4. Adieux et nouvelle rencontre - 1/3
Le lendemain, Ethan découvrit rapidement que la nouvelle de son départ s’était répandue comme une traînée de poudre. D’étranges regards lui étaient lancés dans les couloirs et un silence inhabituel s’était installé lorsqu’il avait fait son apparition dans le réfectoire.
Certains enfants, dont ses deux amis, étaient venus à sa rencontre, curieux de savoir où il pouvait bien partir.
— C’est vrai ? lui avait demandé Nadia les larmes aux yeux. Tu vas vraiment nous quitter ?
— Oui.
— Mais pourquoi dès aujourd’hui ? C’est si soudain.
— Je le comprends, répliqua Tom. Si nous avions l’occasion de quitter cet endroit, nous n’attendrions pas non plus.
Ethan jugea préférable de ne pas dire toute la vérité sous peine de passer pour un fou. Lorsqu’on lui posait la question, il répondait simplement qu’il se rendait dans une école lointaine et qu’il était, de ce fait, obligé de quitter l’orphelinat.
Il était particulièrement étonné de ne pas apercevoir Cédric, ce matin-là. Il s’attendait à le voir approcher avec un air triomphant. Après tout, son ennemi juré abandonnait enfin le refuge. Il aurait dû sauter de joie à cette idée. Pourtant, il était introuvable.
Même père Daniel avait fait son irruption dans le restaurant. Il était venu dire au revoir à Ethan. Il avait une réunion toute la journée et ne pouvait pas être disponible au moment de son départ.
— Tu dois certainement penser que ton absence ne me touchera pas, lui avait-il dit. J’ai conscience que je suis peu présent, mais je considère chacun de vous comme mes propres enfants. Tout n’est peut-être pas parfait ici, mais je fais de mon mieux.
Ethan, étonné par cette confidence n’avait pas su quoi répondre.
— Tu étais si petit lorsque je t’ai trouvé devant la porte, avait-il continué, ému. J’espère que tu te comporteras bien là-bas et que tu auras la vie que tu mérites. Prends soin de toi, mon garçon.
Sur ces mots, il avait serré la main d’Ethan puis avait quitté la salle, laissant le jeune homme surpris, mais touché par ces paroles.
Cette ultime journée à l’orphelinat avait une saveur particulière. Ethan avait hâte de partir et découvrir le monde des sorciers. Mais d’un autre côté, il ressentait un pincement au cœur. Il allait abandonner ses amis et le lieu dans lequel il avait grandi ces douze dernières années. Il y avait de nombreux aspects qu’il détestait. Pourtant, c’était sa maison.
Il n’eut cependant pas l’occasion de passer sa matinée dans la mélancolie. À peine avait-il terminé son petit-déjeuner que sœur Constance l’avait, presque aussitôt, jeté dans une voiture. Elle devait l’accompagner en ville pour une séance de shopping.
— Tu ne croyais pas que l’on t’enverrait dans une école sans vêtements neufs ? s’était-elle amusée avec un grand sourire lorsqu’Ethan l’avait questionné sur la raison de l’escapade.
Il était ressorti avec deux larges sacs remplis d’habits ainsi qu’une énorme malle pour lui permettre de transporter ses effets personnels jusqu’à Castel-Lapis. Il était étonné que père Daniel ait pris la décision de dépenser l’argent de l’orphelinat pour lui, alors qu’habituellement même les anniversaires n’étaient pas fêtés.
La matinée était déjà bien avancée lorsqu’il fut de retour au refuge et il devait maintenant ranger ses nouveaux vêtements dans la valise. Il se permit de jeter quelques livres dans la malle. Ils ne lui appartenaient pas vraiment, mais de toute manière il était le seul à lire les ouvrages de la bibliothèque.
Sœur Constance vint, à nouveau, chercher Ethan afin de le prévenir qu’il devait se rendre au réfectoire pour son déjeuner. Celui-ci était désert quand il s’installa à table. Il était obligé de manger beaucoup plus tôt s’il voulait partir à l’heure.
Lorsqu’arriva le moment du départ, Ethan remonta les marches rapidement afin de s’assurer qu’il n’avait rien oublié dans sa chambre. Il eut un sentiment étrange. C’était la dernière fois qu’il mettait les pieds dans cette pièce. Il ne s’attarda pas, cependant, il entendait quelqu’un l’appeler au rez-de-chaussée.
