6. Le roi des mers - 1/4

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  Ethan se réveilla peu avant midi. Il n’avait pas l’habitude de se lever aussi tardivement, mais il avait peu dormi. Avide de savoir ce qu’il apprendrait à l’école, il avait passé une bonne partie de la nuit à feuilleter ses manuels scolaires.

  Les livres qui le fascinaient le plus étaient ceux de sortilèges. Bien que les instructions étaient particulièrement complexes, un sorcier pouvait réaliser des prouesses extraordinaires. Il avait du mal à croire que d’ici quelques mois il serait capable d’allumer un feu ou encore de soulager la douleur grâce à sa magie.

  Ingrédients et potions magiques était sans aucun doute le moins difficile à comprendre. L’ouvrage décrivait de nombreux éléments ainsi que leurs propriétés. Il y avait également une importante liste de breuvages et la marche à suivre pour les fabriquer.

  Ethan était déçu qu’il n’y ait pas de livre d’Histoire de la magie. Il aurait aimé en apprendre plus sur ce nouvel univers qui s’offrait à lui. De plus, cela lui aurait peut-être permis de passer plus facilement inaperçu auprès des sorciers.

  Le navire levait l'ancre dans un peu plus d’une heure. Il ne fallait pas traîner. Il entreprit de ranger ses fournitures ainsi que le chaudron dans sa grosse malle et quitta la pièce.

— Vous avez passé une bonne nuit ? lui demanda l’aubergiste lorsqu’il se présenta pour remettre la clé de sa chambre.

— Oui, merci. Je peux prendre le repas ici même si j’ai rendu ma chambre ?

— Évidemment ! Allez vous asseoir, j’arrive tout de suite, s’exclama-t-il en filant en direction des cuisines.

  Ethan s’installa sur une table dans un coin de la salle. Il observa les balais et les chiffons magiques nettoyer la pièce. Lorsqu’ils eurent terminé, les tabourets se replacèrent d’eux-mêmes sur le sol. Quand on sonna midi, l’auberge commença à se remplir peu à peu.

  Peu de temps après, des verres, des assiettes et des pichets volaient dans tous les sens à travers la salle. L’aubergiste agitait sa baguette tel un maestro tandis que son cuisinier s’affairait à sortir les plats le plus rapidement possible. Ce véritable ballet fascinait Ethan.

  Il ne fut pas mécontent lorsqu’il vit arriver son plat même s’il manqua de se faire arroser par un pichet d’eau qui passait par là. Il se régalait. Le menu était certes simple, des pommes de terre sautées avec de la saucisse, cependant la nourriture était bien meilleure qu’à l’orphelinat.

  Il aperçut une jeune fille entrer dans l’auberge. Elle avançait lentement dans la pièce et semblait un peu perdue. Elle remarqua Ethan dans le fond et s’approcha avec un air ennuyé. Celui-ci put voir qu’elle était brune, la peau mate et qu’elle devait avoir plus ou moins son âge.

— Bonjour, je peux m’asseoir ? lui demanda-t-elle avec un sourire gêné. Il n’y a plus de table libre.

  Surpris, Ethan regarda autour de lui pour s’assurer qu’elle s’adressait bien à lui.

— Oui, je vais bientôt partir de toute façon, lui répondit-il finalement.

  Elle le remercia d’un léger hochement de tête et s’installa face à lui. Ne sachant pas s’il devait entamer la conversation, Ethan tourna son attention sur les personnes autour de lui. Pendant ce temps, l’étrangère s’était fait servir un curieux breuvage de couleur dorée qu’elle sirotait en l’observant de ses yeux verts.

— Tu pars en voyage ? l’interrogea-t-elle en remarquant la malle à côté de la table.

— On peut dire ça, je vais à Castel-Lapis.

  Le visage de la jeune fille s’illumina.

— Vraiment ? Moi aussi. J’ai hâte d’y être. Tes parents ne t’accompagnent pas ?

