1. Visite surprise - 4/4

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  Depuis maintenant une heure, il effectuait des allers-retours en observant les maisons et jetant un œil à l’orphelinat de temps à autre, dans l’espoir d’apercevoir un signe du garçon. Mais de toute évidence, la mission qui lui avait été confiée ne serait pas si simple à accomplir.

  Tout était plus facile en général, il n’avait qu’à toquer à la porte et expliquer la raison de sa venue. Les gens s’empressaient alors de l’accueillir comme il se devait. Pourtant, cette fois-ci, tout était différent. Il devait être en tous points invisible. Malheureusement, certains habitants qui s’affairaient à leur labeur quotidien commençaient à le regarder faire ses allées et venues avec méfiance. Ce n’était pas le moment de se faire interpeller par la milice locale à cause d’un citoyen qui l’aurait confondu avec un rôdeur.

  Une idée lui traversa l’esprit. La mairie devait bien conserver un registre des résidents du village. S’il y avait un lieu où il pouvait récolter des informations sur le domicile du jeune garçon, c’était bien là-bas. Engaillardi par la perspective de trouver un indice sur sa cible, il s’empressa de se mettre en marche.

— Bonjour, qu’est-ce que je peux faire pour vous ? lui demanda une femme rondelette derrière son comptoir.

— Bonjour. Je suis à la recherche d’une personne, expliqua Oliver. Je connais son nom, mais pas son adresse. Avez-vous un document que je pourrais consulter ?

— Bien sûr.

  Génial, pensa-t-il joyeusement. Il allait enfin avoir une piste.

— Mais ce n’était pas la peine de vous déplacer parce qu’ils ne sont plus accessibles, lui fit savoir la secrétaire. Tous les registres ont été numérisés, vous avez juste à vous rendre sur le site de la mairie.

— Ce n’est pas ici, la mairie ? l’interrogea Oliver qui avait du mal à comprendre où elle voulait en venir.

— Je vous parle du site Internet.

— In… Internet, vous dites ? Et où puis-je le trouver ?

— Eh bah à votre avis ? Sur votre ordinateur ! s’exclama-t-elle comme s’il était complètement idiot.

  Oliver se gratta la tête, embarrassé. Il avait bien conscience de paraitre étrange, néanmoins il ne saisissait pas du tout les indications de la secrétaire.

— Qu’est-ce qu’un ordinateur ?

  Les traits du visage de la jeune femme se durcirent et elle montra la porte de sortie du doigt avant d’ajouter :

— J’ai du travail. Allez enquiquiner quelqu’un d’autre avec vos questions stupides.

  Je ne suis pas plus avancé, songea-t-il en sortant dans la rue. Foutu pour foutu, il décida de se rendre directement à l’orphelinat. Au moins, il saurait si le garçon se trouvait là-bas. Il alla toquer à la porte.

— C’est pour quoi ? lui demanda abruptement une vieille religieuse en ouvrant.

— J’aurais aimé discuter avec monsieur Thobois, si c’est possible.

— Très bien. Vous avez rendez-vous ?

— Un rendez-vous ? répéta Oliver avec surprise. Non, je passais juste comme ça.

— Vous vous connaissez ?

— Pas exactement, mais…

— Eh bien, prenez rendez-vous, le coupa-t-elle agressivement avant de lui claquer la porte au nez.

  Il soupira longuement et descendit les quelques marches du perron. Il était temps de faire une pause. La vieille femme lui avait indirectement confirmé que le garçon était dans l’orphelinat, mais comment l’atteindre s’il ne pouvait pas entrer ? Peut-être fallait-il juste être patient ? C’était une belle journée, le jeune homme finirait bien par sortir prendre l’air dans la cour du bâtiment.

  Et puis, il faisait vraiment très chaud, Oliver avait bien le droit de se reposer à l’ombre quelques instants. Il s’adossa contre le tronc d’un pommier, proche d’une rivière, et décida de s’asseoir. Puis, il attendit. Une heure. Deux heures. Trois heures, son esprit essayant de trouver une solution.

