8. Un dîner somptueux - 3/4
— J’habite à Retralie, leur apprit Emma Everdon, c’est seulement à une centaine de kilomètres de Gerva et pourtant je n’avais jamais soupçonné que j’étais aussi proche de Castel-Lapis.
— C’est normal, renchérit un garçon nommé Evan Jace. Tu ne crois quand même pas qu’ils vont dire à tout l’univers où se trouve l’école. Ils se feraient harceler par tous les sorciers sinon.
Evan était très avenant. C’était un grand brun, bien bâti. S’il avait vécu dans le monde des humains, il aurait sans nul doute fait partie de l’équipe de sport du collège. Ethan ne le connaissait que depuis quelques minutes, mais il devait admettre qu’il était difficile de ne pas se sentir à l’aise à côté de ce garçon aux yeux rieurs.
— Et ceux qui essaieraient de rentrer de force dans l’école auraient aussitôt fait de se cogner contre les enchantements qui protègent Castel-Lapis, ajouta Nate.
Ethan jeta un coup d’œil à sa marque de sorcier, qui le picotait toujours, sous le regard inquisiteur de Leah. Il lui sourit pour la rassurer puis demanda :
— Vous avez une idée des cours que nous allons avoir ?
— Aucune idée, lâcha Evan.
— Bonne question, renchérit Emma.
Tous réfléchissaient aux cours auxquels ils pourraient possiblement assister. Ethan se rappela les paroles du professeur Tarr et supposa :
— Le professeur nous a dit qu’il nous enseignerait la magie élémentaire. Je me demande ce que c’est…
— Si c’est élémentaire, c’est peut-être juste de la magie de base, déclara Emma. Rien de bien complexe.
Isabella, la deuxième année assise à côté d’Ethan, eut un petit rire. Tous se tournèrent vers elle.
— Explique-nous au lieu de te moquer, lui lança Emma en fronçant les sourcils.
— Je pourrais, dit-elle avec un sourire amusé. Mais à quoi bon gâcher la surprise ? Et puis, vous le saurez bien assez tôt.
— Je suis tout à fait d’accord, renchérit Erik un élève de deuxième année assis face à Isabella. Vous allez recevoir vos emplois du temps demain matin, vous découvrirez les matières que vous aurez à ce moment-là.
— Mais maintenant que vous savez que vous allez avoir des cours de magie élémentaire, je peux vous donner un indice, admit Isabella.
Tous s’avancèrent pour écouter ce qu’elle avait à leur apprendre.
— En fait, expliqua-t-elle, c’est assez simple à comprendre. Il s’agit de la magie des éléments.
— Les éléments ? répéta Evan.
— Oui, les éléments, répéta-t-elle comme si c’était évident.
— Mais quels éléments ? insista-t-il.
Isabella sourit aimablement tandis qu’Erik les encourageait :
— Allez, réfléchissez un peu par vous-même. Creusez-vous la cervelle. Tout ne vous sera pas servi sur un plateau d’argent comme au banquet.
De son côté, Ethan essayait de se remémorer tous les ouvrages qu’il avait parcourus la nuit dernière à l’auberge et tâchait de se rappeler quelque chose d’utile. Il leva soudainement la tête et tenta :
— La terre, l’eau, l’air et le feu ?
— Il semblerait que quelqu’un parmi vous ait déjà commencé à lire ses livres de cours, dit Erik avec un sourire. Vous feriez mieux de prendre exemple sur lui, les cours vont commencer fort.
Derek lança un regard surpris à l’adresse d’Ethan. Il savait qu’il n’avait ses fournitures scolaires que depuis la veille et se demandait certainement comment il avait pu retenir cette information. Ethan lui répondit par un simple haussement d’épaules.
— Vous pouvez nous en dire plus ? réclama Leah à l’adresse d’Erik et Isabella.
Cette dernière eut une nouvelle fois un sourire amusé qui flotta sur ses lèvres.
— Encore une fois, dit-elle, nous pourrions. Mais nous ne le ferons pas.
Les premières années hochèrent la tête, visiblement déçus, mais ne le restèrent pas longtemps. Les lutins faisaient à nouveau irruption dans la salle, les bras chargés de desserts qui semblaient tous plus délicieux les uns que les autres.
Devant eux se trouvaient à présent, fruits, glaces, tartes à tous les fruits possibles et imaginables et gâteaux en tout genre. Ethan n’avait plus très faim, il s’était bien rempli l’estomac grâce aux plats, mais il voulait faire honneur aux desserts et décida alors de se servir un morceau de tarte à la fraise ainsi qu’une généreuse portion de glace à la myrtille.
— J’ai vu les mêmes petites créatures à Eterna hier, apprit Ethan à Nate une fois qu’ils eurent quitté la pièce.
— Ah bon ? s’enquit ce dernier.
— Ché’as ‘ossib, croassa Erik la bouche emplie de glace.
— On n’a rien compris, lui fit savoir Derek.
— Ce n’est pas possible que tu les aies vus à Eterna, répéta-t-il une fois sa bouchée terminée.
— Si, si je t’assure. Ils discutaient avec une dame et ils ont disparu d’un coup, insista Ethan. Il me semble aussi que j’en ai aperçu un autre dans l’auberge où j’ai passé la nuit.
— C’est bien ce que je dis. Ce ne sont pas les mêmes lutins.
— Pourquoi tu le contredis ? S’il te dit qu’il en a vu, c’est qu’il en a vu, répliqua Derek avec mécontentement.
— Vous sortez de quel coin paumé ? répondit Erik avec amusement. Je m’explique.
Il repoussa son assiette pour se rapprocher un peu.
