25 Ashton 

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Plus je passe de temps avec ma jolie rouquine et plus je deviens serein quant à l’avenir. Sav m’a annoncé, la veille du retour de Meg, qu’elle avait contacté l’université de San Francisco pour obtenir un transfert à l’UCLA afin d’être le plus près possible du ranch. C’est passé comme une lettre à la poste, ce dont je n’ai pas douté un seul instant. Nous avons également discuté des cinq mois de conditionnelle qui me reste à tirer après son départ. En attendant mon retour à la liberté, elle viendra ici un week-end sur deux. Quand nous en avons parlé avec Nills, il n’y a vu aucun inconvénient et a même approuvé l’idée en voyant dans cette occasion un coup de main supplémentaire. Quant à moi, je me suis foutu un coup de pied mental pour recontacter Greg, afin de pouvoir reprendre mes entraînements dès ma libération. Même si je ne me suis pas servi de mes poings depuis ma condamnation, la boxe est un véritable leitmotiv dans ma vie.  Enfin, ça et la fille sublime qui dort encore, blottie tout contre moi. Je rêve de pouvoir remonter sur un ring, même si j’admets que c’est sûrement utopique. J’ai enfreint les règles de la fédération en me battant comme un enragé en-dehors d’une salle. Sans compter que depuis, les dirigeants ont pu avoir vent de mes combats clandestins. Mais peu importe, même si mes rêves d’ado sont brisés à jamais, aujourd’hui, je suis certain de deux choses :  je veux retourner à L.A. pour être auprès de la fille dont je suis amoureux et rester dans le milieu sportif, même si ce n’est qu’en tant que coach. J’en ai d’ailleurs parlé à ma conseillère de probation, pas plus tard que la semaine dernière, et elle va faire en sorte de me dégoter une formation pour que je puisse me réinsérer. 

Savannah grogne alors que je parsème la peau de son cou de doux baisers pour la réveiller. Comme tous les matins, elle émerge lentement de son sommeil, s’étire et se tourne vers moi. Face contre face, on s’observe, se sourit, s’embrasse avec tendresse, avant que nos peaux s’embrasent et notre désir s’enflamme. Elle me fait basculer sur le dos afin de pouvoir passer ses jambes de chaque côté des miennes. Mes reins crépitent, ma queue se réveille. Si on avait du temps, je la laisserais m’emporter loin, très loin, dans notre petit paradis. Celui que nous agrandissons un peu plus chaque jour en repoussant nos démons de plus en plus loin. Sauf que ce n’est pas le cas. 

— Si on commence…

Ma voix est cassée, éraillée par le désir qui me consume. 

— Rêve pas, cow-boy ! me coupe-t-elle, mutine. Je voulais juste t’ordonner de rester là pendant que je vais préparer le petit-déj’. On a une grosse randonnée qui nous attend et je ne veux pas partir le ventre vide.

Une légère grimace déforme mes traits alors que je repense à mes piètres talents de cuisinier. J’ai voulu lui faire plaisir à deux reprises, en lui préparant son repas matinal pour lui apporter au lit, comme une reine. Comme la Reine de mon cœur. Au bout du compte, elle a dû se contenter d’une tartine tant c’était infâme. Avec le travail intense qu’on fournit pour Nills, j’admets, c’est peu pour tenir toute la matinée. 

— Hors de question que je reste dans ce plumard sans toi.

Un doigt sur sa jolie bouche, elle semble cogiter avec intensité.

— D’accord, à une condition.

— Tout ce que tu veux, princesse. 

Même si elle me demandait d’aller décrocher la lune, je crois que j’accèderais à sa demande, sans même sourciller. Ouais, je suis vraiment prêt à tout pour elle, pour lui prouver que des mecs biens, il y en a encore. Je ne suis pas son salopard d’ex qui lui a fait miroiter pendant deux ans des choses qui n’existaient pas. 

— Derrière les fourneaux, c’est moi le chef. Tu fais ce que je te dis de faire. 

Son ton autoritaire me fait marrer. Elle est trop adorable et je craque encore plus. 

— Bien chef ! lancé-je en imitant le salut militaire.

Amusée, elle se penche en avant et vient frôler mes lèvres des siennes, puis elle se redresse et s’extrait carrément du lit, à mon grand dam. Elle chaloupe des hanches pendant qu’elle part récupérer ses fringues, encore une fois éparpillées au milieu de la chambre. Putain, elle veut ma mort de m’allumer comme ça ! 

