Une illusion de toi
Je m’avance vers toi. Mes lèvres tremblent, te confessent les mots coincés dans ma gorge, écrasés dans mon cœur.
Une déclaration. Les plus beaux mots du monde.
« Je t’aime. »
De tes lèvres à toi, j’attends tout. Un accord. Un espoir. Un bonheur.
Dans un sourire, je te tends ma paume, t’offre ma main. Pour que tu la prennes, pour y emmêler nos doigts, nos vies, nos âmes.
Mais toi, tu recules. Tu te mords les lèvres, ton souffle se coupe, tes yeux papillonnent, des larmes s’en échappent.
Et c’est là que je comprends.
Tu ne m’aimes pas, tu ne m’aimeras jamais.
C’est pourtant tout ce que je désirais au monde, être aimé de toi. Créer un monde ensemble. Un Tout. Conjuguer l’avenir avec le mot « Nous ».
Mais « Nous » n’existera jamais.
Le Monde s’écroule, la Terre vacille, mon âme se brise. Mon cœur n’est plus.
On raconte que, si vous le trouvez, l’amour vous offre tout. Mais on ne vous prévient pas que le bonheur et la douleur ne font qu’un. On ne vous dit pas que l’espoir de votre cœur peut être piétiné, et que de vous, de votre vie entière, il ne restera rien.
Pour moi, l’amour n’est pas l’Éden.
Pour moi, l’amour est un champ de ruine.
Pauvre fou perdu d’amour que je suis.
Tu relèves la tête, affrontes mon regard, mes yeux qui portent toute la douleur du monde. Dans les tiens, je n’y vois que gêne et compassion.
Je n’étais encore jamais tombé amoureux. Je me demandais bien à quoi cela pouvait servir, d’aimer quelqu’un. Quel intérêt d’être deux ?
Je sais pourquoi maintenant. Parce qu’être seul, c’est être incomplet.
L’appel des lèvres, du corps, de l’âme.
Ne faire qu’un avec deux.
Jamais je ne connaîtrais cela avec toi. Je hurle de rage. Mauvais cœur, pourquoi m’as-tu fait cela ?
Ta main se pose sur ma poitrine, y sent l’affolement de mon cœur.
Je souffle, retiens les cris de mon cœur meurtri.
Prends le donc ce cœur ! Je n’en ai plus besoin, il ne me sert plus à rien. Enfonce tes doigts dans ma chair, prends ce qui t’appartient et laisse-moi. À ma peine, à ma douleur, à l’avenir et au bonheur auxquels je ne goûterais pas.
Ta main se retire, et je te sens sincèrement triste de toute la peine que tu m’infliges. Mais tu me portes le coup de grâce :
— Nous pourrions être amis.
Je m’étrangle. Les larmes que je tentais de te cacher se déversent, dévalent sur mes joues, mouillent mon cou, s’insinuent sous mon pull, recouvrent mon cœur laminé.
J’ai honte de t’infliger un tel spectacle. Mais je suis comme ça, les émotions, je ne sais pas les cacher. Voilà pourquoi je t’attendais sous ce porche, pour savoir, pour arrêter de vivre dans un songe amoureux, pour affronter la réalité.
Je secoue la tête, je t’ai perdue à jamais. Être ton ami, je ne le pourrais jamais, ne m’inflige pas ça. Pour faire semblant d’être heureux quand tu embrasseras un autre que moi ? Te sourire, alors que tu ne seras jamais à moi ? Tu ne peux pas m’imposer ça, j’en mourrai une seconde fois.
Tu prends ma main raide, la presse de tes mains chaudes.
J’ai alors une vision de l’avenir, celle où tu seras avec un autre. Je te vois rire, l’attendre sur le quai d’une gare, courir vers lui, l’enlacer de tes bras. Je te vois le ramener chez toi, lui offrir ton corps, lui chuchoter les jolis mots de ton cœur.
Cet amour-là sera réciproque. Et tu seras heureuse, comblée, inondée de joie d’avoir trouvé ta moitié.
Alors j’abandonne devant cette vérité, cet avenir sans moi. Je pars, te quitte à jamais, me laisse couler dans les limbes de la douleur.
Mes larmes dévalent à nouveau sur mes joues, un flot de pleurs inonde le monde.
Tu m’appelles, cherche à me retentir, mais je t’ignore. Cela vaut mieux. Je n’en peux plus de souffrir, je n’en peux plus de t’aimer.
Mais ce n’est pas fini, car même si tu ne veux pas de moi, tu seras à jamais dans mon cœur. Je mourrais dans le souvenir de toi.
Dans une autre vie, tu aurais pu m’aimer. Mais pas dans celle-ci, c’est ainsi.
Alors je te retrouverai la nuit, chaque fois que mes yeux se fermeront.
Je te verrai dans mes songes. Je marcherai dans une plaine verdoyante, où le soleil brillera chaque jour et où le bonheur sera éternel.
Là-bas tu m’ouvriras les bras et je me loverais dedans.
Là-bas, nous serons deux qui ne feront plus qu’un.
Oui, là-bas la vie sera douce.
Dans cet endroit, ce rêve, ce secret.
Là où je garderai une illusion de toi.
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