Ils formaient un beau couple
Ils formaient un beau couple. Et c’était bien ça le problème. J’aurais pu justifier mes sentiments bien plus facilement s’il se comportait mal avec elle. Mais le fait est que, chaque fois que je les voyais, ils avaient toujours l’air si proches l’un de l’autre, toujours à rire de blagues qu’ils étaient les seuls à comprendre.
Elle c’était Élodie, lui Etienne et moi je n’étais personne. Nous étions tous les trois dans le même lycée, Etienne était en L et Élodie et moi en S. Je ne peux pas dire que je la connaissais très bien, mais on avait quelques amis en commun et ça nous était arrivés de finir ensemble en TP.
Ça avait suffi à me rendre fou d’elle.
Elle n’avait pourtant rien fait pour, elle n’en avait pas eu besoin. Pas avec ce sourire en tous cas. C’était la première chose que j’avais remarquée chez elle. Elle était belle de manière générale, c’était certain, mais son sourire était exceptionnel. Et au-delà de ça, quand on discutait, j’avais toujours l’impression que le courant passait entre nous, qu’elle passait un meilleur moment avec moi qu’avec les autres.
Alors, j’ai tenté de me rapprocher d’elle. Je me suis mis à essayer d’être plus proche d’elle en cours. À lui envoyer des messages sans raison particulière. Je me disais que ça n’était pas bien grave de vouloir me faire une amie plus proche. Je me mentais à moi-même, bien-sûr. Mes intentions n’avaient rien d’innocent.
Et puis, je pensais que de toutes façons, elle m’enverrait bouler. Voilà, je ne faisais ça que pour pouvoir me faire une raison quand elle me rejetterait. Mais non. Elle était bien trop gentille pour ça. Ça a même très bien marché. En peu de temps, on s’est beaucoup rapproché l’un de l’autre, au point de se parler tous les jours. Je savais qu’elle ne voyait rien de plus que de l’amitié entre nous, mais je refusais de l’accepter.
Enfin, j’ai fini par devenir une sorte de confident pour elle. Elle me faisait confiance, sans réaliser tout ce que je ressentais pour elle. Et elle me parlait souvent de lui.
C’est peut-être moi qui ai commencé à parler de lui en premier, je l’avoue. Mais ça n’a pas eu l’air de la gêner. Au début elle me racontait juste à quel point il était chou et s’occupait bien d’elle, me plantant chaque fois un couteau profondément dans le cœur. Ça m’empoisonnait littéralement d’aborder le sujet. Et malgré tout, je revenais toujours dessus, comme quelqu’un qui ne peut pas s’empêcher d’enlever la croûte de sa blessure mais qui la rouvre chaque fois par la même occasion. Je ne comprenais pas pourquoi je faisais ça. Jusqu’au jour où j’ai obtenu ce que j’attendais sans m’en rendre compte… une ouverture.
Ça n’était pas grand-chose, vraiment. Je ne me souviens même plus ce qui l’avait dérangée. Ça faisait un moment qu’ils étaient ensemble, donc forcément, il y avait parfois des désaccords entre eux. Mais quand elle est venue m’en parler, ça n’est pas ce que je lui ai dit. J’ai reformulé ses mots en forçant le trait sur les aspects négatifs. J’ai déformé d’autres histoires qu’elle m’avait racontées pour lui faire croire que c’était loin d’être la première fois qu’il se comportait mal avec elle. Je me justifiais en me disant que je faisais ça parce que personne n’avait le droit de faire du mal à mon Élodie.
Encore une fois, je me mentais à moi-même. Je la manipulais. Et elle n’avait jamais été MON Élodie.
Ce soir-là, elle est repartie bien plus en colère contre lui qu’elle ne l’était à la base. Et moi bien plus satisfait.
Après ça, j’ai continué. À chaque occasion que j’avais, je faisais en sorte d’envenimer la situation, tout en évitant d’avoir l’air trop suspect. Je tentais de semer le doute en elle par tous les moyens. Parce qu’elle me faisait confiance.
Est-ce qu’ils auraient rompu si vite si je n’avais pas été là ? Je ne peux pas en être entièrement sûr. Toujours est-il qu’ils ont fini par rompre aux vacances suivantes.
Elle était dévastée. J’étais aux anges.
Je l’ai convaincue de venir chez moi ce jour-là, soi-disant pour la réconforter. Elle avait besoin de quelqu’un et elle n’a pas réfléchi plus loin.
Ça n’a pas été dur de faire en sorte de l’embrasser. Elle pleurait, mais à ce moment-là, ça ne m’importait pas.
Les jours suivants, je les ai passés sur un petit nuage. Il était trop tôt pour dire que l’on sortait ensemble, mais c’était tout comme. On passait tout notre temps tous les deux, dans les bras l’un de l’autre.
Si j’avais prêté attention à elle, j’aurais réalisé à quel point elle était misérable.
C’est au moment de retourner en cours que les choses sont devenues vraiment apparentes. Elle avait beau être près de moi dans la cour, elle n’était pas vraiment là. Malgré elle, son regard le cherchait toujours lui.
Je me suis rendu compte que je ne savais pas comment la rendre heureuse. Je pensais que continuer à me comporter avec elle en ami suffirait. Je n’avais pas réalisé à quel point être ami et être en couple étaient différents. Est-ce que j’étais trop doux avec elle ? Pas assez ? Est-ce que je ne lui donnais pas assez d’attention ? Est-ce que je l’étouffais ? Je n’avais aucun moyen de le savoir.
Elle méritait mieux que moi. Et ça ne lui a pris que trois semaines pour le réaliser.
Au moment de rompre, ses mots étaient aussi doux que son sourire. Ça a fait d’autant plus mal. Mais je l’ai accepté. Qu’est-ce que j’aurais pu dire ?
Je l’aime encore.
Mais je dois l’aimer de loin si je ne veux pas lui faire à nouveau du mal. Malgré tout, chaque fois que je la vois, mon cœur s’accélère. Élodie…
Quant à Etienne… Elle n’a pas osé retourner lui parler immédiatement après notre rupture et il s’est trouvé une autre copine entre temps. Elle a fini par reprendre contact avec lui malgré tout.
J’ai entendu dire qu’ils étaient devenus bons amis. Et qu’ils se parlaient presque tous les jours.
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