10. La légende de Merlin - 3/4
Cette fois-ci, ils devaient se rendre au troisième étage afin de regagner la salle d’histoire de la magie. Ils se retrouvèrent une nouvelle fois à patienter dans le couloir puisque la porte était fermée à clé. L’attente fut cependant de courte durée, car cette fois-ci, l’enseignant était à l’heure. Et quel professeur !
Ethan était totalement surpris. Bien sûr, il avait déjà vu des personnes de petites tailles dans le monde des humains, mais là il s’agissait bien d’un nain. Un véritable nain tels ceux décrits dans les nombreux récits qu’il avait pu lire. Comme dans les livres, il était de petite taille et avait l’air sacrément robuste. Il portait un pantalon marron avec une belle ceinture à la plaque-boucle dorée et incrustée de minuscules rubis ainsi qu’une chemise à carreaux rouge.
Cependant, il pouvait difficilement dissimuler son âge. Le crâne dépourvu de cheveux, une grosse barbe blanche hirsute cachait totalement son cou et le reste visible de son visage était parsemé de rides. Ethan ignorait quel pouvait être la durée de vie d’un nain, mais quoiqu’il en soit, celui-là n’était, de toute évidence, pas de toute première fraicheur.
— Bonjour, dit le nain d’une voix forte et d’un ton abrupt.
Tout le monde lui répondit d’une même voix tandis qu’il fouillait dans ses poches pour trouver la clé de la salle. Il ne tarda pas à l’attraper et ouvrit la porte.
— Entrez, ordonna-t-il.
Il n’avait pas l’air réellement sévère ou méchant, mais de toute évidence, il savait s’imposer et se faire entendre. Aussi, personne ne se le fit dire deux fois pour entrer et s’installer. Ethan qui voulait essayer de contenter tout le monde s’assit, cette fois-ci, à côté de Leah. Le professeur referma la porte derrière lui puis aboya :
— Quelqu’un vous a demandé de vous asseoir ?
Dans un même mouvement, tous se relevèrent aussitôt de leur chaise. Dans la pièce, il n’y avait pas d’estrade, seulement un grand bureau qui faisait face aux tables des élèves.
— On ne leur apprend plus la politesse dans les écoles élémentaires maintenant ? grommela-t-il dans sa barbe en traversant la salle de classe d’un pas claudicant jusqu’à son bureau.
Il se laissa tomber dans son épais fauteuil en cuir puis annonça finalement :
— Vous pouvez vous asseoir.
Il se releva, ouvrit la fenêtre qui se situait à sa gauche puis tira un tiroir de son secrétaire. Il en sortit une pipe avec de jolies gravures en argent et un petit bocal dans lequel se trouvait du tabac.
— Bien, commença-t-il en tassant son tabac à l’intérieur de celle-ci, je suis le professeur Sullen. Pour les lumières qui se trouvent parmi vous et qui ne l’auraient pas encore compris, je suis un nain. Alors oui, avant de me voir vous pensiez soit que les nains n’existaient pas, soit qu’ils avaient disparu depuis longtemps.
Il sortit une boite d’allumettes de la poche de son pantalon, embrasa le tabac dans sa pipe puis applaudit bruyamment.
— Eh bien félicitations, vous aviez tous tort. Mais ça, ce n’est pas le sujet du jour. On ne reparlera pas des nains avant votre dernière année ici parce que oui, les cours d’histoire de la magie sont obligatoires tout au long de vos études alors j’espère pour vous que je serais mort d’ici là. Autrement, vous allez m’avoir sur le dos pendant un bout de temps.
Sullen retourna s’asseoir dans son élégant fauteuil. Il porta la pipe à ses lèvres et commença à fumer en aspirant de petites bouffées.
— Vous avez le choix, continua-t-il en posant ses pieds sur son bureau, soit vous m’appelez Sullen, soit professeur, c’est comme vous le sentez. Honnêtement ça n’a pas d’importance.
Alan, qui jusqu’ici s’était toujours montré plutôt discret, leva la main. Sullen fit un bref geste qui laissait entendre qu’il pouvait parler.
— Vous êtes sûr que vous avez le droit de fumer en classe ? demanda-t-il d’une voix mal assurée. Je veux dire, vous n’allez pas avoir des problèmes ?
