Shéérazade

Une minute de lecture

Deux cent cinquante mots, je ne sais pas vraiment comment faire, toi là qui passe,  j’en appelle à toi, aide-moi s’il te plaît, envoie moi de la substance, de la matière pour poursuivre, ce serait stupide que je m’arrête déjà,  je n’en suis qu’au début, qu’à la naissance, prends cela comme une course qu’il nous faudrait tenir sur la longueur, une épreuve où il faut être deux  à l’arrivée, un travail d’équipe, une symbiose ; envoie moi, s’il te plaît, des idées, des mots, des phrases, j’en ai  besoin, j’en suis avide, je me sens comme Shéérazade, je raconte une histoire, le récit de ma vie, et comme dans le conte, la narration doit continuer à tout prix, bien que je n’ai rien de spécial à dire, je peux  - nous pouvons - fantasmer, créer une fiction merveilleuse, pleine d’incroyables rebondissement, cela nous emplirait, un moment, d’une illusion de sens, je ne crois pas que le mensonge puisse durer longtemps, nous sommes trop rationnels,  déjà  je sens que je m’essouffle et pourtant il faut que je tienne, je t’en prie, envoie moi de l’esprit, je t’en supplie, c’est que, malgré tout, malgré son inanité, malgré son inutilité, j’y tiens à cette existence, je ne veux pas qu’elle se termine à deux cent cinquante malheureux mots, je ne veux pas qu’elle se finisse, je veux, comme dans la fable, tresser des destins, des chimères, repousser la fatalité, je suppose que c’est l’instinct, la volonté de survivre même si c’est pour répéter indéfiniment, futilement, les mêmes termes, les mêmes verbes, tiens nous voilà au-delà,  si je ne m’abuse, j’ai donc gagné, j’ai survécu plus loin que la limite et je n’ai rien dit ; j’aimerais que cela se prolonge à tout jamais mais tu vas partir,  tu vas m’abandonner,  je le sens, et sans toi je ne suis rien, déjà se profile le point, la chute, la mort, non, je t'en conjure ne me laisse pas, mais il n'en sera rien, tu vas te défiler, ce qui me console c’est qu’au bout de ton histoire il y aura aussi un point fatal, maudit auteur.

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