Chapitre 52: Celui qui contrôlait le temps
Egon se précipite vers son ami. Jareth tente de l’en empêcher, mais c’est trop tard.
- NON ! EGON ! C’EST UN PIEGE !!
Des bruits de pas précipités résonnent dans les couloirs adjacents qui donnent sur l’antichambre. Bientôt cette dernière est envahie par une dizaine de syldraïnes, équipés de fusils d’assaut et mitrailleuses.
Tous les guerriers sortent leurs épées, pointent leurs arbalètes ou leurs pistolets sur les ennemis. Garcia et Mandrin ont leurs armes à feu en joue. Jareth a ses mains nues, grandes ouvertes, qu’il écarte vers les démons et les frappe brutalement l’une contre l’autre. Au même instant, la lourde porte aux doubles battants, se referme violemment. L’enchanteur tourne sa main droite de la droite vers la gauche en la faisant virevolter en plusieurs formes circulaires. Une longue planche se soulève d’un coin du mur, proche du passage, volette doucement dans les airs, tourne sur elle-même et se place dans les passants en bois saillants de chaque battant, rendant l’accès aux assaillants dans la grande salle de l’autel impossible.
Sous les regards admiratifs de Mandrin et sans quitter des yeux la porte et son loquet, le démon hurle en destination de ses nouveaux amis :
« MAINTENANT ! JE NE VAIS PAS POUVOIR LES RETENIR TRES LONGTEMPS ! »
Effectivement, les cliquetis d’engins de mort tels que fusils et autres armes lourdes, se succèdent crescendo de l’autre côté des doubles battants.
Sans demander son reste, Aiday, se place proche de son « ennemi juré » et tend, elle aussi, ses mains vers la porte. Elle prend une profonde inspiration et souffle devant elle un long filet d’air. En sort un son à peine perceptible, mais qui chatouille légèrement les tympans de toutes personnes présentes.
A ce moment-là, des bruits de tirs successifs s’abattent sur la porte. En temps normal, elle aurait dû voler en éclat. Là, elle ne fait que rebondir à l’impact des projectiles.
Pendant ce temps, Egon grimpe sur l’autel en marbre, et soulève par le menton la tête de Viktór. Il a le visage meurtri et le souffle à peine perceptible. Le pannonien tente d’extraire les clous plantés dans chaque poignet. Mais ils sont pratiquement impossibles à retirer, tant ils ont été enfoncés profondément dans la pierre. Les iris verts-noisette virant au mordoré, il fixe les longues tiges ferreuses, l’une après l’autre. Les attaches en fer noir s’éclaircissent de plus en plus, jusqu’à devenir entièrement transparentes et ne plus être qu’un filet d’air. Le corps de Viktór s’affale sur Egon. Il l’accueille contre son torse et le sert dans ses bras, pour le protéger d’une violente chute puis, l’allonge sur l’autel. Octavius les rejoint. Les yeux luisant d’une couleur dorée, il appose ses mains sur le torse du moribond. Egon cherche des yeux une issue quelque part qui lui permettrait de laisser le soigneur effectuer son travail dans une sécurité relative. Il y a deux petits passages contiguës et à moitié caché de chaque côté du mur, comme le décrivait plus tôt Jareth. Les deux hommes se faufilent vers celui de droite, tout en transportant le corps de Viktór. Ils placent ce dernier au sol et le médecin commence son travail pour réanimer le guerrier inconscient.
La double porte continue sa dance saccadée sous le bruit et les à-coups des balles. Aiday et Jareth ont toujours les bras tendus avec les paumes grandes ouvertes sur la porte. Les deux agents de police, leurs armes toujours en joue sur les démons derrière les doubles battants, se regardent, circonspects :
- Greg !! C’est quoi ce bordel ? On doit se mettre à l’abris, non ? Pourquoi la porte ne tombe pas ?
- Je ne sais pas. Mais j’ai envie de vous répondre : Ne posez pas de question, Capitaine. C’est magique ! »
Le capitaine tourne lentement le visage, ainsi que son glock, vers son coéquipier, mais se reprend vite. Il redirige son arme vers la porte, en jetant un bref coup d’œil à son subalterne, pour s’assurer que ce dernier n’a pas remarqué qu’il a été en véritable danger de mort pendant quelques fractions de secondes. Ce n’est, en effet, pas le moment de perdre son sang-froid.
Alors que les deux « mages » maintiennent toutes leur énergie et leur concentration vers la double porte, Balázs se place pile devant et dit à ses congénères :
« Jareth, tu vas maintenir ton bouclier exactement de l’autre côté de la porte. Aiday, transfert le tiens sur moi. Les autres, vous me couvrez. »
Jareth retorque :
« J’ai mieux qu’un bouclier. »
Personne ne relève, car tous se préparent à diriger leur attention vers le géant Turc.
« Un… Deux… TROIS ! »
La porte explose sous la rafale de tirs. Mais la seconde salve n’atteint personne dans la salle de rituel. En revanche, la dizaine de démons encaissent les balles qui ont mystérieusement opéré un demi-tour, et s’écroulent au sol. Chacun se retrouve avec un trou à la place du cœur, le reste des balles s’étant fichées dans les deux pans de mur derrière eux.
Plus personne ne bouge et se regardent, dans l’espoir que quelqu’un aurait une réponse sur ce qui vient de se passer. Puis ils se tournent vers le Syldraïne qui arbore un grand sourire lui fendant le visage. Egon, alerté par le silence soudain, sort de sa planque et contemple le spectacle, perplexe.
