9. Des débuts difficiles - 4/4

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  La journée de cours touchait bientôt à sa fin. Le seul obstacle qui séparait Ethan du week-end était le cours d’altération. Il en avait longuement discuté avec Nate et Anna, mais aucun ne semblait savoir plus que lui ce qui les attendait dans ce cours. Derek désirait une chose cependant : utiliser enfin la magie.

  La salle était aménagée de manière identique à la précédente, à quelques exceptions près. Un large tableau noir sur pied trônait sur une estrade, le bureau du professeur avait été remplacé par un pupitre et, chose étonnante, non loin de celui-ci était couché un imposant loup gris avec une importante balafre lui parcourant l’œil gauche. Celui-ci leva la tête lorsque les premiers étudiants firent irruption dans la pièce.

  Sur le pupitre se trouvait un petit cube en carton. Les élèves s’installèrent en observant le canidé avec méfiance et attendirent l’arrivée du professeur en silence. Pourtant, les minutes défilaient et ce dernier ne semblait pas vouloir se montrer.

— Depuis combien de temps on l’attend ? demanda Jill.

— Bientôt dix minutes, répondit Ethan en jetant un coup d’œil à sa montre.

— Vous pensez qu’il faut que nous allions prévenir quelqu’un ? s’enquit Mary. Il a peut-être oublié qu’il avait cours.

— On ferait mieux de patienter un peu, jugea Emma, on va passer pour des idiots si on s’affole pour un peu de retard.

  Cinq autres minutes s’écoulèrent, mais toujours aucune trace d’un quelconque professeur. Tout le monde commençait à s’agacer et le cube sur le lutrin en intriguait plus d’un. Derek se pencha vers Ethan :

— Tu penses que c’est quoi ce truc sur le pupitre ? lui demanda-t-il en chuchotant.

— Aucune idée, avoua Ethan, on dirait un genre de cube.

— Tu n’as pas envie de venir voir ce que c’est avec moi ?

— Mais… et s’il arrive ? s’inquiéta Ethan.

— Il n’est pas là pour l’instant, l’encouragea Derek. Si on fait vite, nous serons de retour à nos places avant même qu’il arrive.

  Ethan réfléchit un instant. Il posa les yeux sur la boite, puis sur la porte et lâcha :

— On se dépêche alors !

  Ils bondirent de leurs chaises, traversèrent les quelques rangées de tables et approchèrent de l’estrade. Les autres élèves avaient interrompu leurs discussions et observaient, à présent, Ethan et Derek avec intérêt. Ils grimpèrent les marches de la plate-forme et arrivèrent face au pupitre sous l’œil attentif du loup gris qui ne semblait pas vouloir les dissuader d’avancer. À première vue, il ne s’agissait que d’un simple cube en carton.

  Ils échangèrent un bref regard et Ethan tendit la main vers l’objet pour le prendre. Avant qu’il ait pu l’atteindre, un glapissement horrifié parcouru les élèves face à lui.

— La curiosité est un très vilain défaut jeunes gens, dit une voix profonde dans leur dos.

  Ethan et Derek se retournèrent lentement et constatèrent avec stupéfaction qu’à l’endroit où se tenait le loup, se trouvait à présent un imposant homme chauve, particulièrement barbu et affublé de la même cicatrice que le canidé, au niveau de ses yeux de couleur sombre.

— Vous me décevez. Regagnez vos sièges.

  Derek semblait sur le point de répliquer, mais Ethan l’en empêcha en le tirant loin de l’estrade.

— Ce n’est pas le moment de l’ouvrir, lui dit-il une fois assis. Tu vois bien qu’il n’a pas l’air de rigoler.

— Bonjour et bienvenue à votre tout premier cours d’altération, dit l’homme chauve d’une voix rapide et ferme en prenant place face au pupitre. Je suis le professeur Sadritch et mon travail consiste à tenter de vous enseigner l’art complexe de la magie d’altération. Malheureusement, j’exerce depuis dix ans et je sais que ce ne sera pas une mince affaire.

  Derek grogna de mécontentement. Ethan partageait son sentiment. Sadritch ne paraissait pas avoir beaucoup de respect pour ses élèves. Il sortit sa baguette de sa robe de sorcier.

— La magie d’altération est une discipline subtile et délicate qui demande de la concentration, de la rigueur et, ce dont vous jeunes gens — précisa-t-il en pointant les deux garçons de sa baguette — semblez manquer cruellement, de la patience.

— Il n’avait qu’à se montrer avant aussi, marmonna Derek avec mauvaise humeur.

  Sadritch leva un sourcil, descendit vivement de son estrade, sa robe de sorcier noire voletant derrière lui, et vint se planter face à la table de Derek en le toisant dans les yeux. Son regard, pensait Ethan, ressemblait à celui d’une aigle en chasse. Et visiblement, il venait de trouver sa proie. Sadritch aurait sans aucun doute été le professeur référent parfait pour prendre en charge les déplaisants élèves de Pyro.

— Quel est votre nom, jeune homme ? demanda-t-il très lentement.

— Derek Rhiwen, déclara ce dernier sans entrain.

— Tiens donc ? Encore un. Vous avez l’air d’avoir des choses à dire, monsieur Rhiwen. Souhaitez-vous nous partager vos brillantes réflexions ? J’imagine pour vous devez être aussi doué que votre frère et votre sœur ?

— Non, monsieur, répondit Derek en baissant les yeux.

— Comme c’est décevant, répliqua Sadritch avec un sourire amusé.

  Il tourna les talons et se dirigea de nouveau vers son pupitre. Arrivé à la hauteur de ce dernier, il pointa sa baguette en direction du cube et s’exclama :

Mutatio materia.