  Le claquement d’une porte le fit soudainement sursauter. Il jeta un œil à sa montre et constata avec horreur qu’il était presque dix-neuf heures. Plongé dans ses pensées à échafauder divers plans tous plus loufoques les uns que les autres, il n’avait pas vu le temps filer.

  Après ça, il pouvait dire adieu à la confiance que lui accordait la directrice. L’une des fenêtres de l’orphelinat s’ouvrit presque aussitôt, révélant la vieille mégère qui l’avait envoyé balader plus tôt. Toujours avec son teint cireux et une expression particulièrement sévère sur le visage. Celle-ci s’écria :

— Thobois ! La porte, bon sang ! Cela fait cent fois que je te répète de la fermer doucement. Tu ferais bien de t’en souvenir, mon garçon, si tu ne veux pas avoir de problème.

— Désolé, maugréa un enfant.

  Thobois ? Oliver s’empressa de se remettre sur ses pieds et chercha l’origine des voix. Il ne tarda pas à la dénicher. Il ne rêvait pas, à une centaine de mètres de lui, se trouvait une jeune personne assise sur les marches de pierres. Devant le perron de l’orphelinat, il feuilletait un livre.

  Il maîtrisait la lecture, ce qui était une excellente nouvelle. Les humains avaient la fâcheuse habitude de n’apprendre que le strict minimum. Heureusement, les individus qui prenaient soin de lui s’étaient donné la peine de l’instruire.

  Il était brun et légèrement plus petit que la plupart des garçons de son âge, mais de la distance à laquelle Oliver se trouvait, il ne pouvait guère en voir plus. Cependant, il n’y avait aucun doute, si ses parents avaient été humains, il devait l’être lui aussi.

  Le jeune homme lisait son livre avec attention. Pendant un moment, Oliver fut absorbé dans ses pensées. « Faites vos tests habituels », ce sont les mots de la directrice. Malheureusement, cela était impossible puisqu’il ne devait pas se montrer et pire encore, les lois en vigueur le lui interdisaient.

  Il observa frénétiquement autour de lui, à la recherche de quelque chose qui pourrait lui venir en aide. Une idée lui traversa soudain l’esprit. Après tout, il ne devait que confirmer ce que leur avait dit le ministre.

  Il se baissa et ramassa une pierre au pied du pommier derrière lequel il se cachait. L’approche était peu conventionnelle et surtout très mauvaise s’il ne s’agissait pas de la bonne personne. Pourtant, il n’avait pas mieux.

  Oliver sortit vivement de derrière l’arbre. Il se concentra un instant, prit une grande inspiration puis jeta la pierre de toutes ses forces en direction du garçon. Il regarda le projectile s’élancer.

  La trajectoire était correcte, presque un peu trop bonne. Oliver ferma les yeux, il ne voulait pas voir ça. Le caillou allait s’écraser contre le visage du jeune, d’un instant à l’autre. Il attendit le cri de douleur, mais il n’arriva jamais.

  Avait-il mal visé ? Impossible, il n’avait même pas entendu d’impact. Il entrouvrit les paupières et eut un grand sourire. La pierre qu’il venait de jeter lévitait quelques centimètres au-dessus du crâne de l’enfant. Celui-ci, toujours le nez dans son livre, n’avait rien remarqué.

  Sans prévenir, le projectile retourna en direction de son lanceur à une vitesse meurtrière. Il eut juste le temps de plonger derrière le tronc d’arbre qu’un claquement sourd retentit. Le caillou avait heurté violemment le pommier. Oliver s’était étalé de tout son long sur le sol craquelé, un sourire des plus satisfaits se dessinant sur son visage. Il avait réussi. Sa mission était accomplie.

  Le bruit de l’impact avait été d’une telle force qu’il fit sursauter le garçon. Curieux, il déposa son livre sur les marches de pierres sur lesquelles il était assis et se dirigea en direction de l’origine du tumulte. L’écorce d’un des pommiers avait volé en éclats et un caillou d’une bonne taille se trouvait à quelques mètres du tronc. Étrange. Il fit le tour de l’arbre, mais ne trouva rien.

  Oliver, lui, était déjà loin. Très loin.

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