Chapitre 5

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Livia rentre dans l’appartement qu’elle partage avec sa mère et son grand frère. Aux chaussures et à l’anorak qui traînent dans l’entrée, elle comprend qu’Alceo est déjà là.

La bonne odeur de soupe de poisson remplit ses narines.

Elle jette ses bottes gelées devant la porte et se précipite dans la petite cuisine.

— Te voilà, ma chérie, lui lance son grand-père en souriant à pleines dents.

Assis, Alceo l’accueille avec un sourire navré.

— Tu devrais mettre des vêtements secs, grand-père a cuisiné, dit-il, plein d’attention.

Depuis que Gandolfo Giotto, leur grand-père maternel est apparu dans leur vie, il vient préparer les repas des enfants pendant les vacances. Leur mère n’est ainsi plus obligée de revenir s’occuper d’eux pendant sa pause.

Livia file dans sa chambre, trouve un pull et un pantalon sur un radiateur et les enfile, son chat se frotte sur ses jambes.

— Bonjour, toi ! Tu n’as pas l’air de vouloir te promener aujourd’hui. Tu préfères dormir au chaud et laisser tes poils sur mes vêtements.

— Mia, répond la petite chatte en redoublant ses signes d’affection.

Dans la chaleur et la perspective d’un bon déjeuner, Livia oublie la douleur de sa chute.

Lorsqu’elle se met à table, un bol fumant est posé à sa place, les deux hommes de la maison l’accueillent avec des sourires.

— Voilà qui devrait te réchauffer, déclare Gandolfo en poussant le récipient vers elle.

— Merci grand-père, il faisait froid ce matin.

— J’ai cru comprendre qu’une grande bataille s’est livrée sur le campo.

— Oui ! Et vous avez perdu ! lance Alceo à Livia.

— Non d’abord, on n’a pas été touchés.

— C’est vrai, mais vous avez fui ! persiste le garçon.

— On vous a eus par surprise, vous n’avez même pas lancé une seule boule, on a été trop rapides.

— C’est surtout parce que tu es tombée.

— Ça ne t’a jamais empêché de poursuivre un adversaire !

— C’est que… quand la sorcière t’a aidée…

— Bah, quoi ?

— Les autres ont eu peur.

— Peur d’une gentille vieille dame ?

— On s’est dispersés, j’ai dit qu’on laissait tomber.

— Tu ne m’as pas répondu.

Alceo reste muet. Il ne veut pas avouer devant sa sœur et son grand-père que la vieille dame de la vieille maison l’effraye. Il a entendu toute sorte d’histoire sur elle et il se souvient très bien de la fois où elle lui a parlé. Elle savait comment il s’appelait et qu’il avait dérobé des pommes à un étalage de la Salizada delle Gatte, alors qu’il était persuadé d’avoir été discret.

— Dis grand-père, tu sais qui est la vieille dame de la petite maison au bout du campo ? Interroge Livia en tournant le regard vers le vieil homme.

— Et toi, connais-tu l’histoire de la Befana ? Elle est de saison, il est bon de se raconter des histoires de saison.

— Tu ne m’as pas répondu ! persiste la fillette.

— Il y a deux mille ans de cela, une vieille dame vivait dans le lointain Orient. Elle était sage et bienveillante, elle accomplissait des tas de bonnes actions. Une nuit d’hiver, elle croisa trois hommes sur de nobles montures. Elle leur donna de l’eau et partagea avec eux le repas qu’elle avait préparé. Comme elle les interrogeait sur les raisons de leur voyage, ses hôtes lui dirent qu’ils suivaient l’étoile. Celle-ci guidait les sages vers le lieu de naissance d’un enfant roi. Les trois hommes voyageaient pour lui apporter des cadeaux. Touchés par l’accueil et la grande bonté de la vieille dame, ils lui proposèrent de les accompagner. Elle refusa de les suivre, car elle souhaitait rester auprès de sa sœur qu’elle chérissait.

— On connaît tous cette histoire pour les fillettes, grand-père, l’interrompt Alceo.

— Écoute donc avant de juger, mon grand. Avais-tu déjà entendu parler de la sœur de la Befana ?

— Non, admit le garçon.

— Alors, tu vois. T’as encore plein de choses à apprendre, le sermone Livia, un mauvais sourire sur les lèvres.

Le grand-père des enfants sait bien qu’il lui faut tuer dans l’œuf cette querelle naissante aussi tousse-t-il bruyamment afin d’obtenir le silence.

— Au matin, les trois voyageurs reprirent leur route, recommença-t-il. La vieille dame, pleine de remords, eut une discussion avec sa sœur, et décida de les rattraper. Elle emporta avec elle des provisions… Mais les trois inconnus avaient trop d’avance et elle dut renoncer. Sur le trajet du retour, voyant la misère qui l’entourait, elle offrit aux enfants qu’elle rencontrait les friandises qu’elle avait emportées pour son voyage. On raconte que cette dame vit encore de nos jours et distribue chaque année des friandises ou des cadeaux aux enfants sages et qu’elle punit ceux qui le méritent, termine-t-il en fronçant les sourcils vers Alceo.

— C’est une très belle histoire, intervient Livia. Et je ne savais pas que la Befana avait une sœur, mais tu n’as pas répondu à ma question sur la vieille dame du Campo.

— Bois ta soupe, elle va refroidir, et après on mangera des pâtes, tranche son grand-père.

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