3. Une journée pleine de rebondissements - 3/4

6 minutes de lecture

  Il regardait l’enveloppe avec un mélange de crainte et d’avidité depuis presque deux heures. Malgré sa curiosité quant à la teneur de celle-ci, père Daniel l’avait renvoyé dans sa chambre en lui disant que son contenu n’appartenait qu’à lui. Encore fallait-il avoir le courage de l’ouvrir.

  Assis sur son lit, Ethan en avait même oublié d’aller diner au réfectoire. Sœur Madeleine était venue le sermonner, mais peu lui importait. Quelqu’un lui avait écrit.

  Ne résistant plus, il décida de se lancer. Que risquait-il après tout ? Il déchira l’enveloppe avec fougue. La lettre avait une légère teinte lilas et une agréable odeur de pin. En revanche, celle-ci était scellée.

  Le sceau représentait un long chapeau pointu sous lequel s’entrecroisaient deux bouts de bois. Il y avait également un grand serpent, certainement marin, qui était enroulé autour du couvre-chef et un énorme oiseau, les ailes déployées en arrière-plan. C’était la première fois qu’il voyait un tampon aussi détaillé, ce qui stimula un peu plus sa curiosité.

  Il décacheta la lettre avec précaution, il ne voulait pas déchirer le papier. Il la déplia soigneusement et lut :


CASTEL-LAPIS — ÉCOLE DE MAGIE POUR SORCIERS DE SECOND CYCLE


  Cher monsieur Thobois,

  Nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficiez d’une place au sein de notre prestigieuse école de sorcellerie. En effet, après examen de votre dossier de candidature, vous semblez disposer de compétences que nous apprécions grandement.

  Malgré l’envoi tardif de cette lettre, nous souhaiterions que vous intégriez nos rangs dès mercredi, la rentrée ayant lieu un jour plus tôt dans notre établissement.

  Après réception de votre réponse, nous vous ferons parvenir une seconde missive dans laquelle nous vous expliquerons la marche à suivre pour rejoindre notre académie.

  Un autre courrier vous sera également adressé, en second lieu, avec la liste des fournitures scolaires que vous devez impérativement avoir en votre possession à votre arrivée dans notre institution. Veuillez vous limiter à ce qui vous sera demandé.

  Merci de nous renvoyer votre retour dans les plus brefs délais,

  Je vous prie d’agréer, M. Thobois, l’expression de mes sentiments distingués.

Janice Foubadil, directrice.


  Ethan qui s’était levé sans réfléchir tandis qu’il découvrait la lettre se rassit brutalement. Il la replia lentement et la glissa dans son enveloppe. Il ne savait pas quoi en penser. À vrai dire, il n’était pas certain de ce qu’il venait de lire. Une école de sorcellerie s’intéressait à lui. Elle avait même examiné son dossier.

  Il n’avait pourtant candidaté dans aucun établissement. Il n’aurait pas pris le risque. S’il quittait l’orphelinat, il n’aurait nulle part où loger. Cédric avait-il souhaité lui faire une farce et l’avait inscrit dans une académie de magie ?

  « Vous semblez disposer de compétences que nous apprécions grandement », qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Il était vrai qu’Ethan avait lu beaucoup de livres avec des histoires fantastiques et possédait ainsi quelques connaissances, cependant il doutait fort que cela soit suffisant pour faire de lui un sorcier. Il eut un rire en s’imaginant avec un chapeau pointu et volant sur un balai.

  Il le savait mieux que personne, il n’avait pas le moindre talent pour les tours de magie. Lui et Tom s’y étaient pourtant essayés, mais force était de constater qu’il avait lamentablement échoué à chaque fois. De toute manière, il n’avait aucune envie de faire des spectacles pour gagner sa vie.

  Ethan aurait bien voulu leur rendre réponse pour leur indiquer qu’ils faisaient erreur sur le destinataire. Il existait certainement un autre Ethan Thobois quelque part. De toute façon, il n’y avait pas la moindre adresse à laquelle renvoyer la lettre.

  Il se leva à nouveau et déposa l’enveloppe sur le bord de son bureau. Tant pis, il s’agissait sans doute d’une mauvaise blague. Il se coucha sur son lit avec une désillusion de plus à son actif pour la journée. Il avait dû attendre douze interminables années pour recevoir son premier courrier et celui-ci était totalement inutile.