Le regard du Syldraïne prend une teinte rouge caractéristique. Un large faisceau lumineux écarlate sort de ses yeux qui parcours les démons étendus au sol. Ses derniers se mettent à flamber, d’abord par leurs orbites qui se changent en trous béants, puis, les corps se consument d’eux même, se transformant en masses charbonneuses humanoïdes. Enfin, d’un geste de la main, les dix cadavres disparaissent, avec toutes les balles et douilles au sol.
Plutôt fier de son coup, Jareth présente de sa main tendue le résultat miraculeux qu’il vient d’accomplir :
« Et voilà ! Alors ? Vous en dites quoi ? Pas mal pour un vieux magicien grabataire, hein ? Je les ai envoyés quelques heures plus tôt. Je suis navré, je ne peux pas faire vraiment disparaître les corps, je ne peux que les expédier quelque part sur la ligne temporelle dans le passé.»
Mais personne ne répond, tous en train de procéder les nouvelles données auxquelles ils viennent d’être confrontés.
- Mais… mais t’es un démon à la base. Pas un magicien ! Remarque Ho-Jin.
- Eh bien, disons que j’ai reçu une petite amélioration il y a longtemps, par une amie très chère.
- Sans déconner ! Et, juste pour rire, c’est quoi ton animal totem ? »
Demande Balázs, inquiet de la réponse qu’il risque d’entendre.
Jareth se passe la main derrière la tête, pour masquer la gêne grandissante et répond le plus innocemment qu’il peut, même s’il se doute qu’il en a déjà trop dit :
« Euh… et bien, en fait… J’en ai plusieurs. Je peux me changer en ce que je veux basiquement. Mais celui dans lequel je suis le plus à l’aise, c’est le cerf. Donc je dirais que ce doit être ce cervidé mon animal totem… » Il ponctue sa phrase d’un petit rire embarrassé.
Aiday, toute aussi choquée, rétorque :
- Ce ne peut pas ! Tu ne peux pas être…
- Si, il le peut. De toute évidence, il est comme nous. Il a été béni par les Dieux. Il est un guerrier de la lumière. » Intervient Octavius, qui sort de son petit passage secret, s’essuyant les mains avec un mouchoir en tissus, qu’il remet nonchalamment dans sa poche. Aiday fulmine :
- Mais ! Il ne peut pas ! Il est un putain de démon !!
- Un Syldraïne… » Tente de corriger timidement Jareth. « Les démons n’existent …
- TA GUEULE !!!! » Aiday saute sur Jareth et sert ses mains autour du cou du pauvre malheureux.
« C’EST TOI QUI A PIEGE VIKTOR AVEC TES TOURS DE PASSE-PASSE DE VOYAGE DANS LE TEMPS A LA CON !!! »
Mandrin et Garcia se précipitent sur la femme pour l’écarter du Syldraïne mais en vain, évitant de justesse les coups de poing et de pied de la furie. Balázs intervient, et d’une seule main, presque instantanément, réussit à libérer Jareth de l’emprise de son épouse, qu’il retient maintenant en l’enserrant par la taille, contre lui, avec son bras gauche. Elle continue à gesticuler ses bras dans tous les sens tentant de frapper quelques cibles invisibles en direction de Jareth. Ce dernier est pris dans une quinte de toux et tente de reprendre son souffle. Ses mains massent son cou endolori.
« Aaargh… J’ai soif ! Je veux une bière ! »
La voix érayée vient du côté de l’autel. Tous se retournent en sa direction.
« Et mes fringues. Fait pas chaud ici ! »
Mandrin se précipite vers la voix, dans le petit passage à droite de l’autel, le sac en toile dans la main.
Puis Aiday, Balázs et Ho-Jin le suivent pour accueillir Viktór au réveil laborieux, dans sa tenue d’Adam. Mais personne n’en a cure et ses amis se jettent sur lui pour lui faire un gros câlin. Seul Mandrin reste coi devant cet étrange spectacle, tendant le sac à Viktór qui est dans l’impossibilité d’attraper quoique-ce-soit.
« NÉ MAR !!! LÂCHEZ-MOI ! VOUS NE VOYEZ PAS QUE JE SUIS A POIL ? »
La tentative de Viktór pour se libérer de l’emprise trop affectueuse et enthousiaste de ses amis, se solde par de grands éclats de rire.
Jareth se dirige vers l’autel après avoir repris son souffle et l’air conscrit s’adresse à Egon.
« Je suis désolé. Je n’aurais pas dû utiliser la trame du temps. Ce n’est jamais bon de jouer avec ça. »
Egon lui pose une main sur l’épaule pour le rassurer.
« Non, Jareth. Tu nous as sauvé. Merci. Et Viktor va bien. C’est le principal. »
Garcia est toujours proche du semblant de double porte dont il ne reste que les gonds. A travers les rires et les discussions enjoués des quatre compères, il tend l’oreille car d’autres bruits de pas, nombreux, se rapprochent de plus en plus. Ils viennent des deux grands couloirs latéraux de l’antichambre. Il se précipite vers Egon, Octavius et Jareth qui sont toujours proche de l’autel.
- Il faut qu’on parte tout de suite ! D’autres arrivent. Et ils sont bien plus que dix !
- Ok. Viktór ? T’es prêt ?
Viktór sort complètement couvert de ses vêtements d’origines et réarme son pistolet.
- Prêt et opérationnel. Allons sauver la princesse grenouille !
- Quoi ! Pourquoi la princesse grenouille ? »
Interroge Egon, amusé. Il ajoute :
- Tu as eu une illumination pendant que tu étais inconscient ?
- Je ne sais pas, ça m’est venu comme ça. Je trouve ça mignon. Et les Français mangent bien des grenouilles, non ? »
Le capitaine Garcia, qui passe à côté eux, pousse un profond soupir de dépits.
« Putain… les clichés ont la vie dure ! »
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