— Non, répondit simplement Ethan qui n’avait pas envie d’en dire plus.

— Les miens non plus. C’est peut-être mieux comme ça après tout, je n’aime pas les séparations. Et eux non plus d’ailleurs. Tu aurais dû les voir quand j’ai quitté la maison. Ma mère était inconsolable. Comment je suis censé partir moi après ?

  Ethan ne trouvait pas la compagnie de la jeune fille désagréable, néanmoins celle-ci se montrait particulièrement bavarde. L’heure défilait et il ne désirait pas prendre le risque de rater le départ.

— Enfin, je suis grande à présent, continua-t-elle. Je suis restée forte pour eux. Je ne me suis même pas retourné quand j’ai pris la route et pourtant j’en mourrais d’envie, tu peux me croire. Non, je suis partie la tête haute. Comme dit mon père, sois digne L…

— Excuse-moi, mais je dois y aller, la coupa Ethan le plus poliment qu’il le pouvait, je ne veux vraiment pas manquer le bateau.

  Déstabilisée, elle ouvrit la bouche pour répliquer puis la referma aussitôt. Elle but une gorgée de son étrange mixture dorée avant d’afficher un sourire décontracté.

— Je vais terminer ma boisson, annonça-t-elle nonchalamment. J’imagine qu’on se recroisera.

  Ethan lui répondit avec un signe de la main avant de prendre la direction de la porte avec sa malle à ses côtés. Il remercia l’aubergiste en passant puis sortit dans la rue.

  À l’extérieur, la météo était idéale pour voyager. Le soleil était au rendez-vous et une légère brise rafraichissait l’air de temps en temps. Ethan gardait quand même un pull sur ses épaules. Il préférait être prudent. Une fois sur l’eau, la température serait peut-être moins agréable.

  Le bateau quittait le quai dans une quinzaine de minutes, il n’y avait pas de temps à perdre. Il s’orienta facilement et revint sur le port. Il repéra rapidement le navire qu’il devait emprunter. Il faut dire qu’il était difficile de le rater. Au loin, il pouvait déjà distinguer des passagers monter à bord.

  Il essayait de se frayer un chemin dans l’épaisse foule en tirant derrière lui son énorme malle, pourtant plus il avançait, plus l’immense vaisseau semblait s’éloigner. Ethan se retrouva à nouveau face à l’homme qui transportait les poules violettes. Il tâcha de l’éviter, mais se prit les pieds dans sa propre valise et bouscula quelqu’un.

— Excusez-moi, dit-il précipitamment. Je ne vous avais pas vu.

  C’était un adolescent qui devait sensiblement avoir le même âge qu’Ethan. Il avait les yeux bruns, le nez un peu écrasé et dépassait Ethan d’une bonne tête. Il n’eut pas vraiment le temps de l’observer davantage puisque la foule continuait d’avancer en tous sens.

— Pas de soucis, assura le garçon en lui adressant un grand sourire.

  Ethan lui rendit un rictus gêné et poursuivit sa traversée du quai avant que quelqu’un le bouscule. Quelques minutes plus tard, il arriva enfin à l’endroit où les gens faisaient la queue pour monter à bord du bateau.

  Près de la passerelle, un petit homme à moitié dégarni et à l’apparence miteuse laissait passer les passagers un par un.

— Vous avez un billet, jeune homme ? demanda le contrôleur d’une voix rocailleuse quand ce fut au tour d’Ethan.

  Ce dernier ouvrit des yeux ronds. Hendrick ne lui avait pas précisé qu’il fallait un billet pour voyager.

— Non, je vais à Castel-Lapis, balbutia-t-il piteusement.

— C’est normal que vous n’en ayez pas dans ce cas. Je vous souhaite une agréable traversée, dit-il en dévoilant un sourire édenté et en lui montrant la passerelle de la main.

— Merci, répondit Ethan à moitié étonné par sa chance.

  Il tira sa grosse malle derrière lui avec difficulté et traversa cette dernière.

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