  Sa déception s’apaisa à mesure qu’il s’enfonçait dans le sommeil, bercé par le son de la pluie. Celle-ci tombait toujours avec force et le ciel grondait de temps à autre. Cependant Ethan ne dormit pas longtemps puisqu’au bout d’une heure, père Daniel se présenta à sa chambre.

  Ethan se réveilla en sursaut et se redressa sur son matelas tandis que la porte de sa pièce s’ouvrait, laissant apparaitre la silhouette du directeur.

— Je suis désolé de te déranger à une heure aussi tardive Ethan, s’excusa celui-ci en chuchotant. Mais il semblerait que la journée ne soit pas encore terminée. Tu as de la visite.

  Ethan sauta aussitôt sur ses pieds. Après la lettre, quelqu’un voulait le rencontrer. Il allait de surprise en surprise.

— Je ne fais pas les présentations, il sera plus à même de le faire lui-même, ajouta-t-il en souriant avant de s’éloigner dans le couloir.

  Un autre individu prit place dans l’encadrement de la porte. Il était de taille moyenne, dans la fleur de l’âge, les cheveux noir de jais. Son visage paraissait sympathique, pourtant quelque chose inquiétait quelque peu Ethan. Son visiteur avait les yeux anormalement jaunes. Ils semblaient même briller dans l’obscurité, comme ceux des félins.

  Il referma la porte derrière lui et s’approcha de quelque pas vers Ethan qui avait presque oublié de respirer.

— Bonsoir Ethan, le salua l’étranger avec un sourire bienveillant. J’imagine que tu as une idée de qui je suis, n’est-ce pas ?

  Mieux ne valait pas commencer la conversation avec un mensonge, pensa Ethan. Alors, il répliqua avec honnêteté.

— Pas vraiment.

  Son interlocuteur sembla amusé par sa réponse. Il indiqua la chaise proche du bureau d’Ethan.

— Peut-être pourrions-nous nous asseoir ? demanda-t-il aimablement. Nous serons plus à l’aise pour discuter.

  Ethan hocha la tête et s’installa sur le bord de son lit, face à l’étranger aux yeux jaunes.

— Je suis le professeur Tarr, se présenta-t-il. J’enseigne dans l’école de Castel-Lapis. Il me semble que tu as reçu du courrier aujourd’hui, si je ne me trompe pas ?

— Oui, j’ai pensé que c’était une mauvaise plaisanterie d’ailleurs, répondit Ethan sans détour.

— Pourquoi donc ?

— Il est indiqué qu’il s’agit d’une école de sorcellerie. Je n’ai aucun talent pour la magie et en plus je n’ai jamais déposé le moindre dossier dans votre établissement.

  Le professeur ne sembla pas surpris des propos d’Ethan. Bien au contraire, il déclara avec mécontentement :

— J’étais certain que la missive de la directrice n’était pas suffisamment claire. Le contexte sort bien trop de l’ordinaire. Je lui avais pourtant dit que l’on ne pouvait pas se permettre de t’envoyer une lettre classique. Que tu aurais forcément des interrogations ! Évidemment, elle ne m’a pas écouté.

  Il gratta sa barbe qui comportait quelques trous et regarda la pluie tomber à l’extérieur avant de reprendre :

— Par chance, j’ai réussi à la convaincre de venir te rencontrer afin que je puisse tout t’expliquer et éclaircir la moindre de tes questions. Enfin, je promets d’essayer, ajouta-t-il avec amusement.

  Ethan ouvrit la bouche pour répondre quelque chose, cependant il prit conscience qu’il ne savait tout simplement pas quoi dire.

  Je ne comprends rien. Qu’est-ce qui se passe, bon sang ?

— Excusez-moi, mais qui êtes-vous ? parvint-il finalement à articuler.

— Comme je te l’ai dit, je suis le professeur Tarr. J’enseigne la magie élémentaire à Castel-Lapis.

  Il se redressa sur sa chaise avant de reprendre.

— Il s’agit d’une des plus prestigieuses écoles de sorcellerie qui puisse exister. Beaucoup de familles rêvent d’envoyer leurs enfants dans notre établissement. Malheureusement nous ne pouvons pas accepter tout le monde, comme tu t’en doutes.

— Je suis désolé, monsieur Tarr, l’interrompit Ethan, mais je ne suis pas intéressé par votre académie. Je n’ai aucun attrait particulier pour les tours de magie.

— Les… les tours de magie ? répéta-t-il avec surprise. Je te parle de véritables prouesses, pas de vulgaires subterfuges pour les humains.

  Il est complètement fou, lui.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Ascallion ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0