Pardonne-moi.

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Lâche…

Je me répète ce mot depuis déjà quatre jours. Lâche, faible…
C'est exactement ce qui me représente actuellement.
Je n'ai pas su, non, je n’ai pas su faire les choses. Tu étais malade, gravement malade, tu étais faible, mourant…
J'aurais dû, oui, j'aurais dû te le dire.

Te dire que je t'aimais, que j'étais là. Que ta petite-fille était là pour veiller sur toi, qu'elle ne te laisserait pas tomber.

Mais je ne l'ai pas fait.

Pourquoi ?

J'ai eu peur.

De quoi ?

De moi, de mes émotions, tout simplement.

Qu'étais-je censée faire ?

Pendant quatorze ans, on m'a privée de mon grand-père, de toi, je n’ai aucune photo, de toi, je n'ai aucun souvenir d'enfance. Tu ne m'as pas vu grandir, moi, ta première petite-fille, la chair de ta chair, le sang de ton sang.

Tu m'as connue joyeuse, souriante, toujours le sourire aux lèvres, une blague à sortir au coin de la tête. Tu m'as vue heureuse, tu m'as entendue rire et plaisanter à tout bout de champ. Peut-être me croyais-tu forte.

Si seulement c'était vrai…

Tu sais papy, j'ai vécu tant de choses, j'ai entendu tant de mauvaises langues, j'ai vu tant d'horreurs que je ne sais plus vraiment discerner le bien du mal.

J'ai été endurcie contre mon gré, mais pourtant, il reste cette chose sur laquelle je perds tous moyens…

Les sentiments peuvent rendre si faible parfois.

Je savais que tu n'en avais plus pour longtemps, que tu ne passerais pas l'année et que tôt ou tard, tu nous quitterais. On m'a dit de te dire « Je t’aime », on m'a dit de te dire à quel point je tiens à toi. J'ai voulu le faire. Pendant une heure ce jour-là, je me suis préparée mentalement à prononcer ces deux putains de mots.

« Je t'aime. »

Ce n'est pourtant pas si compliqué…

Je le dis à tellement de gens, et sans aucune difficulté.

Et pourtant…

Le moment venu, lorsque je me suis retrouvée face à toi, devant ton lit d'hôpital, j'en ai été incapable. J'ai pris peur. J'ai pris putain de peur. La boule au ventre, la gorge nouée, j'étais absolument incapable de dire quoi que ce soit.

Alors je t'ai regardé dans les yeux, je t'ai embrassé rapidement en lâchant un maigre : « À plus tard, je repasserai »

Et je suis partie.

Pauvre conne que je suis.

Et le pire dans tout ça…

C'est que je ne suis jamais revenue.

J'avais si peur de me retrouver une nouvelle fois face à toi que je ne t'ai pas rendu visite à l'hôpital. J'ai préféré enchaîner soirée après soirée, sortie après sortie.

« Va le voir, parle lui, tu dois le faire avant qu'il soit trop tard »

Cette fichue voix dans ma tête qui me murmurait à l'oreille.

Et un matin…

C'est arrivé. Ce que je craignais s'est produit.

J'ai appris ton décès.

J'étais tellement sous le choc que je n'ai eu aucune réaction durant quelques jours. Les gens auraient pu croire que je prenais ça à la légère, moi-même, j'avais honte de ne rien ressentir. Honte de rester si insensible.

J'ai réfléchi durant des nuits, j’ai passé des heures à tenter de comprendre, mais il ne s'est jamais rien passé.

Jusqu'à aujourd'hui.

Il a suffi d'un regard, un seul putain de regard porté au ciel, aux étoiles pour que tout me retombe en pleine gueule.

D'un coup, j'ai eu mal, je me suis rendu compte. J'ai réalisé que je ne te verrais plus jamais, que je n'aurais plus jamais l'occasion de te parler.

Que la seule et unique chance que j'avais pour te dire à quel point je tenais à toi m'était passée sous le nez.

J'avais tout gâché, encore une fois.

Tout ça à cause de quoi ?

De ma putain de lâcheté.

J'ai été lâche, comme d'habitude, je me suis braquée.

Cette foutue fierté qui m'empêchait d'avouer ma crainte de te perdre. La vérité, c'est que j'avais peur d'accepter que tu ne vivrais plus très longtemps. J'avais peur que dire « Je t'aime » reviendrait à te faire mes adieux.

Pourtant, j'aurais dû, j'aurais dû surpasser cette peur et ouvrir mon cœur comme je sais le faire habituellement.

Maintenant, je regrette, toujours ces remords qui me bouffent. J'ai plus que mes yeux pour pleurer, mais je sais que ça servira à rien…

Tu sais papy, la vie est une belle salope, elle peut te donner tant de belles choses…

Mais elle peut aussi tout te reprendre.

Injuste, cruelle et vicieuse, la vie est à double tranchant.

Aujourd'hui, tu n'es plus là, tu t'es battu pendant des mois contre la maladie, tu t'es accroché jusqu'au bout, mais ça n'a pas suffit.

Mais sache que, même si tu n'es plus parmi nous, je pense toujours à toi.

Où que tu sois, quoi que tu fasses, je regarderai toujours les étoiles en me disant que de là-haut, tu m'observes et ris à chacune de mes actions, comme ce que tu le faisais avant.

Tu t'es battu comme un lion, tu as toujours gardé le sourire, même quand tu savais que ton temps était compté.

Et pour ça, je t'admire.

Tu es mon étoile désormais, mon ange gardien. Tu as ta place dans mon cœur, et ce, pour toujours.

Je suis si fière de toi, je suis fière d'être ta petite-fille.

Papy, je sais qu'il est trop tard pour te le dire, mais je le fais quand même, parce que peut-être le verras-tu…

Je t'aime.

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