— Ben, alors, t’as changé d’avis ? me questionne-t-elle en passant sa tête par-dessus son épaule.

Ma trique qui pointe à travers le drap n’échappe pas à son regard. Elle attise les flammes de mon désir en ne le détournant pas pendant plusieurs secondes. Si elle continue, je vais finir par bondir hors du lit et la baiser contre le mur, je n’y tiendrai plus à force. 

— Repos soldat ! ordonne-t-elle, avant de laisser remonter ses deux billes azuréennes vers moi. 

— Ouais, t’as raison. Faut qu’on se bouge si on ne veut pas faire attendre Kyle et les autres.

Mais putain que c’est dur ! Jamais je n’aurais cru être autant accro au sexe. Je suis un mec, ne nous trompons pas, j’adore ça, mais avec mes ex, je pouvais passer deux, trois jours sans les toucher sans ressentir le moindre manque. Avec elle, je n’en ai jamais assez, j’ai besoin de ma dose quotidienne, matin, midi, soir et même plus encore. Je suis un véritable junkie, totalement dépendant de nos parties de jambes en l’air de sa peau, de ses souffles, de son odeur.

Pour m’aider à chasser toutes les idées salaces qui me traversent le crâne pendant qu’elle s’habille devant moi, je sors du lit et pars enfiler mes fringues. Elle quitte la chambre la première, me laissant un moment de répit durant lequel je fais redescendre la pression en pensant au week-end qui nous attend. Tout n’ai pas dû y songer assez fort, puisque lorsque je la rejoins derrière les fourneaux, je ne peux m’empêcher de me coller à son dos. Sa main gauche se glisse entre nos deux corps pour venir se poser directement sur mon érection, tandis  que de la  droite elle mélange les œufs dans la poêle.

— J’ai dit : repos Soldat !

— Et tu crois que c’est en me tripotant qu’il va t'obéir ?

J’embrasse la peau fine de son cou qui se recouvre aussitôt de chair de poule. Je raffole de l’effet que je lui fais, le même qu’elle a sur moi. 

— Va sortir la farine, le lait et les œufs au lieu de dire n’importe quoi !

Je la fait pivoter avec douceur pour qu’elle se retrouve face à moi.

— Oh, mais moi, je ne dis rien, rouquine. Je fais juste une constatation.

De la pulpe du pouce, je caresse sa bouche, en rêvant qu’elle vienne se placer autour de ma zone la plus sensible. Mon esprit est fourbe, surtout avec ma gaule qui ne semble vouloir que durcir, et m’envoie des images d’elle et moi : ma langue en elle, ses lèvres autour de ma queue, comme cette nuit.

Putain, faut que je m’éloigne d’elle !

— À quoi tu penses ?

Sa question a le don de me ramener sur la Terre ferme et c’est tant mieux. On n’a vraiment pas le temps et si on rapplique avec la banane jusqu’aux oreilles, je suis bon pour me faire chambrer par mes potes jusqu’à demain soir. Ils sont déjà bien assez lourds en temps habituels, pas la peine d’en rajouter une couche ce matin.

— Si je te le dis, on risque de ne pas partir d’ici. Vaut mieux que j’aille chercher ce que tu m’as demandé.

D’un effort surhumain, je me décolle d’elle et pars récupérer les ingrédients qu’elle m’a demandé. Une fois posés sur le comptoir, je me tourne vers elle et m'enquiers de ce que je dois en faire. Elle me l’explique en long, en large et en travers, mais rien à faire, ça ne rentre pas dans ma foutue caboche. Un peu paumé dans ses explications, je commence par verser le lait. D’un coup, je l’entends souffler comme un bœuf dans mon dos.

— Ben quoi ? fais-je, innocent.

— Comment veux-tu mélanger si tu commences par le lait ?

Je hausse les épaules, aucune idée. 

Elle prend le saladier et va le vider dans l’évier.

— Je t’ai dit de commencer par la farine.

Elle mesure avec la plus grande attention la quantité nécessaire. Une idée me traverse le crâne. Ça va la rendre folle, mais, moi, je me marre déjà de la voir fulminer. Au moment où elle vide le récipient, je glisse ma main dans le sachet et en ressort une poignée. Tel un mauvais gosse, je balance la farine dans sa direction et me bidonne.

— T’es vraiment sérieux, Davis ? rugit-elle.

— C’est marrant, non ?

— Tu vas voir si c’est marrant !

