Chapitre 1 : Le Serpent

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Tel un serpent, il s'est insinué dans sa vie.

Beau parleur aux sourires enjôleurs, les yeux emplis d'un amour qui n'a pour seul but que de s'aimer lui-même à travers les pupilles émerveillées de sa victime. Elle croit y voir une sincérité, la lueur d'espoir dont elle a besoin pour sortir de cet océan visqueux dans lequel elle a l'impression de se noyer. Il est le sauveur, la main à laquelle elle s'accroche de toutes ses forces par peur de ne plus pouvoir remonter à la surface. Il est le phare qui illumine l'obscurité de ses pensées, lui donne l'illusion de reprendre le pouvoir, de reprendre cette liberté qui ne cesse de s'effriter entre ses doigts.

Changement de bourreau. Répétition du même schéma destructeur, des mêmes problématiques. Les mêmes rouages qui s'imbriquent pour former une réalité toujours plus déphasée avec ses idéaux et ce à quoi elle aspire profondément. Encore et toujours les mêmes engueulades, les mêmes reproches crachés avec véhémence, laissant des marques indélébiles, blessant les chairs plus profondément que n'importe quel coup porté au cœur.

Elle s'essouffle, rêve de s'évader, se démène, se déchaîne jusqu'à se briser. Contemple le vide, fascinée par le spectre à la faux aiguisée qui la guette, les pensées noircies, gangrénées par ce foutu désir de vivre qu'on lui nie si fortement. Mourir en vivant, vivre en mourant. L'un dans l'autre, elle n'a plus rien à perdre si ce n'est la raison.

Et pourtant, elle continue, s'acharne à croire que tout va finir par s'arranger, que ce n'est qu'une "mauvaise passe" comme tout le monde dit. Rien ne change, tout s'empire. Les choses dérapent, plus rien n'a de sens, elle ne reconnaît plus le reflet dans le miroir, s'intoxique de son amour jusqu'à perdre contact avec la réalité.

Puis le sursaut ! Un pic de lucidité au milieu du délire collectif qui s'éprend de la meute en chasse. Trop tard cependant, sa vie déraille, les freins du train crissent dans une dernière tentative d'amortir le choc. L'acier se plie, grince, geint dans un vacarme assourdissant avant de laisser place au calme avant la prochaine tempête. Sauf que cette fois, elle ne pourra pas se relever.

Le tonnerre gronde au loin, les éclairs strient les cieux qui se déchirent en un torrent de tristesse. Elle doit partir avant que les choses se gâtent, avant qu'il ne lui arrache le peu qu'il lui reste, mais elle n'y arrive pas, elle n'a plus la force, plus la volonté de ne serait-ce que saisir la main qu'on lui tend. L'emprise est telle qu'elle voit le tunnel s'assombrir sans jamais en voir le bout, elle s'enfonce inexorablement, consciemment, dans les boyaux des Enfers.

Les chiens galeux suivent, aboient, leurs crocs acérés prêts à la mordre si elle traîne le pas. Tous veulent goûter son âme, la déchiqueter et s'en délecter jusqu'au dernier morceau. Une fois qu'on a fait partie de la meute, personne n'en réchappe. Elle reste omniprésente, occupe la moindre pensée, grignote tout sur son passage. Tous les souvenirs sont tâchés de sang, punition pour avoir tourné le dos. Pour s'être libérée de ses chaînes et avoir pris son indépendance.

Elle n'est pas la seule victime, elle tente de ne pas laisser d'autres tomber dans le même piège, mais la toile du mensonge est si bien ficelée que personne ne l'écoute. On ignore ses mises en garde. Obligée de fuir pour se protéger, elle regrettera toujours de ne pas avoir pu sauver celles qui ont partagé son calvaire.

Tel un serpent, il s'est insinué dans sa vie… mais n'en est jamais véritablement sorti.

Il arrive à faire de sa présence un outil, une menace oppressante. Il l'épie, la traque tel un prédateur attendant le bon moment pour fondre sur sa proie. Elle est une cible, un trophée, l'objet d'une obsession à peine dissimulée. Répulsion. De l'amour à la haine il n'y a qu'un pas, de la passion à la violence, il n'y a qu'une gifle. Toxicité mutuelle. Œil pour œil, dent pour dent. Chaque coup est rendu, chaque phrase formulée dans l'intention de détruire, va-t-il seulement la laisser tranquille un jour ?

Non. Bien sûr que non. Toute son existence, elle devra se méfier, regarder par-dessus son épaule pour vérifier qu'il n'est pas aux alentours. Et il sera toujours là, parfois elle sentira son souffle sur sa nuque, aura l'impression de le reconnaître, fera des cauchemars à n'en plus finir. Douce paranoïa.

Si elle avait su que derrière ce bel ange se cachait le pire des démons, elle n'aurait pas pris le risque de se brûler les ailes à l'aimer plus que de raison.

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