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— Et maintenant ? s’enquit-elle.
Jacob lui lança un regard indéchiffrable. Depuis leur arrivée à Francfort, c’était à peine s’il leur avait adressé la parole. Ce changement d’attitude n’avait pas échappé à Kaylee, et ne l’aidait pas à diminuer son angoisse. Une boule au ventre, elle triturait la boîte de salade sans se décider à y goûter.
— Notre cohabitation ne fait que débuter, déclara l’homme après avoir avalé sa bouchée. Et je tiens à vous prévenir : les prochaines semaines n’auront rien d’une colonie de vacances.
— Vous parlez comme si c’était déjà acquis de passer tout ce temps ici, intervint Mirco.
— Il ne tient qu’à vous de le raccourcir. Mais, en tant qu’adulte responsable, je ne peux pas vous envoyer dans la gueule du loup sans un minimum de préparation.
— Pourquoi ? Si nous possédons vraiment ces pouvoirs…
Jacob soupira, les yeux au plafond.
— Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?
— Nous avons déjà abordé cette partie, mon garçon. Inutile de revenir dessus. Même si cela peut te sembler farfelu, vous disposez tous les deux de ces aptitudes. Reste à savoir la matière qu’il sera possible de couvrir en si peu de jours. Avec plus de temps à ma disposition, je vous aurais montré des merveilles… Là, il va falloir se contenter des bases, malheureusement.
— On commence par quoi ? s’enthousiasma Kaylee, toute méfiance envolée.
— Finis déjà ton assiette, la réprimanda le Commissaire. Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, cet endroit ne se prête pas au gaspillage alimentaire. Et pour répondre à ta question, vous ne verrez pas ce qui est enseigné aux apprentis des monastères. Pas avec moi en tout cas. Ici, seule comptera votre capacité à passer inaperçus, et à vous défendre en cas de besoin.
— Ça ne m’a pas l’air très magique, marmonna Mirco.
L’impertinence dont faisait preuve son ami étonnait Kaylee. Le plus surprenant restait le fait que Jacob ne semblait même pas lui en tenir rigueur. Après un nouveau soupir quelque peu exaspéré, l’homme poursuivit avec un sourire des plus mystérieux.
— Laisse-moi te prouver le contraire. Une compétence que les sorciers maîtrisent à la perfection est la communication mentale. La Fondation mise sur le savoir, avant l’expérience. C’est donc ainsi qu’une partie de leurs cours sont donnés. Et cette manière de procéder va vous poser un gros problème une fois parmi eux.
— Parce qu’on ne l’a jamais fait ? osa Kaylee.
— Surtout car l’application la plus courante de cela est de lire dans les pensées, comme dans un livre ouvert en quelque sorte. Bien que la réalité soit un peu plus compliquée.
— Je ne vous…
— Crois pas, je sais. Regarde-moi, nous allons tenter une petite expérience. Pense à un évènement. Quelque chose que seul toi… oh mais ce n’était pas ta faute. Tu n’aurais pas pu deviner que cet animal déboulerait ainsi au milieu de la route.
— Comment… balbutia Mirco.
Jacob l’interrompit d’un geste, et se tourna vers la jeune fille.
— Intéressant, murmura-t-il.
— Je vous interdis de faire ça ! s’exclama Kaylee, les joues rouges.
Il laissa échapper un petit rire.
— Empêche-moi alors. Non ? Aucun de vous ? Dans ce cas, sachez qu’au sein de la Fondation, cette faiblesse signerait votre arrêt de mort. N’allez pas croire qu’ils sont idiots ! Ce test, vous y aurez droit dès le départ.
Kaylee fixait le métal de la table, le cœur au bord des lèvres. Elle ne pouvait être certaine que le sorcier ait vu quoi que ce soit dans son esprit. Sa réaction supposait cependant le contraire.
— Eh petite… reprit-il plus calmement. Le passé n’a pas d’importance. Ce qui compte aujourd’hui est d’apprendre à te protéger contre ce genre d’intrusions, d’accord ?
Elle acquiesça lentement, les yeux toujours baissés.
— Bien. Vous êtes assez grands pour vous gérer tous seuls une petite heure, n’est-ce pas ? Je dois aller faire une course. Les toilettes se trouvent derrière le pin, vous ne pouvez pas les louper.
Les adolescents restèrent plantés là, abasourdis.
— T’as pensé à quoi pour qu’il te regarde ainsi ? s’étonna Mirco.
Kaylee garda le silence.
— T’es pas obligée de m’en parler si tu ne veux pas…
— Non, c’est juste que… Penses-tu cela possible ? rétorqua-t-elle pour changer de sujet.
— Lors de ma première leçon de conduite, un chat s’est précipité sous les roues de la voiture. Dans la panique, j’ai confondu les pédales et réduit la pauvre bête en bouillie. Seul le moniteur et mon père étaient au courant de l’incident, lui n’aurait pas pu le savoir.
— Mais de là à songer qu’on ne peut plus rien cacher…
— Il y a de la marge, en effet ! Et si on profitait de son absence pour explorer un peu ? Tu viens ?
Il se dirigea vers l’extérieur avec détermination. La jeune fille secoua la tête, son attention attirée par l’entrée béante d’un couloir obscur.
— À ta guise ! Ces murs m’étouffent ! Appelle-moi si tu trouves quelque chose.
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