6. Le roi des mers - 4/4
— Pardon ? répliqua Ethan un peu sur la défensive alors que le garçon venait se placer à côté de lui.
— Tu ne vas pas à Castel-Lapis ? l’interrogea ce dernier en l’observant avec ses yeux noisette.
— Si, mais j’ignorais qu’il fallait en mettre une dès maintenant. Elles sont dans ma valise.
— Reste pas planté là alors, s’exclama-t-il. Allez, viens, on va la chercher.
Il commença à s’éloigner avant de constater qu’Ethan ne le suivait pas. Ce dernier essayait de se souvenir si Nate portait sa robe de sorcier quand il l’avait rencontré.
— Suis-moi, lui intima-t-il. Tu n’as pas envie d’être le seul à ne pas la porter, crois-moi.
Il n’avait pas tort. Ethan ne tenait absolument pas à être remarqué dès son premier jour.
— Enfin, entre nous, tes parents auraient pu te prévenir, lui lança le garçon tandis qu’ils arrivaient au niveau du couloir.
— Eh bien…
— Maintenant que j’y pense, le coupa le jeune homme, je ne les ai pas vu avec toi sur le port quand on s’est bousculés.
— Non, ils ne peuvent pas.
— Pourquoi ?
— Je suis orphelin, lui apprit simplement Ethan.
Le garçon eut un sourire hésitant, dévoilant une cicatrice sur sa lèvre inférieure qui avait blanchi avec le temps.
— Tu me fais marcher ?
— Ce ne serait pas une blague très drôle.
— Oh. Je suis désolé, se fondit-il en excuse. C’est que… tu m’annonces ça de manière si légère.
— Disons que j’ai l’habitude depuis le temps. Je n’ai jamais connu mes parents. Enfin, même si j’en avais, ils n’auraient pas pu me suivre.
— Pourquoi ça ? s’enquit le garçon alors que les grilles de l’ascenseur s’ouvraient pour les laisser passer.
— Je viens du monde des humains, lâcha Ethan.
Il s’en voulut aussitôt. Il ne savait pas ce qui lui avait pris de dévoiler son secret à un parfait étranger, aussi sympathique soit-il. Ethan n’avait aucune envie d’être rejeté et ne souhaitait certainement pas que l’information circule. Néanmoins, il n’en fut rien. Le garçon eut la réaction la plus logique qui soit, il éclata de rire.
— Ce coup-ci c’est sûr tu te fous de moi, s’esclaffa le jeune homme.
Au point où j’en suis, autant tout avouer, songea Ethan.
— Je suis sérieux, lui assura-t-il en le regardant droit dans les yeux. Un professeur est venu me voir dans mon orphelinat pour m’expliquer que j’étais le premier sorcier humain depuis des lustres et que j’étais accepté à Castel-Lapis. Je dois admettre que je n’en sais pas beaucoup plus.
— C’est complètement dingue, souffla le garçon en détournant les yeux après un long silence. Alors, tu ne connais rien du monde magique ?
— Non, avoua honteusement Ethan.
— Pour tout te dire, je ne sais pas si c’est très différent du tien. Je ne suis jamais allé dans le monde des humains. Mais à Castel-Lapis, tu auras tout le temps d’apprendre à le connaître. Je t’aiderai si tu as des questions.
Les grilles de l’ascenseur s’écartèrent à nouveau et ils se retrouvèrent dans la salle des valises. Ethan repéra rapidement sa malle et l’ouvrit, à la recherche de l’une de ses robes de sorcier.
— Au fait, je m’appelle Derek, lança le garçon tandis que son futur camarade s’habillait, Derek Rhiwen.
— Moi c’est Ethan Thobois. Encore désolé de t’avoir bousculé tout à l’heure sur le quai. Ce n’est pas facile de se déplacer avec ce gros machin.
Ethan n’avait pas l’habitude de revêtir ce genre de tenues, pourtant la robe de sorcier était très agréable à porter et surtout, très légère. Ils firent demi-tour et retournèrent vers l’endroit où ils s’étaient rencontrés.
— Au fait, comment as-tu fait pour venir dans notre monde ? demanda Derek avec curiosité.
— J’ai dû emprunter un portail magique pour arriver jusqu’au port, lui raconta Ethan. J’étais accompagné par un sorcier qui travaille au gouvernement.