  Le cube en carton eut un soubresaut et l’instant d’après, un gobelet en bronze trônait sur le lutrin.

— J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle, annonça Sadritch avec amusement devant le regard médusé des élèves face à lui. La bonne nouvelle, c’est que vous pouvez sortir vos baguettes parce que vous allez faire de la magie.

  Son sourire s’élargit encore.

— La mauvaise, c’est que « magie » est un bien grand mot puisque, je suis persuadé que vous n’arriverez pas à faire ce que je vais vous demander. Il ne s’agit pas d’un défi, seulement d’une constatation qui se révèle exacte année après année. Rassurez-vous, avec un peu de travail, vous parviendrez peut-être à devenir moins médiocres. Mais avant d’en venir là, quelques explications s’imposent. Sortez de quoi écrire. Et plus vite que ça.

  L’humeur maussade de Derek semblait s’être totalement volatilisée. Il regardait Ethan avec un grand sourire et pour cause, ils allaient enfin utiliser leurs pouvoirs.

— La magie d’altération regroupe en vérité trois disciplines distinctes, commença Sadritch. La première est la transmutation. Elle correspond à la capacité à transformer un objet en un autre, comme je l’ai fait il y a quelques secondes. Il y a ensuite la métamorphose qui se décline également en deux aspects. La métamorphose des êtres vivants et celle de sa propre personne. Dans les deux cas, il s’agit de modifier, en partie ou complètement, un animal ou soi-même.

  Sadritch avait quitté son pupitre et passait à présent de table en table. Il s’arrêtait parfois devant les élèves et interrompait ses explications en observant sa cible d’un air soupçonneux.

— Concentrez-vous un peu, mademoiselle Quen, la réprimanda-t-il avec malice. C’est la transmutation qui permet de modifier les objets, pas la métamorphose. Comment comptez-vous progresser si vos notes sont remplies d’inepties ?

  Kara se confondit en excuse et corrigea aussitôt ses écrits. Sadritch qui semblait porter peu d’intérêt aux justifications de Kara, continua de déambuler entre les tables et reprit son cours.

— Enfin, la dernière discipline est la magie de conversion. Cette fois-ci, l’objectif est de changer un objet en un animal ou inversement. Étant donné que vous débutez, nous nous concentrerons uniquement sur la transmutation pour le moment.

  Il récupéra une petite boite en fer dans son sac et passa de table en table en déposant devant chaque élève une aiguille à coudre.

— Et maintenant, place au spectacle, déclara-t-il avec un sourire mauvais. Sortez vos baguettes et transformez-moi ces aiguilles en allumette. La formule est : Convertio materia.

  Tous s’empressèrent de sortir leurs baguettes et de scander la formule magique.

Convertio materia, s’exclama Derek pour la cinquième fois d’affilée.

  Il abaissa sa baguette et constata avec aigreur que son aiguille était toujours posée devant lui.

— Je ne comprends pas, soupira Ethan. J’ai beau dire la formule, ça ne fait rien du tout.

Sadritch passait de table en table afin de donner des indications aux élèves.

— Il ne s’agit pas seulement de prononcer la formule, monsieur Thobois. Ça, n’importe quel idiot est capable de le faire, disait-il. Vous devez analyser et visualiser l’objet que vous souhaitez obtenir. À quoi ressemble-t-il ? Quelles sont ses caractéristiques ? Pour une transfiguration réussie, vous devez vous représenter mentalement l’objet de façon très précise.

  Les étudiants continuèrent à s’exercer pendant plusieurs minutes lorsque Anna eut un cri de surprise. Sadritch s’empressa de se diriger vers son bureau puis eut un sourire narquois.

— Il y a du progrès, mademoiselle Linch, lui dit-il avec amusement. Cependant, je vous ai demandé une allumette, pas un cure-dent. Je ne risque pas d’allumer un feu avec.

  Encouragés par cette avancée, les élèves reprirent leur effort de plus belle. Pourtant à la fin du cours, personne n’était parvenu à changer son aiguille en allumette. Ethan avait, lui aussi, réussi à obtenir un cure-dent, mais rien de plus.

— Vous allez devoir progresser, et rapidement, les réprimandait Sadritch. Vous faites de piètres recrues pour l’établissement. Il est indispensable que vous travailliez votre visualisation mentale. Cela ne vous sera pas seulement utile dans mon cours. Gardez votre aiguille et profitez du week-end pour vous exercer, j’attends de bien meilleurs résultats la semaine prochaine.

— Quel idiot ce professeur, bougonna Derek lorsqu’ils furent sortis dans le couloir. Non, mais tu as vu comment il se moque de nous ? « Vous faites de piètres recrues ». Qu’est-ce qu’il espère celui-là ? C’est la première fois qu’on fait de la magie.

— C’est vrai qu’il n’est pas tendre et qu’il prend un malin plaisir à nous rabaisser, admit Leah. Je ne l’aime pas beaucoup.

— Et sa métamorphose en loup, renchérit Ethan, juste pour nous impressionner. Il ne se prend pas pour un moins que rien, ça, c’est sûr.

— Ce qui est certain c’est qu’on a déjà du boulot qui nous attend ce week-end, leur fit remarquer Nate.

— C’est bien possible, mais nous avons suffisamment travaillé pour aujourd’hui, décida Derek. Reposons-nous un peu, d’accord ?

— C’est vrai, admit Ethan. Je ne sais pas si c’est parce qu’on a utilisé la magie, mais je me sens nettement plus fatigué qu’au début du cours. Pas vous ?

  Le petit groupe acquiesça puis, d’un commun accord, se dirigea en direction de la salle commune où un délicieux repas les attendrait d’ici quelques heures.

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