Sullen retira ses pieds du bureau, se redressa sur son siège et dévisagea Alan quelques instants comme s’il ne revenait pas de ce qu’il venait d’entendre. Il posa sa pipe encore allumée sur le bocal à tabac puis éclata d’un rire caverneux en tapant le bureau du poing. Alan, lui, sursauta et l’observa d’un air surpris, il ne comprenait pas ce qui pouvait l’amuser de cette manière. Sullen remit sa pipe dans sa bouche puis recommença à fumer en continuant de ricaner.
— Elle était bien bonne celle-ci, gamin. Je fais partie des meubles, j’aimerais bien voir qui serait assez stupide pour essayer de me renvoyer. Mais je te remercie de t’en soucier, l’ami.
Les joues d’Alan virèrent au rouge, il aurait certainement voulu disparaitre s’il le pouvait. Ethan, lui, esquissa un sourire. Il appréciait déjà Sullen. Il était autoritaire, mais en même temps cordial et ne s’embarrassait pas pour trouver les mots et disait simplement ce qui lui passait par la tête.
Sullen frappa une nouvelle fois du poing sur son bureau, ce qui fit sursauter tout le monde puis lança :
— Il serait peut-être temps de s’y mettre, non ? Alors, si vous n’êtes pas trop débiles, vous aurez deviné que puisque nous sommes en cours d’histoire de la magie, vous ne ferez pas de sorcellerie. Ce qui veut dire que vous pouvez laisser votre baguette bien au chaud au fond de votre sac quand vous venez dans ma salle. De toute manière, je ne suis pas un sorcier donc je ne saurais foutrement pas quoi vous apprendre.
Il marqua une pause, faisant nonchalamment des ronds de fumée. Lorsqu’il sembla satisfait par le dernier qu’il était parvenu à réaliser, il reprit :
— Certains de mes collègues apprécient d’expliquer pendant le premier cours le programme de l’année. Ce n’est pas mon cas, donc on va éviter de blablater pour ne rien dire et on commence le programme tout de suite. Allez, on se dépêche, prenez de quoi noter.
D’un même mouvement, les élèves rangèrent leurs baguettes dans leur sac, non sans quelques soupirs, et en ressortirent à la place de quoi écrire.
— Alors, vous remarquerez également qu’en histoire de la magie vous n’avez pas de bouquin, dit Sullen. Pourquoi ?
Il n’attendit pas de réponse et continua aussitôt :
— Parce que c’est moi le manuel ici. Je vous raconte et vous, vous prenez des notes. Vous pouvez aussi compléter avec les livres que vous pouvez trouver dans la bibliothèque. Je vous donnerai rarement du travail à faire. Le peu que je vous demanderai sera soit des recherches pour alimenter le cours, soit des devoirs que je ramasserais pour évaluer vos connaissances. Alors quand je vous en donne, faites-le bien.
Il attendit quelques instants que tous les élèves soient disposés à l’écouter en continuant de tirer sur sa pipe.
— Bien, je pense que nous pouvons commencer, annonça Sullen d’une voix maintenant beaucoup plus calme et profonde. Étant donné que vous êtes nouveaux ici, il me semble judicieux et intéressant de vous raconter comment cet établissement a vu le jour. Comme vous le savez sans doute, cette école à approximativement deux cents ans. Ou plutôt, cela fait environ deux cents ans que Castel-Lapis a été officiellement inaugurée et a été autorisée à prendre en charge la formation des jeunes sorciers et sorcières. En réalité, ces bâtiments sont presque aussi vieux qu’Isthos.
Il s’interrompit une nouvelle fois pour rallumer son tabac qui venait de s’éteindre.
— Pour revenir à la création de ce lieu, nous devons remonter au douzième siècle, au Moyen-Âge donc, continua-t-il. Depuis la nuit des temps, les sorciers et sorcières existaient et cohabitaient avec les humains. C’était vrai peu après l’apparition des hommes sur Terre et c’est toujours valable à l’heure actuelle. Jadis, les sorciers n’étaient pas aussi forts que maintenant, mais il faut dire que les connaissances n’étaient pas autant avancées qu’aujourd’hui. Pour être honnête, ce qu’il se passe avant le douzième siècle ne nous intéresse pas vraiment donc on ne s’attardera pas dessus et on va parler directement de la période qui nous concerne, à savoir, l’époque à laquelle vivait le sorcier le plus puissant de tous les temps. Quelqu’un peut-il me dire le nom de ce personnage historique ?
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