Il descendit avec difficulté sa grosse malle dans les escaliers. Et découvrit avec mécontentement que sœur Madeleine était chargé de le conduire à destination. Celle-ci ne semblait pas s’émouvoir du départ d’Ethan. Elle le regardait d’un œil mauvais tandis qu’il tentait tant bien que mal d’introduire sa valise dans le coffre de la voiture.
Durant sa bataille avec celle-ci, sœur Constance et quelques-uns des pensionnaires s’étaient rassemblés pour dire au revoir à Ethan. Nadia s’avança, des larmes coulant sur ses joues. Elle sembla hésiter un instant avant de se jeter dans ses bras.
— Ce ne sera plus jamais pareil sans toi, sanglota-t-elle. Ne nous oublie pas, s’il te plait.
Ethan, la gorge serrée, n’eut pas la force de répondre. Il savait qu’il ne la reverrait certainement jamais. Tom vint aussi l’enlacer pour un câlin collectif.
— Prends soin de toi surtout, lui dit-il. Et pense à nous envoyer des lettres de temps en temps.
Ethan essuya vivement une larme qui faisait son apparition au coin de son œil droit avant d’acquiescer en silence.
Ses deux amis reculèrent et retournèrent au sein du groupe d’enfants.
— J’espère que tu seras heureux là où tu vas, déclara sœur Constance en enlaçant Ethan. En tout cas, tu vas beaucoup nous manquer.
Le reste des enfants présents ne répondirent rien et ne firent aucun signe amical. Ils semblaient être venus plus par curiosité que par réel attachement pour leur camarade.
— Eh bien, merci pour tout, leur dit Ethan qui n’était pas très doué pour les discours et qui n’aimait pas particulièrement les séparations. À bientôt, peut-être.
Il s’apprêtait à monter dans la voiture lorsqu’une voix l’interpella.
— Tu ne vas quand même pas t’en aller sans me dire au revoir, Thobois.
Tous s’écartèrent afin de laisser passer le nouveau venu. À son plus grand étonnement, Ethan vit approcher Cédric avec un large sourire. Mais ce n’était pas le rictus froid qu’il lui réservait habituellement. Non, il s’agissait-là d’un sourire sincère.
— Tu penses certainement que je me réjouis de te voir partir, débuta-t-il lorsqu’il fut arrivé à sa hauteur. C’était le cas ce matin, quand j’ai appris que tu quittais l’orphelinat.
Il était visiblement gêné et semblait hésiter à continuer.
— Puis, j’ai pris compris que je ne te reverrais plus.
— C’est donc pour ça que tu étais absent au petit-déjeuner ? Tu avais déjà commencé à fêter mon départ, répliqua Ethan en feignant l’indignation.
— Arrête tes bêtises, ricana Cédric.
Pour la première fois, ils avaient une conversation sans hostilité. Dommage que cela arrivait au dernier moment, pensa Ethan.
— Ce que je veux dire, c’est que j’ai pris conscience que je n’avais pas été quelqu’un de facile. J’ai été un peu dur avec toi et les autres.
— Un peu ? s’étrangla presque Ethan.
— Enfin… voilà. Je sais que ça ne change rien, mais je voulais te présenter mes excuses avant que tu partes.
Décidément, les choses allaient toutes dans la bonne direction. Voilà que même Cédric avait des remords maintenant qu’il partait. Cependant, Ethan ne pouvait pas oublier aussi simplement plusieurs années de harcèlement quotidien.
— Je ne peux pas te dire que je te pardonne, lui répondit-il sans détour. Mais j’apprécie quand même ce que tu viens de faire. Sois sympa avec les autres.
Il monta finalement dans la voiture. Il regarda, Tom, Nadia, sœur Constance et les enfants s’éloigner peu à peu avant de disparaître complètement. Il ne reverrait plus jamais l’orphelinat. Il avait rêvé ce moment depuis plusieurs années. Ce qu’il n’avait pas prévu, en revanche, c’était qu’il partait pour se rendre dans une école de magie dans un autre monde. À condition que tout soit vrai, évidemment.
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