La connaissant plutôt bien maintenant, je m’attends à ce qu’elle me renvoie mon coup d’une manière ou d’une autre. Cependant, à mon plus grand déplaisir, elle décide de ne pas entrer dans mon jeu. Désarçonné, je hausse les épaules, avant de me placer dans son dos pour poser ma main sur la sienne et mélanger la pâte avec elle. Au moment où je ne m’y attends plus, je me retrouve avec de la préparation sur les joues, le front et le nez. Son éclat de rire me fait rager. Putain, elle n’attendait que ça pour se venger ! 

— T’es sérieuse, Cortes ?

Elle se tourne pour me faire face, la mine réjouie de sa petite vengeance orchestrée.

— Autant que toi, Davis !

— Je te jure que si j’avais le temps, je te punirais avec plaisir. 

— Tu me fais peur.

Foutu mensonge, tout en elle m’indique clairement l’inverse.

— Je suis certain que tu adorerais ça, murmuré-je au creux de son oreille.

Ses joues rougissent et je sais que j’ai vu juste. Mais bon, ce n’est pas en jouant à ce petit jeu que je vais m’enlever cette envie de lui faire l’amour ce matin. 

— Et maintenant, à part aller prendre une douche tous les deux, on fait quoi, chef ?

— C’est simple, toi, tu y vas pendant que moi je fais cuire ça. Puis, je vais me laver. Ensuite, on mange et on va rejoindre les autres.

— Merde, moi qui croyais que t’allais venir me frotter le dos ! 

— T’es certain que c’est ton dos que tu veux que je frotte ?

Son éclat de lubricité va me foutre à terre, bordel ! 

— Et tout ce que tu voudras bien frotter…

Elle lève les yeux au ciel, dépassée par ma connerie.

— File te doucher, Davis !

Mort de rire face à sa colère feinte, je me mets au garde à vous.

— Oui, chef ! Bien chef !

— Dégage de là avant que je te fasse bouffer la farine !

Et pour me prouver qu’elle en est bien capable, elle plonge la main dans le sac, prête à m’en envoyer une poignée. Je file en direction des escaliers, totalement hilare.

Après être passé par la case salle de bain chacun notre tour, comme madame l’a décidé, nous nous installons à table, l’un devant l’autre. Tel un ogre, j’engloutis ce qu’elle nous a préparé. Un délice ! Ça fait longtemps que je n’avais rien mangé d’aussi bon au réveil. 

— Liam devait être content, lâché-je, la bouche pleine

Bordel, qu’est-ce que je suis en train de raconter ? Pourquoi je lui parle de lui ? 

Sa ride du lion se creuse pour me montrer qu’elle non plus ne saisit pas trop ce que vient foutre mon frangin au milieu de notre repas.

— Puisque tu traînais beaucoup avec lui, t’as dû lui préparer plus d’une fois à bouffer, non ?

Elle éclate de rire.

— T’es sérieux, Ash ? C’était mon plan cul, pas mon mec, je te rappelle !

— Et ? Vous passiez beaucoup de temps ensemble à ce que je sache.

Mais, putain, qu’est-ce que je cherche en le ramenant sur le tapis ?

— Je n’ai jamais cuisiné pour lui. Les rares fois où on a mangé ensemble, on avait volé un truc. Ça te va comme réponse ? 

— Et Aaron ?

Avec lui, elle a bien dû passer une nuit complète, non ? Non, mais, je deviens maso, ma parole !. À moins que mon ego ait juste envie de l’entendre dire que je suis le seul pour qui elle prépare les repas, que je suis un putain de veinard.

Elle glousse.

— T’es pas croyable, Davis ! Tu vas tous les faire ? Si ça peut t’aider, je peux te donner le nom de mes ex. Avant Aaron, il y a eu Jeff, j’avais quinze ans. Et avant lui,…

— Ok, c’est bon, je n’ai pas besoin de tous les connaître ! grogné-je.

— Mais si ta question était de savoir si j’ai déjà cuisiné pour un autre mec que toi, la réponse est non. 

Ma fierté de mâle primaire se gonfle. 

— Aaron vivait ,comme moi, chez ses parents et sa mère me préparait mon petit-déjeuner quand je dormais chez eux. Quant à ton frère, je n’ai passé qu’une seule nuit complète avec lui, mais je pense qu’il ne vaut mieux pas que je te la raconte, tu te foutrais de ma gueule.

— Ah ouais ? T’en as trop dit là, ma belle ! Je veux tout savoir, lâché-je, poussé par la curiosité. Je te laisse le choix ou tu me racontes tout maintenant ou je te retiens jusqu’à ce que tu l’aies fait.

