1. Visite surprise - 2/4
— James, voilà longtemps que l’on ne s’était pas vu. C’est un plaisir de vous revoir, s’exclama-t-elle en se levant de son siège.
— Janice, décidément le temps ne semble pas avoir d’emprise sur vous, vous êtes toujours un régal pour les yeux.
Cette dernière gloussa et serra la main que lui tendait le ministre.
— Ne tentez pas de me séduire. Vous savez pertinemment que je suis uniquement amoureuse de mon travail.
— Et vous auriez tort de ne pas l’être en exerçant dans un tel cadre.
Elle lui fit signe de s’asseoir et prit place derrière son bureau.
— Votre dernière visite remonte à plusieurs années, lui fit-elle remarquer. J’imagine que c’est très important.
James se gratta le crâne avec embarras.
— Pour être honnête, pas vraiment. J’aurais pu envoyer quelqu’un ou vous faire parvenir une lettre. Je dois avouer que j’ai rarement la chance de venir ici, j’ai donc sauté sur l’occasion. Cet endroit me rend toujours nostalgique de ma jeunesse.
— N’en soyez pas gêné, lui assura-t-elle avec un sourire bienveillant, c’est un plaisir de vous recevoir. Désirez-vous une tasse de thé ? Ou peut-être préférez-vous du café ?
— Non merci, refusa-t-il d’un geste de la main. Je dois dire que je n’ai pas beaucoup de temps devant moi.
Il jeta un coup d’œil à sa montre.
— Je suis attendu ailleurs.
— Dans ce cas, je vous écoute, l’enjoignit Janice en se redressant sur son siège.
— Il se trouve que j’ai une information qui pourrait vous intéresser. Je sais que je ne suis pas censé faire de favoritisme entre les établissements, mais je voulais que vous soyez la première à être au courant.
La directrice sembla soudainement prendre conscience que Tarr était toujours dans la salle. Elle fit signe à son invité d’attendre un instant.
— Oliver, merci d’avoir accompagné James jusqu’à mon bureau. Refermez la porte en sortant, s’il vous plaît.
— Oh non, restez, intervint le ministre en se retournant sur son siège. Ce n’est pas confidentiel, les autres établissements seront mis au courant dans la semaine. Et en plus, je vous ai dérangé au milieu de la nuit.
Il fit signe à Oliver.
— Allez, venez. Prenez donc la chaise à côté de moi.
Ce dernier, surpris, chercha le regard de sa supérieure afin d’avoir son assentiment. Celle-ci acquiesça d’un mouvement de tête.
— Bien, reprit James tandis que l’homme aux yeux jaunes prenait place. Vous n’êtes pas sans savoir que chaque année, nous faisons un recensement. C’est cette procédure qui vous permet de mettre au point votre effectif.
Oliver et Janice hochèrent la tête en signe d’approbation.
— Eh bien voilà, une chose très étrange s’est produite il y a quelques heures. Une nouvelle personne s’est retrouvée inscrite sur la liste des recensés. Son nom s’est greffé à la fin du registre, comme par magie, ajouta-t-il avec un rire.
Oliver ouvrit des yeux ronds, pourtant Janice n’avait pas l’air de comprendre.
— Peut-être que quelqu’un l’a enregistré aujourd’hui ? proposa-t-elle.
— Non, non, vous ne comprenez pas. Le décomptage est un processus que nous lançons et qui est automatique, personne ne peut interférer, pas même moi, expliqua calmement James.
— Dans ce cas, il a certainement dû se retrouver là, à la toute fin du recensement et vous ne l’aviez pas aperçu avant.
— C’est malheureusement impossible.
— Et pourquoi donc ? s’enquit-elle avec agacement.
James était surpris par la réaction de la directrice puis eut un rictus de contentement.
— Je vois, ce n’est pas vous qui vous occupez des inscriptions habituellement. Je me trompe ?
— En effet. Vous savez aussi bien que moi que dans nos professions nous ne pouvons pas tout faire seuls. Il faut apprendre à déléguer. C’est Oliver, ici présent, qui est responsable des admissions, répliqua-t-elle visiblement vexée par la remarque.
