7. Le château dans la montagne - 2/4

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  Ils continuèrent à avancer vers la forêt et arrivèrent enfin au quai, où les attendait un train qui dégageait un énorme panache de fumée noire. Il était de couleur ivoire comme le paquebot, ce qui créait un véritable contraste avec la silhouette inquiétante des arbres qui s’étendait derrière. Il avait l’air d’être en service depuis de nombreuses années. Les ombres dansantes de la flamme de la torche se déployaient sur le train, donnant à Ethan un étrange sentiment de calme. Il se sentait bien plus en sécurité.

  Le quai, lui, était en réalité une simple élévation du niveau de la terre qui permettait d’accéder plus facilement aux marches de l’appareil. Namirion fit signe à Ethan et Derek de s’arrêter et se retourna.

— Mais… vous n’êtes que deux ? demanda-t-il en fronçant les sourcils. Il me semblait avoir été clair en stipulant qu’il fallait vous mettre par groupe de quatre.

  Ethan et Derek échangèrent un bref regard puis ce dernier lâcha d’un air convaincant :

— On est quatre, mais ils ont préféré rester en arrière pour faire connaissance avec les autres.

— Oh, très bien, répondit Namirion pensif en jetant, à nouveau, un œil à sa montre. Allez-y alors, ils finiront bien par vous rejoindre.

  Les deux garçons eurent un sourire complice et montèrent les marches du train. Ils traversèrent le corridor éclairé par de petites lanternes et pénétrèrent à l’intérieur du compartiment qui semblait, selon eux, le plus spacieux. Les autres élèves approchèrent à leur tour quelques secondes plus tard. Une voix familière parvint jusqu’aux oreilles d’Ethan.

— Je ne pense pas que nous trouverons un compartiment à ce rythme. Regarde, tout est complet.

— Mais si, répondit une fille agacée. Et si ce n’est pas le cas, nous resterons dans le couloir, ce n’est pas un drame. Le plus important, c’est d’arriver à bon port.

  Quelques secondes plus tard, Nate et la jeune fille qu’il avait déjà rencontré, le matin même dans l’auberge, arrivèrent devant la porte du compartiment. Nate l’ouvrit et demanda timidement :

— Oh, c’est toi Ethan. Vous n’êtes que deux ? Ça ne vous dérange pas si l’on se joint à vous ?

— Pas du tout, allez-y, répondit ce dernier avec un sourire.

  Ils entrèrent dans le compartiment et s’installèrent face aux deux garçons. Nate semblait avoir bien meilleure mine que sur le paquebot.

— Donc tu t’appelles Ethan ? C’est drôle qu’on se retrouve aussi vite. Moi c’est Leah. On s’est croisé ce matin dans une auberge, expliqua-t-elle à Nate et Derek. Nous n’avons pas pu discuter longtemps malheureusement puisque c’était bientôt l’heure du départ. Voilà une nouvelle chance de faire connaissance.

  Derek lança un regard amusé à Ethan. Leah paraissait tout aussi loquace qu’à leur rencontre.

— Je m’appelle Derek, déclara-t-il simplement.

  Leah semblait sur le point de prendre à nouveau la parole, mais Derek tourna plutôt son attention sur son voisin.

— Et toi aussi tu connais Ethan ? Comment tu t’appelles ?

— Nate, répondit-il en se redressant sur son siège. On s’est rencontré plus tôt sur le bateau. J’étais en train de… peu importe.

— Vous habitez où ? s’intéressa Leah.

— À Grand-Duc, pas très loin de Farhaven, dévoila Derek. Ce n’est pas très grand comme village, mais c’est plutôt sympa.

— Je viens d’Herbane, annonça simplement Nate.

— Ce n’est pas la porte à côté, dis donc, s’exclama Leah impressionnée. Tu as dû faire un sacré voyage. Et toi, Ethan ?

— Euh… C’est compliqué. Et un peu long à expliquer, répondit-il soudainement mal à l’aise.

— C’est parfait alors, répliqua-t-elle joyeusement tandis que le train se mettait en marche. On n’est pas encore arrivés.

  Ethan ne tenait pas à ce que toute l’école soit au courant qu’il provenait du monde des humains. Pourtant, il avait une étrange sensation. La même qui l’avait poussé à tout raconter à Derek. Il ne se l’expliquait pas, mais il avait l’impression qu’il pouvait avoir confiance en Nate et Leah, bien que cette dernière soit si bavarde.

  Il leur apprit alors qu’il venait du monde des humains. Il leur relata son enfance à l’orphelinat et comment il avait su qu’il était un sorcier, sa réaction en le découvrant et comment il s’était ensuite rendu jusqu’à Eterna en empruntant un portail magique en compagnie de Hendrick. Cependant, il décida qu’il était préférable de garder la partie concernant l’étrange orbe pour lui.

  Tous avaient écouté avec attention, même Derek qui connaissait déjà un morceau de l’histoire. C’est Leah qui, sans surprise, brisa le silence la première.

— Mais tu dois être le premier sorcier à être né comme ça depuis plusieurs siècles, s’extasia-t-elle après qu’Ethan eut fini de leur raconter.

— Le premier depuis des millénaires, d’après le professeur Tarr, acquiesça Ethan.

— Tu dois sans doute être très puissant, murmura Derek, impressionné. Je veux dire, si c’est tellement rare, ça doit forcément avoir une signification, non ?

— Aucune idée. Je n’ai même pas de marque qui prouve que je suis un sorcier.

— Ça ne veut rien dire, le rassura Leah. Même si tu n’as pas de marque, tu as réussi à emprunter le portail magique, ce n’est pas rien. Peut-être que tu n’auras jamais de marque pour ce que l’on en sait.