Je plante mes coudes sur la table, déterminé. Sa tête penche d’un côté, puis de l’autre, comme si elle cherchait à peser le pour et le contre.

— Deal. Si je te le raconte, tu me dis pourquoi tu détestes autant ton frère.

Hors de question ! À mes traits qui se tendent, elle capte que je ne lui balancerai pas cette info.

— Tant pis pour toi.

— Si tu me dis tout, je te parle de mes vieux pour que tu puisses comprendre le lien que j’avais avec mon frère avant toute cette merde. Personne ne sait ce qui s’est passé ce jour-là, ne m’en demande pas trop, princesse, je ne suis pas prêt. Mes démons sont encore trop présents, laisse-moi le temps d’apprendre à les maîtriser. Un jour, je te dirais tout, mais pas tout de suite.

Elle joue avec les muscles de sa mâchoire quelques secondes, puis opine.

— D’accord, mais promets-moi de ne pas te moquer. 

Je hoche la tête, quand bien même je ne suis pas convaincu à cent pour cent de pouvoir me retenir. Puis elle se lance dans son aventure, ou plutôt devrais-je dire mésaventure. D’après ce que je comprends, ils ont failli se faire choper par les flics pour un délit de détérioration sur un bien public. À cet instant, je gronde de colère contre mon frangin d’avoir été aussi con. Qu’est-ce qu’il voulait, putain ? Me savoir condamné ne lui suffisait pas ? Il voulait me rejoindre ou quoi, le p’tit con ? Elle m’explique ensuite comment ils s’en sont tirés en allant se réfugier dans les égouts. Morts de peur, ils y sont restés la nuit entière.

— Crois-moi, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit tellement ça schlinguait. 

Devant sa mine dégoûtée, je ne peux pas m’empêcher d’exploser de rire. Outrée, elle me donne un léger coup sur le bras qui me fait marrer encore plus. 

— Bon et toi, tes parents ? 

Sa question a le don de me faire redescendre d’un coup. J’ai engagé ma parole, je ne vais pas pouvoir y déroger. Raviver les souvenirs du passé va me scier, mais pour elle, pour qu’elle puisse apprendre à me connaître plus en profondeur, je suis prêt à l’endurer. Personne ne connaît mon histoire, hormis Liam, bien sûr, et Greg. J’emplis longuement mes poumons d’air et me lance.

— Ma mère s’est barrée, j’avais six ans. Le matin avant que je parte à l’école, elle était là, souriante, aimante, et le soir, pouf, elle avait disparu. Mon père n’a jamais été foutu de nous dire ce qui s’était passé entre eux. Je ne l’ai plus jamais revue.

Des réminiscences d’elle, de son parfum, de sa voix, se réveillent dans ma mémoire. J’ai très peu de souvenirs, mais ce qui me reste est douloureux. Elle nous aimait, je le sais, mais elle a choisi de nous abandonner sans raison valable. 

— Mon père a changé du tout au tout après son départ. Il s’est mis à boire, à ramener des meufs chez nous et à devenir violent. J’ai tout fait pour empêcher mon père de s’en prendre à mon frangin. Je l’ai protégé à chacune de ses conneries, quitte à me ramasser des roustes à sa place. 

— Tes  cicatrices, c’est lui ? demande-t-elle en posant sa main sur la mienne.

Je hoche la tête. 

— Ouais. Il me frappait… tous les jours.

Je laisse passer un ange durant lequel je revois ce fumier me foutre à terre.

— Si je n’avais pas rencontré Greg, mon entraîneur, des années plus tard, j’aurais fini par trouver un moyen de le tuer pour qu’il ne puisse plus jamais nous détruire. Car non seulement, il y avait ses coups, mais il y avait aussi les paroles. Si je pouvais éviter les premiers à Liam, je ne pouvais pas lui épargner les seconds. 

— Je suis tellement désolée, Ashton. Si seulement, je pouvais enlever une partie de ta douleur…

Sa peine à mon égard me touche en plein cœur. Plutôt que de me laisser envahir par mon sombre passé, je me relève et débarrasse mes couverts. Je n’ai pas envie de gâcher le week-end avec mon spleen.

— On devrait y aller, suggéré-je en déposant mes couverts dans l’évier.

— Ouais. On va s’éclater ce week-end !

Son enthousiasme envoie bouler directement mes sales pensées. Je la contemple alors qu’elle se rapproche de moi. Dans mon monde, il n’y a plus qu’elle désormais, exit le passé, exit cette vie de merde qui m’a laissé bien trop longtemps sur le carreau. 

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