Le ministre inclina la tête en direction d’Oliver.
— J’imagine donc que vous avez saisi où je voulais en venir ?
Ce dernier acquiesça et se tourna vers Janice.
— Le recensement se tient toutes les années à la même date. Personne n’aurait pu se rajouter à la fin de la procédure puisqu’elle s’est terminée le mois dernier.
La directrice eut un moment de réflexion puis comprit soudainement où il voulait en venir. Elle était abasourdie.
— Attendez… Cela voudrait dire que… enfin, James, c’est impossible, vous le savez bien, s’exclama-t-elle avec stupeur.
— Toute cette affaire est bien étrange, j’en ai peur. Nous travaillons activement sur ce mystère, je vous l’assure.
Le ministre avait le visage grave et cela n’allait pas s’améliorer.
— Ce n’est pas tout. Après avoir constaté qu’il s’était rajouté dans notre registre, nous avons décidé d’enquêter et de le surveiller. Vous n’allez pas me croire quand je vais vous dire ce que l’on a découvert.
— Quoi donc ? l’interrogea Janice, sa curiosité piquée au vif.
— Eh bien, tout d’abord nous avons eu toutes les peines du monde à le dénicher.
— Le gouvernement qui n’arrive pas à identifier quelqu’un ? commenta Oliver pour lui-même.
— Effectivement. Nous avons été obligés d’élargir nos horizons et l’avons finalement retrouvé bien au-delà de nos frontières.
Il marqua une courte pause puis, décidant qu’il avait laissé suffisamment de suspense, lâcha :
— Il est humain.
La nouvelle eut l’effet escompté. Ils n’en croyaient pas leurs oreilles.
— J’ai conscience que mon annonce est un choc. Nous avons été les premiers surpris, je peux vous l’assurer. Néanmoins, je sais d’expérience que votre établissement est gage de qualité et que vous ne recherchez que les meilleurs. Étant donné qu’il ne passe pas par les processus habituels, je ne peux en aucun cas vous garantir son potentiel. Cependant, si j’étais vous, je ne réfléchirais pas trop. C’est certes normalement impossible, mais comme je vous l’ai dit nous parviendrons à avoir le fin mot de cette histoire.
Il y eut un long, très long silence. James, mal à l’aise, se leva de son siège.
— Je dois y aller à présent. Je vous remercie pour votre accueil.
Il fit un signe de tête à Oliver puis quitta la pièce.
— Si j’étais à votre place, je me lancerais. Après tout, que risquez-vous ? ajouta-t-il simplement en refermant la porte du bureau derrière lui, les laissant dans le mutisme le plus total.
La directrice sortit de son questionnement mental après quelques minutes. Elle se leva de son fauteuil et commença à faire les cent pas.
— Il est évident que les circonstances sont plus qu’exceptionnelles, débuta-t-elle en réfléchissant à mesure qu’elle parlait. Vous me connaissez, je ne ferais pas de favoritisme concernant l’intégration d’un membre à nos effectifs. Je dois, cependant, avouer que je suis intriguée par la situation.
Elle stoppa ses vas et viens et s’approcha d’Oliver qui lui aussi avait quitté son siège.
— Vous avez beaucoup de travail en ce moment. Malheureusement, c’est vous qui vous occupez des inscriptions et vous êtes dans la confidence à présent.
— Je ferais ce que vous me demanderez.
— Très bien. Je confie provisoirement vos tâches à Aron. Je sais bien que vous ne l’appréciez pas, ajouta-t-elle en apercevant les sourcils froncés de son interlocuteur, malgré cela, vous êtes conscient qu’il est efficace. De votre côté, surveillez le garçon et effectuez vos tests usuels, je dois savoir s’il est apte à entrer dans notre institution. Revenez me voir aussi vite que vous le pourrez. En revanche, ne faites pas trop tarder les choses. Les autres établissements ne sont pas encore au courant, utilisons ce temps à notre avantage.
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