— Le gouvernement et Castel-Lapis ont fait beaucoup d’efforts pour te retrouver. Je ne pense pas qu’ils auraient pris la peine de faire tout ça s’ils n’étaient pas sûrs et certains que tu sois un sorcier, releva Nate qui était resté silencieux jusqu’ici.

— Il n’a pas tort, renchérit Leah.

— Dans tous les cas, tu seras bientôt fixé, trancha Derek.

— En attendant, si vous pouviez ne pas en parler aux autres élèves, leur demanda Ethan, je n’ai pas envie que toute l’école soit au courant.

— Nous ne dirons rien, assurèrent Nate et Derek d’une même voix.

— Moi aussi, promit Leah. Mais ton histoire ne va pas rester secrète très longtemps, tu sais.

— Pourquoi ça ? l’interrogea Ethan avec inquiétude.

— Ce n’est qu’une question de temps. Il suffit qu’un des élèves connaisse quelqu’un qui travaille au gouvernement et que cette personne ait eu vent de ton existence pour que l’information commence à circuler. Et puis, il ne faut pas croire, même les professeurs discutent entre eux et certains élèves sont très doués pour découvrir les derniers potins et s’empresser de les raconter à tout le monde.

— Elle a raison, admit Derek. Quoi qu’il en soit, la fuite ne viendra pas de nous. Tu peux en être certain.

  La discussion était close, ce qui n’était pas pour déplaire à Ethan. Leah ne tarda pas à trouver un autre sujet de conversation. Elle s’était lancée sur la présentation de tous les membres de sa famille, ce qui semblait particulièrement la passionner. Elle parlait tellement que les garçons devaient se contenter de l’écouter.

  Elle décrivait son troisième oncle maternel lorsque Ethan qui regardait par la fenêtre du train remarqua que le paysage défilait de plus en plus lentement devant ses yeux.

— J’ai l’impression qu’on ralentit, dit-il en détournant son regard.

— Enfin, s’exclama joyeusement Derek. Je commençais justement à avoir faim.

— Je ne suis pas certaine que nous allons manger tout de suite, lui fit savoir Leah d’un ton sérieux. On nous fera peut-être la visite de l’école ou la répartition des classes. Et puis, j’espère aussi qu’ils vont activer nos marques rapidement. J’ai hâte d’essayer certains sortilèges que j’ai vus dans les manuels.

— Oh non, ça va repousser l’heure du repas, gémit Derek.

— Mais tu ne penses vraiment qu’à manger, répliqua sèchement Leah. Tu ne crois pas que connaitre ta classe soit plus important que de te remplir le ventre ?

— Pas vraiment, lui répondit-il avec un sourire.

  Ethan et Nate pouffèrent de rire. Il y eut une secousse puis la porte du compartiment s’ouvrit d’elle-même. Ils sortirent dans le couloir. Les autres élèves faisaient de même et commençaient à descendre du train.

— Je crois que nous sommes enfin arrivés, déclara Derek.

— Tu es très perspicace, lui lança Leah avec le même sourire qu’il lui avait lancé peu de temps avant.

— Je te remercie de le constater, répliqua-t-il avec amusement. Je pourrais presque t’apprécier si tu ne parlais pas autant.

  Leah lui lança un regard noir et quitta le train sans demander son reste.

— Elle est susceptible dis donc, s’étonna Derek en haussant les épaules.

— Ce n’était pas très gentil de lui dire ça, lui fit remarquer Ethan.

— Mais c’est vrai qu’elle parle beaucoup, admit Nate.

  La nuit tombait lorsqu’ils descendirent du train et rejoignirent les autres élèves qui attendaient près de Namirion.

— Tout le monde est là ? demanda ce dernier.

  Le train siffla trois fois puis continua sa route en suivant la voie ferrée.

— J’imagine que ça veut dire oui. Bien, allons-y, nous ne sommes plus très loin.

  Le groupe s’organisa en file indienne, deux par deux. Ils s’engagèrent sur un petit sentier de terre qui longeait l’orée de la sinistre forêt et marchèrent une dizaine de minutes avant d’apercevoir un panneau de bois qui indiquait « DANGER : Ruines droit devant, ne pas approcher ».

— Ne faites pas attention à la pancarte, leur signala Namirion. Nous y sommes presque.

— C’est une blague ? s’exclama un des élèves quelques instants plus tard.

  Devant eux s’étendait un grand plateau rocailleux. Pas la moindre trace de vie. Quelques arbres se trouvaient là, mais ils étaient tous dépourvus de feuilles.

  Au loin s’élevait un immense pic, étonnamment droit et lisse, qui paraissait aussi inhospitalier que la forêt. De l’endroit où ils se situaient, le sommet semblait se perdre dans les nuages. Et au beau milieu du pan rocheux se tenaient les ruines d’un vieux château. Celui-ci avait l’air à moitié avalé par la montagne, seules quelques tours dévastées pointaient le nez hors de la pierre.

  Ethan s’était attendu à être surpris en découvrant Castel-Lapis et le moins que l’on pouvait dire c’est qu’il était complètement stupéfait. Lui qui pensait trouver un établissement prestigieux faisait face à de véritables vestiges antiques.

  Namirion se tourna vers le groupe, qui avait perdu son sourire et était devenu silencieux, ouvrit grand les bras et déclara joyeusement.

— Bienvenue à Castel-Lapis !

  Seul le vent qui s’engouffrait dans les branches des vieux hêtres de la forêt lui répondit.

— Ne faites pas les timides, s’exclama-t-il avec amusement. Allez, venez.

  Il fit un pas en arrière et à la surprise générale, il se volatilisa. Tous se regardèrent avec stupéfaction puis la voix étouffée du surveillant s’éleva.

— Avancez, je vous prie. Nous sommes attendus, vous savez.

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