— Pour peu que j’en sache, il existe plusieurs types de lutins. Ceux qui se trouvent au château sont des lutins bossus. Ils sont facilement reconnaissables avec leurs bonnets rouges. Ils ne sont pas très intelligents, mais très aimables. On les rencontre généralement dans des lieux importants, car ils adorent travailler en groupe.
— C’est vrai que ceux que j’ai vus n’avaient pas de bonnets rouges, admit Ethan. Ils portaient des gilets jaunes.
Erik hocha la tête avec un sourire avant de reprendre.
— Les lutins que tu as aperçus sont appelés les lutins volants. Ils endossent en effet une veste jaune et sont beaucoup plus intelligents que leurs cousins. C’est eux qui gèrent de bout en bout le système postal. Une tâche qui leur convient à merveille puisqu’ils ont la capacité de se téléporter n’importe où, même s’ils n’ont jamais vu le lieu où ils souhaitent se rendre. Tout ce qu’il leur faut, c’est une adresse. Et tu as eu de la chance d’en voir, car ils travaillent si rapidement que la plupart du temps on ne les aperçoit jamais.
— C’est beaucoup plus clair maintenant, merci, professeur, lui lança ironiquement Derek.
— Je suis surpris que vous ignoriez ça, répliqua-t-il sereinement. N’importe quel sorcier sait ces choses-là normalement.
Lorsqu’Ethan termina son assiette et que les plats furent ramenés en cuisine par la joyeuse armée de lutins bossus, la fatigue commença à le rattraper. Il n’avait maintenant qu’une seule envie, celle de quitter le banquet afin d’aller dormir. Alors que Nate portait son gobelet à ses lèvres, il disparut. Son air stupéfait fit rire les élèves assis proche de lui. Foubadil se leva à nouveau et le silence se fit.
— J’espère que vous avez apprécié ce festin, que vos estomacs ronronnent de plaisir et que vous ne rêvez à présent que d’un lit douillet dans lequel vous laisser porter sur le doux rivage des songes.
— Je ne te le fais pas dire ! renchérit Derek en bâillant à s’en décrocher la mâchoire.
— Je dois cependant prévenir les premières années que ces banquets ne se produisent qu’à de rares occasions dans l’année, continua-t-elle. Lors de la rentrée, avant les vacances de Noël, après les examens de fin d’année et si jamais nous organisons un petit événement. Le reste du temps, vous vous rendrez dans vos salles communes respectives où vous mangerez entre vous. À présent, je vous souhaite à tous une agréable nuit et je laisse nos nouveaux arrivants entre les mains de nos surveillants.
Elle se rassit et échangea quelques mots avec le professeur Tarr, installé à sa droite. Le vacarme des étudiants se levant de leurs bancs ne se fit pas attendre. Les cinquièmes et sixièmes années commençaient déjà à quitter la salle du banquet. Isabella et Erik se levèrent à leur tour et rejoignirent leurs classes respectives. Bientôt, il ne resta que les élèves de première année qui ne savaient visiblement pas où se rendre.
— Allez, suivez-nous les premières années, dit une femme blonde d’une trentaine d’années au regard sévère derrière ses lunettes carrées.
Elle s’était approchée de leur table sans un bruit, en compagnie d’un homme qui devait sensiblement avoir le même âge qu’elle et qui ne semblait pas dans son assiette. Il avait les yeux tristes et la peau d’une pâleur presque cadavérique. Seuls ses cheveux roux et ses taches de rousseur donnaient un peu de couleur à son visage. En approchant d’eux, il avait observé Namirion avec surprise.
Ethan remarqua que ce dernier était accompagné d’une petite femme brune et s’était dirigé vers la table des élèves de Pyro. Dommage, les surveillants les plus sympathiques ne semblaient pas être pour eux.
Un rang se créa aussitôt, Ethan se trouvait en tête de file avec Leah et Nate, derrière les surveillants qui sortirent de la grande salle et prirent la direction de l’imposant escalier de marbre.
— Comment est-ce que l’on doit vous appeler ? demanda Nate à l’adresse du rouquin.
— Moi c’est Justin, déclara-t-il mollement. Et elle, c’est Aubépine.
Ethan échangea un regard amusé avec Leah.
— Je peux savoir ce qui te fait rire ? lui lança Aubépine d’un ton cinglant.
— Rien, rien, assura Ethan d’un air innocent. C’est juste que ce n’est pas commun comme prénom.
Elle ne semblait pas convaincue par la réponse et reprit la parole.
— Notre travail en tant que surveillant est…
— Attendez ! s’écria quelqu’un derrière eux.
Le groupe se retourna d’un même mouvement. Namirion courait en direction des élèves d’Hydro en faisant de grands signes. Au lieu de le contourner, il tentait de se frayer un chemin, à l’intérieur du groupe, en s’excusant à de nombreuses reprises pour atteindre ses deux collègues.
— Je suis désolé, déclara-t-il avec un rire gêné. Il semblerait que je me sois trompé de clan. C’est toi, Justin, qui t’occupes de Pyro cette année. J’avais oublié.
— C’est bien ce qu’il me semblait, répliqua ce dernier en levant les yeux au ciel avant de partir en direction de la salle de banquet.
— Comme je le disais avant d’être interrompue, reprit Aubépine en faisant les gros yeux à Namirion, notre travail en tant que surveillant est de faire respecter le règlement de l’école hors des salles de cours. Nous supervisons Hydro, mais cela ne veut pas dire qu’un surveillant de Pyro ne peut pas vous sanctionner et inversement.
— Ce soir, nous serons également vos guides, continua Namirion d’un air confiant comme s’il ne s’était rien passé. Le château est grand et nous savons qu’il peut être difficile de s’y repérer.
— Soyez attentifs, les avertit Aubépine, nous vous guiderons seulement aujourd’hui. À partir de demain, il faudra vous débrouiller par vous-même.
Annotations
Versions