L'ouverture de la grotte et les ténèbres qui y régnaient formaient comme une gueule ouverte sur le monde, sur nous. Après un bref regard à l'arche, Dalin fit jaillir un nouvel orbe de lumière de ses doigts, comme celle qu'il avait utilisé sur les quais du port. Cette fois encore, je distinguai l'immonde créature écarlate qui y était emprisonnée. Sans plus de cérémonie, le magicien s'engouffra dans la galerie, avec moi sur ses pas.

La paroi qui nous entourait été finement taillée, avec des bas-reliefs de fleurs, de forêts et de créatures volantes d'un autre temps. Je reconnaissais là le travail des anciens elfes, semblable aux ornementations des édifices érigés à Ionesard. La voûte de la galerie était étonnement haute. Nos ombres dansaient sur les murs.

Nous arrivâmes dans une salle ronde, surplombée d'un dôme, lui-aussi taillé dans la pierre. Plusieurs galeries débouchaient sur cette salle, et Dalin s'engagea vers celle qui nous faisait face. Je songeai que le versant ouest de l'île devait cacher plusieurs ouvertures comme celle par laquelle nous étions arrivés.

Au fil de notre progression, les ornementations murales se firent plus riches. Il y avait à présent toutes sortes d'évocations aux trois soeurs et à la mère. Nous passâmes bientôt devant des alcôves vides, dans lesquels se trouvaient des tables, des chaises et d'autres meubles renversés, comme si leurs propriétaires avaient fui l'endroit.

Enfin, le couloir déboucha sur un balcon en bois, surplombant une grande salle rectangulaire sur plusieurs étages. Le magicien brandit l'orbe pour illuminer la pièce. Partout se trouvaient des parchemins entassés, des rouleaux déchirés, des livres ouverts ou en tas. Il y avait d'autres balcons, échelles et escaliers à différents niveau, et bon nombre de parcelles qui traversaient la salle. C'était une immense bibliothèque abandonnée.

J'aurais aimé rester là à contempler l'endroit encore un peu, mais Dalin s'engagea sans attendre dans l'escalier dégagé qui menait au niveau inférieur. Nous évitâmes les allées encombrées par les étagères renversées et amoncellements éparse d'ouvrages. Je jetai un œil au-dessus de la balustrade et appréhendais les ténèbres en contrebas. Les étages descendaient si profondément que l'éclat de l'orbe ne parvenait pas aux niveaux les plus bas. Le bruit de nos pas se répercutaient contre les murs de pierre de la salle.

Je me demandai à qui un tel endroit avait-il pu servir. La piste qui me titillait déjà face à l’arche se confirma à la vue d’ouvrage ouverts sur le sol. De l’elfique des anciens elfes. Les runes de l’entrée et les références des bas-reliefs des galeries allaient également dans ce sens. Je songeai alors que je connaissais peu la partie ouest de l’île. A vrai dire, je l’évitais, notamment pour sa communauté d’elfe près du temple.

Maitre Rygon ne m’avait jamais considérée comme une marginale à mon arrivée à Albar. Je devais sûrement ça à mon père et à mon frère aîné, restés combattre les groupuscules elfe de Ionesar, deux ans plus tôt. J’avais saisi sa main tendue comme l’opportunité inestimable d’intégrer la société humaine. Mais, suite à la mort du jeune Trygal, il m’avait finalement rejetée comme les autres. A cet instant, Dalin représentait ma dernière chance de trouver ma voie.

Après maints et maints escaliers, nous arrivâmes tout en bas. La voûte très loin au-dessus de nous formait comme un ciel sans étoiles. Les parois rocailleuses et inégales semblaient être celles d’une mine abandonnée, loin de l’incroyable source de savoir que nous venions de traverser. L’unique galerie qui s’ouvrait à nous descendait en pente douce. Le magicien s’immobilisa et se tourna vers moi.

— Là, un peu plus loin, j’aimerais te montrer quelque chose, commença-t-il, hésitant. J’aimerais que tu me dises ce que tu percevras, si tu sens la moindre source de… comme tu l’as fait durant ton duel, tu comprends ?