— Un portail magique ? Trop génial ! s’exclama Derek tout excité. Je n’ai encore jamais eu l’occasion d’en prendre un. Alors, c’est comment ?
— L’entrée et la sortie du portail ne sont pas vraiment agréables. Après, c’est… comme un tunnel, mais il n’y avait aucun mur et les sons semblaient légèrement étouffés, tenta d’expliquer Ethan du mieux qu’il pouvait. J’étais dans le noir complet et je devais avancer jusqu’à la lumière devant moi pour sortir.
— Un peu comme si tu venais de mourir et que tu devais continuer vers la lueur pour atteindre le paradis, sauf que là tu es vivant. Mouais, ça a l’air nettement moins amusant que ce que je pensais, lâcha Derek après s’être imaginé la chose.
— D’après la personne qui m’a accompagné, tous ne sont pas aussi vides que celui que j’ai emprunté. Attends… Chez les sorciers aussi il y a cette histoire de paradis et d’enfer ? s’étonna Ethan.
— Bien sûr. Après tout c’est normal, les dieux ne courent pas les rues. C’est plutôt logique que nous connaissions les mêmes.
Il y eut un silence qu’Ethan ne mit pas longtemps à rompre.
— Alors, tu as une marque de sorcier ? demanda-t-il.
Derek acquiesça et remonta la manche droite de sa robe de sorcier. Sur son avant-bras se trouvait un cercle légèrement aplani, traversé par deux traits.
— Comment est la tienne ? s’intéressa Derek.
— Je n’en ai pas, déclara Ethan un peu honteux.
— Tu n’as pas de marque et tu viens de chez les humains, tu es sûr qu’ils ne se sont pas trompés à ton sujet ?
— Je ne sais pas, avoua Ethan avec un haussement d’épaules. Pourtant, j’ai réussi à emprunter le portail magique.
— Oui, ce n’est pas faux.
Ils continuèrent à discuter durant une vingtaine de minutes. Ethan était très curieux d’en savoir davantage sur l’univers magique et Derek. Par chance, c’était réciproque. Ce dernier était tout aussi intrigué par le monde des humains. Ethan ne connaissait ce jeune garçon que depuis peu, mais il le trouvait très sympathique.
Puis, une voix de femme, bien différente de celle qui provenait de l’ascenseur, sortit de nulle part et retentit.
— Votre attention s’il vous plaît. Vous approchez de Gerva. Ce message s’adresse à tous les futurs élèves de Castel-Lapis. J’espère tout d’abord que vous avez passé un agréable voyage. Vous allez devoir patienter une bonne heure avant de faire vos premiers pas dans notre école, car votre petite excursion ne touche pas encore à sa fin.
La voix fit une pause puis reprit.
— Vous êtes priés de laisser vos affaires à l’intérieur du navire, quelqu’un viendra les chercher pour vous et les transportera jusque dans vos chambres respectives. Lorsque vous serez arrivés à quai, veuillez-vous rassembler au centre du village, près de la statue de Kendrick Gerva. Une personne de l’école viendra à votre rencontre pour vous conduire à Castel-Lapis. Merci de votre attention.
Le silence créé par l’intervention de la voix se rompit dès lors qu’elle se fut tue. Derek tapota l’épaule d’Ethan, qui sursauta, et s’exclama en montrant quelque chose du doigt :
— Regarde, il y a un village là-bas, ce doit être Gerva.
Ethan tourna son regard vers la chose que pointait Derek et vit la bourgade qui approchait au fur et à mesure. Le lieu faisait pâle figure à côté d’Eterna. Il s’agissait d’un hameau avec un port miteux fait de vieilles planches de bois, c’était un miracle que ce dernier ne se soit pas effondré. Peut-être était-il soutenu par la magie ?
De petites échoppes se trouvaient également là et une colossale main de pierre dépassait au-dessus du toit des maisons. Ce devait être la statue. À la droite du village, se tenait une immense forêt, où la lumière avait du mal à pénétrer. Plus étrange encore, elle semblait carrément la fuir. Cette forêt était loin d’avoir l’air accueillante.
Le navire ne tarda pas à accoster. Les matelots, qu’Ethan voyait pour la première fois du voyage, hissèrent, à nouveau, la passerelle et les passagers descendirent les uns après les autres.
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