Chers amis,

À mon grand regret, ceci est un adieu. Je quitte la civilisation et m'en vais vivre en autarcie dans un écrin de verdure, loin des mégapoles polluantes, loin des publicités plaçant les mots consommation et gagnante dans la même phrase, loin de Google et de ses algorithmes, loin de l'information BFMisée et de ses mensonges influencés par les lobbys, loin des banquiers et de leur humeur indexée sur le CAC 40, loin des pseudo débats politiques à la radio, s'apparentant désormais plus à de la branlette intellectuelle qu'aux anciens clivages droite/gauche aujourd'hui révolus et rassemblés dans le néo-libéralisme ; loin du progrès technologique qui nous éloigne les uns des autres plutôt que de nous rapprocher.

Je renie l'humain, cette espèce en régression qui s'est petit à petit éloignée du chemin que lui montrait la Terre et qui court à sa perte en s'imaginant naïvement que tout s'achète. Je renie cette société bancale fondée sur un système de profit à court terme, au détriment de l'état de la planète que nous laisserons en héritage aux générations futures. Tout ceci s'effondrera un jour bien sûr, quand Dame Nature estimera que la farce à duré assez longtemps. Peut-être alors, s'apercevra-t-on que certains films tels que Mad Max ou Waterworld tenaient plus de la prophétie que de la science-fiction mais il sera trop tard ! Beaucoup le savent mais tout le monde semble s'en foutre comme de sa première cravate. Je trouve cela effrayant et c'est surtout ce déni collectif qui est devenu insupportable aux yeux de l'idéaliste que je suis. Je ne trouverai la paix intérieure que dans l'isolement.

Adieu donc, Facebook et applications chronophages, adieu amis virtuels, adieu talk-shows soporifiques, adieu temples de la surconsommation, adieu journalistes s'écoutant parler, adieu politiques véreux, adieu roi crapuleux bien installé sur son trône, conchiant le peuple du haut de sa tour d'ivoire. Adieu peuple soumis : je me garderais bien de te blamer si tu étais aveugle mais non !!! Tu vois, tu sais... mais tu te contentes de fermer les yeux pour supporter ce monde en perdition. C'est intolérable ! Adieu pays des droits de l'Homme où l'humain n'a plus sa place... Adieu enfin, chers camarades et amis de chair et d'os, c'est bien vous qui me manquerez le plus.

A propos de droits de l'Homme, un dernier élan de militantisme s'empare de moi. Je tiens malgré tout, avant de partir, à vous remémorer le trente cinquième et dernier article de la déclaration universelle de 1789, dans sa version originelle. Sait-on jamais, des fois que cela en inspire quelques-uns...

"Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs."

Bizarrement, cet article et quatre autres un peu gênants ont disparu depuis bien longtemps, au fur et à mesure des mises à jour. La déclaration de 1948 n'en contient plus que trente. Sachez, chers concitoyens, que désobéir est la responsabilité de tout Homme qui aspire à un monde meilleur ! En ce qui me concerne, je pense avoir fait ma part d'insurrection mais j'ai l'impression depuis plusieurs années déjà de pisser dans un violon, tel un soliste incontinent abandonné par le philharmonique qui l'accompagnait jadis. La résignation et la servilité de mes compatriotes sur fond d'injustice ont eu raison de mes convictions.

Adieu, donc... La mysanthropie s'est emparée de moi. Faîtes ce qu'il vous plaira de ce monde. Brûlez-le, faîtes-le péter ou tout ce que vous voudrez. Je n'en serai sans doute plus d'ici que vous y parveniez mais j'en suis dégoûté. Dans un accès d'égoïsme, je m'en éloigne, le fuis, et vais m'en rêver un plus supportable...

Bien a vous,

Jacky PAVÉ.