Exit

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Dans ce chaos innommable, je suis sur le point d’abandonner la lutte. Se jeter du haut de mon sentier ? Quelle mort pitoyable après s’être autant battu pour survivre… Je regarde le phare lumineux, censé être mon salut. Si proche. Une autre idée germe alors à mon esprit. J’accélère ma foulée. Nous approchons du but, la lumière nous éblouit avec force. Ce leurre chimérique. Je balaye du regard le groupe qui se forme aux abords de la jonction des chemins. J’ai trouvé celle que je cherche, mon visage s’illumine d’un sourire. Lorsque nos sentiers se rejoignent, le silence pesant qui nous enfermait avec nous-même cède la place à un vacarme assourdissant tel une chaîne stéréo qu’on allumerait d’un seul coup. De surprise, nous stoppons nette notre course en nous dévisageant les uns les autres. J’ai espoir que leur humanité reprenne le dessus, mais je me trompe lourdement. Les cris retentissent de plus belles. J’ignore la bataille qui fait rage, je me précipite vers la seule qui m’importe. Je l’aperçois, à quelques mètres, aux prises avec un homme qui tente de la faire tomber dans l’océan, je lui assène un coup de poing dans les reins et sur la tête, ce qui a le mérite de lui faire lâcher prise sur ma femme. Mafemme. Un souvenir tente de refaire surface, il est là à ma portée mais un voile en cache encore la teneur véritable. Je lui serre les mains avec amour. Elle me fixe d’un air étrange et cligne plusieurs fois des yeux.

— Je vous connais ?

Je me contente de lui sourire, je n’ai pas le temps de lui expliquer. Ils finiront bientôt de se battre et il sera alors trop tard.

— Dans une autre vie, oui. Fais-moi confiance.

Elle me regarde sans comprendre. Je l’entraîne vers la lumière – qui n’est autre qu’un double anneau tournant à grande vitesse sur lui-même – en contournant les corps gisants au sol. Un massacre pour un mirage. Pourtant, je veux croire qu’il la libérera. Cette femme n’a tué personne et mérite de gagner. Les bruits de lutte nous parviennent encore mais sont de moins en moins présents. Les survivants ne vont pas tarder à réclamer leur dû. À seulement deux ou trois mètres de cet étrange anneau, ce dernier diminue sa vitesse jusqu’à l’arrêt complet. Une porte lumineuse se forme en son centre et nous invite à la pénétrer. Je lui tiens la main.

— Nous traverserons en même temps, ensemble.

Elle hoche la tête en signe d’assentiment. Plus qu’un mètre et la sortie nous attend. Enfin, je l’espère. Je n’ai pas le loisir de le découvrir, quelqu’un m’assomme violemment. Je lâche la main de mon aimée et tombe sur le sol. Un sifflement sonore résonne dans ma tête, ma vue se brouille. Un homme empoigne ma femme et la maintient au sol. Sa nudité a excité ses ardeurs.

— Non, non, non !

Elle doit bouger. Elle ne peut pas mourir si près du but. J’ai la sensation désagréable qu’il n’y aura pas d’autres recommencements. Je tente de me relever et secoue ma tête pour retrouver mes esprits. Je heurte un corps qui n’était pas là quelques minutes plus tôt, probablement celui de mon agresseur. Il ne reste que nous trois. Je regarde le portail sur ma droite, je pourrais facilement plonger à l’intérieur. Tout oublier. Je secoue à nouveau la tête, cette fois pour m’enlever cette idée insensée de mon esprit.La laisser mourir encore une fois ? Hors de question.

L’homme essaye de s’offrir un dernier instant de violence en la maintenant avec fermeté sous lui. Erreur fatale. Je sens, plutôt que je ne vois, le tourbillon se former au-dessus de nous. Je concentre mes dernières forces en attendant le bon moment. L’homme relève soudain la tête et son visage se fige dans l’horreur avant de se faire emporter. Je me précipite sur ma femme pour l’aider à se relever avant que le monstre ne l’engouffre, elle aussi. Je ressens encore les conséquences de mon coup sur la tête, je ne suis pas aussi rapide que j’espérais. Les jambes de ma femme s’élèvent dans les airs. Je la tiens fermement par les bras. L’horreur se dessine sur son joli visage fin, ses yeux bleus se voilent de terreur.

— Je ne te lâcherai pas ! je lui crie.

Le son assourdissant de la rafale du vent couvre le son de ma voix. Je resserre mon étreinte, mais la force de la tornade menace de nous emporter tous les deux. Il ne me reste qu’une seule solution acceptable.

— Tu vivras…

L’adrénaline se diffuse le long de mes veines, je sens l’énergie me revenir. Je tire ma femme vers moi en lâchant un cri rauque et profond.

— Cette fois, je réussirai à te sauver !

Je ne sais pas si elle m’a entendu mais elle comprend ce que j’essaye de faire. Elle s’accroche à mon cou.

— Merci, me murmure-t-elle avant que je ne la projette de toutes mes forces vers le portail de la victoire à un petit mètre de nous sur la droite.

Je la suis des yeux alors qu’elle se fond dans la lumière et disparait de ma vue. Quant à moi, la tornade m’avale en une seule bouchée. Je ferme les yeux, paisible face à mon sacrifice, attendant cette fois un black-out définitif.

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