Je baisse les yeux de honte et hoche la tête en essayant de contenir mes larmes. Mon plaid est peut-être moche mais je l’aime plus que tout, c’est l’une des rares choses pour lesquelles je me suis battu pour ne pas m’en débarrasser. Amanda m’avait gentiment proposée d’être ma coach personnelle afin de faire le ménage dans ma vie, que ce soit matérielle ou au niveau de mes contacts. Elle m’a soulagée de poids énorme et ouverte au monde. Je lui dois tant… néanmoins je n’ai pas cédée pour mon pilou-pilou.

- Tu sais pourtant que tu dois perdre du poids et fissa. Comment tu veux espérer trouver un mec et encore mieux le garder si tu continues de te goinfrer et de grossir ? Franchement, tu ne te rends pas service.

- Oui je… je déglutis avec peine, je suis consciente de ça… Je sais que je n’aurais pas du… mais…

- Pas de mais bon sang ! Regarde-toi un peu ! On dirait une vraie loque. Tu sais à quoi tu me fais penser là ? Une baleine échouée sur la plage en train de pleurer pour qu’une âme charitable vienne la remettre à l’eau bien gentiment. Pas étonnant qu’il t’a quitté, franchement.

Elle a raison. Je ne vaux strictement rien en étant assise là sur mon canapé, à pleurer ainsi. Après tout je suis la fautive dans l’histoire, c’est ma faute s’il m’a quitté. Je me retrouve toute seule car je ne suis physiquement pas attirante, je suis inintéressante, totalement fade et j’en passe. Je sais que je dois me reprendre en main. C’est impératif, pour ressembler – que dis-je – pour me rapprocher de la perfection d’Amanda.

J’ai déjà essayé de me mettre assidument au sport et de manger équilibré. Néanmoins avec mon emploi du temps impossible d’y aller régulièrement, j’ai donc abandonnée et résilié mon abonnement qui me coûtait les yeux de la tête. Et pour manger sainement, équilibré il faut également être passablement riche or je ne le suis pas du tout. J’essaie de faire attention, mais une petite douceur de temps en temps ne tue pas non ? Je ne fais que me trouver de fausses bonnes excuses, j’en suis bien consciente. Et je le suis grâce à la générosité et la bonté d’Amanda. Je dois me ressaisir. Mais c’est difficile lorsque les larmes ne veulent pas s’arrêter de couler, qu’une boule reste obstinément coincée dans votre gorge, qu’une enclume vous compresse la poitrine et que vous n’aimeriez qu’une seule chose : en finir.

- Pour l’amour du ciel, cesse de pleurnicher comme un gros bébé ! Heureusement qu’on n’est seules chez toi sinon j’aurais honte… en plus tu as vu comment tu es habillée ? Même pas coiffée, ni maquillée.

J’étouffe tant bien que mal un sanglot qui me secoue tout entière face à cette affreuse réalité qu’elle me lance à la figure. Elle est honnête, elle le fait pour mon bien, pour me secouer, je le sais, mais j’ai quand même un petit pincement au cœur. Elle ne veut que mon bien et rien que mon bien, que je me reprenne en main, mais parfois j’ai la fugace sensation qu’il y a autre chose. Mais après je me reprends et je me rappel tout ce qu’elle a fait pour moi, que c’est ma meilleure amie et qu’elle sera toujours là pour moi et ça va mieux.

Je ne sais pas ce que je dois faire, ce que je dois dire, comment je dois agir. Je sais cependant que la douleur lancinante de mon cœur est toujours bien là. Je sais que mon pauvre cerveau passe en boucle, encore et encore, les bons moments que j’ai passé avec Ky, aussi courts soient-ils. Je me remémore son sms « Eléonore, toi et moi c’est fini. Ce n’est pas toi, c’est moi. Pour ton bien, ça doit s’arrêt ici et maintenant. Ky. ». Mon cœur se comprime une nouvelle fois et une vague de larme déborde de mes yeux rougies et bouffies d’avoir tant pleurer pendant des heures. Je me sens seule, perdue, abandonnée. Je me demande encore « pourquoi », mais la raison est si évidente que je me demande pourquoi il a accepté de sortir avec moi tout simplement. Bien que ce soit lui qui m’a demandé de sortir avec lui… Je ne comprends pas. Amanda m’avait bien mise en garde, j’aurais dû l’écouter. Encore une fois.