Tentative n°2 : Le premier chapitre
Voici la version du chapitre 1 que je garde pour l'instant. Elle me plaît beaucoup plus que les deux autres tentatives parce qu'elle installe pas mal d'éléments et surtout, j'ai l'impression d'avoir su garder le ton que Mathilde avait à l'origine.
J'ai juste un souci sur la phrase de fin, je ne suis pas sûre qu'elle me convienne. Il y a mieux, c'est certain. À voir, si je veux garder mes jeux de mots pourris... Bonne lecture !
La vie étudiante, remplie de fêtes arrosées, d'histoires d'amour exceptionnelles et d'amitiés éternelles est un mensonge. Pire encore – et Mathilde sait de quoi elle parle – ce nouveau chapitre d'existence est une catastrophe. Il n'a fallu qu'une seule semaine pour contempler le désastre : des camarades aussi intéressantes que des pieds de chaises, des professeurs mécontents du niveau des premières années et des activités extra-scolaires se résumant au trajet fac-maison.
Enfin, maison est un bien grand mot pour désigner cet appartement de vingt mètres carrés que son père daigne louer pour elle. Une bonté d'âme qu'elle payerait en larmes à un moment. Le seigneur-père n'a pas pour habitude de décaisser sans avoir un retour sur investissement ; les séances manucures de la reine-mère ne se payeront pas toutes seules.
Revenir chaque soir à la maison – là aussi, un bien grand mot – au moyen d'une heure de train a été longuement considéré par le couple royal. Mathilde a dû déployer des trésors d'argumentation pour ne pas en arriver là. Car de catastrophe, son quotidien aurait muté en cataclysme.
Toutefois, la menace d'une telle fatalité continue de planer au-dessus de sa tête. En effet, à nourrir le même train-train pendant ses trois années d'études, Mathilde est sûre de filer tout droit vers un autre cata-cauchemar. Alors, elle décide d'offrir à sa routine effrayante d'ennui un peu de fun, de quoi transformer catastrophe en "cata-marrant": du sport.
Avec ses inombrables options, le catalogue d'activités de l'université est le bâteau qui la sauvera du naufrage. Sans hésiter, elle clique sur volley-ball et s'inscrit aux deux créneaux disponibles. Un le mardi soir, de dix-huit-heures à vingt-heures, et un autre le vendredi soir aux mêmes horaires. En prime, elle s'ajoute du handball, le lundi et le jeudi. Sa semaine sera bien remplie, elle n'aura que le mercredi pour évaluer son existence bientôt cata-poilante.
Peut-être qu'un jour, elle ira faire de la voile. Quand elle aura fini de fatiguer ses fesses sur les bancs de la fac de droit ou quand elle se sentira assez en paix avec elle-même pour se comparer au vent soufflant sur l'océan. Peut-être que d'ici là, la ville de Valliëns-les-Arcs aura déménagé du pied des Alpes pour un littoral plus chaud. Croisons les doigts, ça caille ici.
Alors, un mardi soir, Mathilde brise le cycle de sa routine. Sac de sport sur le dos, une brassière plaquant les deux monticules de graisse sur son torse, elle fonce, sourire aux lèvres, vers le gymnase universitaire. La perspective de se défouler pendant deux heures rend tout plus beau. D'un coup, les étudiants déjà pompettes devant la cafèt' de chimie lui semblent plus abordables, le coucher de soleil derrière les immeubles plus coloré et ses dissertations sur les sources du droits des personnes moins importantes.
Une longue file s'est déjà formée devant les portes du gymnase, Mathilde se fond dans l’amas d’étudiants qui patientent. Quelques personnes la dépassent en riant avant de se faufiler à l’intérieur du bâtiment. L'envie d'attraper l'un de ces petits malins pour lui rappeler d'éviter de gruger la place des gens la démange. Elle se retient. Cela ne l'empêche pas de murmurer tout bas le discours poli mais ferme qu'elle lui aurait tenu. Soudain, une inconnue se glisse à ses côtés.
— Ce sont les anciens. Ils ont le droit de rentrer avant tout le monde, lui explique-t-elle en montrant du doigt le devant de la queue. Le prof les connaît, il n'a pas besoin de vérifier leur carte étudiante. C'est ça qui prend autant de temps.
Mathilde plaque ses mains contre les poches de sa veste, de son jogging jusqu'à reconnaître le rectangle plastique qui lui aurait arrâché ces deux heures de joie s'il s'était fait la malle sur le chemin. Ouf.
— Ce n’est pas la première fois que tu viens ? demande Mathilde en triturant sa carte du bout de ses ongles.
