Lundi

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 Au commencement, l’Empereur créa les cieux et la terre. Mais pas les nôtres. Pas ceux de Kosmos. Ceux de Mahazeh. En effet, le commencement en question ne date que de l’an de grâce mil neuf cent quatre-vingt-trois pour un habitant de l’univers de Père Adam et Mère Ève, selon le système chronologique le plus répandu dans celui-ci. Bien sûr, pour nous, en vertu d’un énorme écart entre les orbites de Kosmos et Mahazeh autour de l’Axe des univers, ça se compte en millénaires mouvementés. Voici l’histoire de la manière dont ceux-ci ont commencé à l’être.

 Or donc, Hupohélios, la terre, se trouvait en état de tohu-bohu, vacarme produit par le chaos des forces primordiales, nées lors de la première fraction de seconde de l’imagination de l’Empereur de tous les mondes et des incantations du Prince. Le Souffle se mouvait à la surface de l’univers de Mahazeh, qui ne consistait à ce moment-là qu’en une masse d’eau d’une taille et d’une densité impossibles à appréhender pour l’entendement humain. Hupohélios y flottait, plongée dans la Ténèbre, en attente de la Lumière, de la Vie, des Habitants.

 Et le Prince incanta :

 « Génèthè phôs ! »

 Satisfaction Lui fut donnée.

 Ainsi, les forces primordiales, dotées d’un coup, d’un seul, du don de l’Étincelle Impériale par la Magie du Prince et l’actuation du Souffle, contemplèrent. La lumière. La beauté. Le bien. L’harmonie. L’ordre. La majesté. Et surtout la Radiance. Une Radiance inouïe, surabondante, immergente, ayant pour source l’Empereur. Il n’émettait pas juste la Radiance, Il était la Radiance, et l’émerveillement irradiait les forces primordiales. Celles-ci, désormais conscientes et harmonisées, cessèrent sur-le-champ leur capharnaüm, amenant le calme au sein de l’onde, et se tinrent à la disposition de l’Empereur.

 Et le Prince dit aux forces primordiales :

 « Séparez-vous des ténèbres ! Car vous êtes les phloxes, flammes nées de Mon feu ! Car Je suis la Lumière, et nulle Ténèbre ne peut subsister devant Ma face ! »

 Satisfaction Lui fut donnée.

 Les forces primordiales – ou plutôt les phloxes, puisque le Prince leur avait donné ce nom et que ce qu’Il déclarait avait force de loi – se rassemblèrent aussitôt autour de Lui. Aussi prêts que faire se peut, ils attendaient, enthousiastes, le prochain acte de l’Empereur.

 Ils durent patienter, cependant : une révolution entière de Hupohélios, pendant laquelle la Communion Impériale et sa multitude de serviteurs restèrent au même endroit, astres de cet univers sans astre. Pendant cette attente, ils organisèrent un récital de poésie, de psalmodie et de musique magiques pour exprimer hors de leurs cœurs tout ce que la Radiance Impériale leur inspirait.

 Ils organisèrent le récital selon la hiérarchie naturelle que l’Empereur avait installée parmi eux. Elle comprenait trois ordres, chacun aussi différent de son inférieur immédiat que l’humanoïde l’est du chien de salon : les phloxes communs, les Ardents et les Gardiens. Ces derniers, au nombre de treize, comprenaient à leur tête Héosphoros, le Gardien Élu, la plus belle, la plus sage et la plus puissante créature de Mahazeh, le Sceau de la Perfection, le Couronnement de l’Édifice. Il ne lui manquait absolument rien, sa conception ne connaissait aucun défaut. Tout désigné comme Grand Ordonnateur de cet événement spontané, il s’investit de toutes ses formidables capacités dans cet effort, mettant un zèle à la limite du concevable pour les déployer et produire ce qu’il pouvait produire de meilleur avec la participation de ses congénères, harmonisant leurs personnalités et attributs respectifs comme les instruments d’un orchestre, comme les timbres de voix des membres d’une chorale. Et cela porta ses fruits : l’on dit, sur la base du Grimoire, que plus jamais les phloxes ne connurent une telle luxuriance de beauté, une telle surabondance de bonnes choses, et que plus jamais ils n’en connaîtront jusqu’à la Restauration, lorsque la Nouvelle Mahazeh retentira des échos des voix et des instruments des phloxes couronnés et des humanoïdes réunis.

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