leur confrère, d’aller embrasser un mur un peu trop brusquement. La crainte qu’il inspire le fait jubiler. Jusqu’à ce moment précis : devant lui, apparaît une ombre gigantesque qui diminue au fur et à mesure que sa source se rapproche de lui. Un être humanoïde, dans une grande soutane blanche, agrémentée d’une capuche qui lui couvre l’entièreté de la tête et du visage, ne laissant qu’un étroit espace sombre, s’arrête et lui fait face. Il lève sa main droite, en signe de salutation, puis la rabaisse lentement. Le sentiment de supériorité qui gargarisait Xerhios, se distille peu à peu en crainte. Le Grand Prêtre, là devant lui, le maitre ultime de leur ancienne confédération. Un immortel aux pouvoirs redoutables dont la nature et les origines inconnues lui confère le statut d’un Dieu.

« Comment va l’enfant ? »

Sa voix est profonde, sourde. Elle emplie tout l’espace autour du Syldraïne jusqu’aux fond de ses entrailles qui se tordent en raison de la peur qu’elle inspire.

Xerhios ne peut que se plier devant l’être surnaturel et se prosterner à genoux, bien malgré lui.

« Elle… elle va bien. Elle se remet Monseigneur. »

Le syldraïne, à l’attention du Grand Prêtre, parle au carrelage froid qu’il contemple, priant intérieurement d’avoir donner la bonne réponse sous peine de ne plus rien voir du tout.

- Sera-t-elle prête pour le grand rituel ?

- Oui, Monseigneur. Je m’en assure personnellement.

- Bien. »

Comme dans un rêve, l’être surnaturel disparait comme il était apparu, laissant une ombre froide dans son sillage qui s’évapore complètement au bout de quelques secondes.

Xerhios pousse un long soupire de soulagement. Il se relève, regarde autour de lui. Apparemment, aucun des méprisables humains du laboratoire ne l’ont vu s’écraser devant son Dieu, tous le nez plongé dans leurs microscopes et lui hors de vue après l’entrée du couloir. Sauf un qui tourne précipitamment la tête vers son travail. L’officier syldraïne s’approche de lui, suspicieux.

« Hé ! Toi ! Qu’est-ce que tu regardes ? »

Les mains du scientifique tremblent. Il n’ose pas se retourner. Il se retrouve soudainement soulevé du sol, pris par la nuque d’une main ferme. Son corps bouge tout seul, dirigé par le syldraïne qui tourne le pauvre homme devant lui, le visage de l’extra-terrestre lui faisant face de quelques millimètres.

« Tu me réponds lorsque je te parle, humain ! »

L’homme est tétanisé. Il tremble, bafouille et tente d’émettre un son :

- Ri… rien Monsieur…

- Tu mens.

- NOOOonn… Je vous en prie…

- Alors je vais m’assurer que tu ne verras plus rien. Jamais ! »

Les faisceaux rouges fusillent les yeux du malheureux qui, en quelques secondes, s’écroule dans la poigne du démon. Ce dernier jette le corps au sol, tel un vulgaire mégot de cigarette. Satisfait de l’effet créé sur les sous-fifres terriens qui leur sert pour leurs recherches, il reprend dignement sa sortie.

Mais les bips réguliers des rythmes cardiaques de la jeune captive se mettent à ralentir, dangereusement. Des bruits de pas précipités vers la patiente, des jurons et ordres affolés, le bruit d’un défibrillateur qu’on actionne, une fois puis autre… Le bip rythmé se transforme alors en un sifflement continu. Xerhios sait ce que cela signifie : son subterfuge a échoué.

Alors qu’il poursuivait la sorcière, elle s’était retournée vers lui et dans un murmure incompréhensible, ses mains s’étaient illuminées d’une lueur bleutée, enveloppant tout son corps. Puis plus rien. Elle s’était volatilisée.

Une jeune fille, ressemblant vaguement à la cible, avait eu le malheur de passer par là. De dépit, et surtout par désespoir, il s’était jeté sur la malheureuse, espérant duper son monde. Mais les meilleures blagues sont les plus courtes, dit-on. Ainsi, le syldraïne un peu trop ambitieux, telle la jeune laitière qui pleure ses rêves disparus devant son pot au lait brisé, voit sa promotion s’envoler vers quelques destinations inconnues au profit d’une probable cour martiale. Si seulement ! Il sait qu’à partir de maintenant sa propre existence est condamnée à l’annihilation. Les grands prêtres n’ont décidemment aucun sens de l’humour.

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