— Non, j’étais inscrite au badminton l’année dernière mais ça ne m’a pas trop plu. Il fallait tellement courir ! Je dois te faire une confession : je n’aime pas beaucoup suer. Alors j’ai pris un créneau de volley-ball pour cette année ! Je vais aussi tester le handball, le jeudi ! Mais tu sais, au final, ce que je recherche vraiment, c'est…
— Oh du hand ? Je me suis aussi inscrite à l'entraînement du jeudi. Peut-être qu’on s’y verra. Je m’appelle Mathilde.
— Andréa, enchantée !
Mathilde n'a pas besoin de poser de questions, sa nouvelle connaissance s’étend d'elle-même sur la nouveauté que représente l’université à la fin du lycée. Elle lui raconte ses déboires au baccalauréat, la galère pour trouver un logement et celle de ne rien comprendre à ses cours de mandarin. Mathilde lui répond par des exclamations polies tout en surveillant sa montre. À ce rythme, elle n'aura même pas le temps de toucher un ballon.
Les portes du gymnase passées, Mathilde laisse Andréa passer devant, espérant ainsi être débarrassée, pendant un temps, de ses jacasseries incessantes. Elle ne peut que soupirer de soulagement quand la pipelette réussit haut la main le contrôle d'entrée et disparaît dans les vestiaires.
Attablé en plein milieu du couloir, M. Venner, le coach, a l'air aussi agacé qu'épuisé. Mathilde se risque jusqu'à lui. Qu'il arrête sa carrière ou explose en larmes restent des options valables considérant le regard désespéré avec lequel il surveille la file. Pourvu qu'il reste fort encore un instant, elle touche presque au but. Un coup d'œil à sa carte étudiante, une case cochée, il la gratifie d'un bref hochement de tête avant de crier « Suivant ». Hallelujah.
Sur les terrains, les filets sont déjà montés et les balles bleues et jaunes fusent à toute allure. L’envie de jouer fuse dans les veines de Mathilde, son excitation la précite vers un banc où elle déchausse ses baskets d'un coup de pied. Elle a à peine le temps de faire le premier nœud de ses chaussures de salle qu’un ballon vient heurter son tibias.
— Oups ! Pardon !
Un jeune homme se presse vers elle, la main en l’air. Quelques mèches azur se sont libérées de son chignon et collent son front luisant de transpiration. Il agite son bras couvert de tatouages, un sourire éclatant sur le visage. Mathilde fait rouler le ballon sous son pied avant de le prendre en main.
— Alors comme ça, on s’attaque aux pauvres nouveaux ? sourit-elle d'un air espiègle. Tu n’as pas honte ?
L’inconnu éclate de rire, elle ne peut que se joindre à lui. Elle lui rend volontiers son arme pendant qu’elle serre sa deuxième basket. Lorsqu’elle relève la tête, il est toujours là, ses yeux verts pétillants de malice. Elle arque un sourcil interrogateur.
— Je t’assure que je peux marcher.
Il acquiesce pensivement puis inspire d’un air théâtral :
— Tu es sûre de ne pas vouloir aller aux urgences ? tente-t-il avec une fausse moue inquiète.
— C’est vrai que j’ai au moins… deux fractures.
— Je paierai tes frais de santé.
— Trois fractures et une maladie incurable.
— Ton cercueil sera serti de diamants.
— J’aimerais me faire incinérer.
— Je m’occuperai des offrandes à jeter dans les flammes.
Mathilde se mord la joue pour contenir le rire qui monte dans son torse pendant que les fossettes du nouveau venu se creusent. Soudain, une exclamation déchire l’air tout près de son oreille :
— MATHILDE !
Andréa, le retour. Mathilde aurait pu se taper la tête contre un mur. Son partenaire de vannes absurdes recule d’un pas tandis que la boîte à paroles s’accroche à elle, des annecdotes d'innombrables mésaventures plein la bouche. Le volleyeur devine qu'il vaut mieux s'enfuir et lui lance un clin d’œil :
— Bon voyage au paradis, chuchote-t-il d’un ton complice. Et merci !
Mathilde se fend d’un sourire crispé mais lui rend son œillade. Avec un gloussement discret, il se retourne s’échauffer à l’autre bout du gymnase. L'accompagner n'est pas une option avec une Andréa cramponnée à son avant-bras. Preuve de sa grande patience, elle se libère sans violence de l'étreinte du poulpe volubile.
— C’était quiii ? demande la commère en zyeutant l’inconnu. Un gars de ta fac ? Il est vraiment pas mal ! Tu as des vues sur lui ou je…
— Que dirais-tu d’aller prendre une balle ? soupire Mathilde, espérant ainsi changer de sujet.
— J’aime pas transpirer…
Devant les yeux de chien battu de cette sportive en carton, Mathilde se contente d'un regard agacé avant de tourner les talons. Et si sa nouvelle vie cata-tordante avait un mauvais sens de l'humour ? Qu'on huile une catapulte, Andréa va apprendre à voler.
Annotations
Versions