Scène finale. Le psy Dani Ranchet Mr Duboeuf Mme Duboeuf et Guillemette
Mr Dubœuf : (Ton menaçant) Vous avez de la chance que ce ne soit pas ma femme !
Le psy : (Qui s’est levé) Qui êtes-vous ?
Mr Dubœuf : (Même ton. Le prenant par le col) Depuis quand vous couchez avec ma femme ?
Le psy : (A Guillemette qui est sur le pas de la porte) Guillemette, appelez la police.
Mr Dubœuf : Le temps qu’elle arrive j’aurai écrasé votre face de rat, si vous ne me répondez pas : depuis quand vous couchez avec ma femme ?... Madame Dubœuf ?
Le psy : Primo, je n’ai pas à vous donner ce type de renseignements, qui sont confidentiels ; deuxio je n’ai aucune cliente qui s’appelle madame Dubœuf.
Guillemette : C’est ce que je lui ai dit, mais il ne m’a pas crue.
Mr Dubœuf : Non je ne l’ai pas crue. Et maintenant dites-moi à quelle heure elle doit passer, comme ça nous ferons les comptes tous les trois.
Le psy : (Toujours tenu par le col) Je vous ai dit que je n’ai aucune madame Dubœuf parmi mes patientes !
Mr Dubœuf : Docteur Lemieux, ne me prenez pas pour un imbécile. J’ai horreur de cela.
Le psy : (Hurlant) Je ne suis pas le docteur Lemieux. Je suis le docteur Lejeune !
(Dubœuf, desserre la pression sur le col du psy, qui en profite pour prendre l’une de ses cartes de visite qu’il colle sous les yeux de Dubœuf qui le relâche, réajuste son col et lui donne une tape amicale sur la joue)
Mr Dubœuf : Je suis désolé. Vraiment désolé pour cette terrible méprise. (Il sort son portefeuille) Je vais vous dédommager, docteur, afin de clore cet incident regrettable.
(Le psy, quelque peu perturbé, regarde à la fois les billets que lui tend Dubœuf et Guillemette qui lui fait des signes)
Guillemette : Dois-je appeler la police docteur ?
Mr Dubœuf : Ne l’appelez pas, s’il vous plaît.
Le psy : Je vois vous êtes en sursis et vous craignez de retourner en cabane.
Mr Dubœuf : Oh non, pas du tout. C’est moi qui mets les gens en cabane. (Il sort sa carte professionnelle) Je suis juge d’instruction… (Se justifiant) Je n’en suis pas moins homme, et mari jaloux de surcroît. Encore une fois, je vous prie d’accepter ce dédommagement.
Le psy : Je n’en ferai rien, mais tout est oublié. Par contre, si je peux vous donner un bon conseil, vous devriez venir me consulter… enfin, moi ou un confrère.
Mr Dubœuf : C’est ce que ne cesse de me répéter ma femme. Il va falloir que j’y réfléchisse. (Petit temps) Encore une fois, je vous demande pardon.
(Il sort à reculons, tout en inclinant sa tête en signe de pardon. Silence. Guillemette sort aussi)
Le psy : (A Dani, qui est restée terrée sur le divan) Je pense que nous allons reporter la séance à une nouvelle date.
Dani : (Apeurée) Prenez-moi dans vos bras, docteur. Je vous en prie. Je n’ai pas la force de me lever. Prenez-moi dans vos bras.
(Le psy s’approche ; l’aide à se relever puis la serre dans ses bras. Ils restent quelques instants ainsi)
Le psy : Ça va m… (Il laisse la phrase en suspens car Dani l’embrasse sur la bouche)
Dani : (Après ce long baiser) Je vais beaucoup mieux, docteur. Vos baisers sont divins. (Le psy n’a pas le temps de répliquer qu’elle l’embrasse à nouveau) Il fait que je file, maintenant. Je vais prendre un nouveau rendez-vous.
(Elle sort. Le psy reste immobile, puis va s’asseoir sur la chaise, les yeux dans le vague. On entend la voix de Guillemette qui dit : « Non madame, vous ne pouvez pas entrer ! »)
Mr Dubœuf : (Ton de supplique) Docteur, docteur, si on me demande, vous dites que vous ne m’avez pas vu, s’il vous plaît. (Il cherche des yeux un endroit où il pourrait se cacher. Il désigne la porte du fond) Là, je peux me cacher ? (Sans attendre la réponse du psy, il file vers la porte) Surtout, vous ne m’avez pas vu, d’accord ? Je vous revaudrai ça.
(Il ouvre la porte du fond et sort. On entend de nouveau la voix de Guillemette qui dit : « Non madame, vous ne pouvez pas entrer ! » Entre madame Dubœuf)
Mme Dubœuf : (Marchant vers le psy, passablement hors d’elle) Où est-il ? (Le psy, hébété, la regarde) Je vous ai posé une question : où est-il ?
Le psy : (Même attitude) Je ne sais pas qui vous êtes et qui vous cherchez
Mme Dubœuf : (Même ton) Vous savez très bien qui je cherche. L’homme qui se cache ici, et qui se trouve être mon mari.
Le psy : Je ne sais pas qui est votre mari, et je ne sais pas qui vous êtes.
Mme Dubœuf : (Elle sort une carte tricolore et la lui place soue le nez) Ça, c’est moi : commissaire Dubœuf. Quant à mon mari, je vous donne dix secondes pour me dire où il se cacher, autrement je vous colle en garde à vue.
Le psy : M… Mais pour quel motif ! Je n’ai rien fait.
Mme Dubœuf : On en trouve toujours un de motif, faites-moi confiance. Maintenant, si vous ne voulez pas sortir d’ici menotté, dites-moi où se cache mon mari.
Le psy : Votre mari est passé ici, il y a une dizaine de minutes et…
Mme Dubœuf : (Le coupant) Je le sais. Il a cru que j’étais en consultation avec vous. Puis il est reparti… (Le regardant droit dans les yeux) Et je sais qu’il est revenu. Alors maintenant, dites-moi où il se cache.
Le psy : Votre mari ne se cache nulle part.
Mme Dubœuf : Très bien. Je ferai fouiller ce cabinet de fond en comble.
Le psy : Il vous faudra un mandat de perquisition.
Mme Dubœuf : Je l’obtiendrai. Faites-moi confiance. En attendant… (Elle regarde sa montre) Il est dix-sept heures trente-deux et, à partir de ce moment, vous êtes en garde à vue.
Le psy : Mais enfin c’est quoi ce délire ? J’exige la présence de mon avocat.
Mr Dubœuf : (Qui est sorti de sa “cachette’’) Vous n’en aurez pas besoin. Je lève votre garde à vue.
Mme Dubœuf : Ah tu es là ! (Au psy) Vous avez de la chance que ce soit un juge ; autrement je vous l’aurais collée cette garde à vue. (À son mari. En colère) Et maintenant, on va faire les comptes tous les deux.
Mr Dubœuf : (En colère) On n’a pas de comptes à faire, c’est déjà tout vu. Tu couches avec ton psy.
Mme Dubœuf : (Même ton) Je ne couche pas avec mon psy. C’est toi qui fantasmes.
Mr Dubœuf : (Même ton) Je ne fantasme pas du tout. C’est la vérité.
Mme Dubœuf : (Même ton) Tu as des preuves ?
Mr Dubœuf : (Même ton) Si je ne m’étais pas trompé de psy, je vous aurais pris en flagrant délit.
Mme Dubœuf : (Ironique) Ha ! Ha ! Tu me fais marrer. (Avec autorité) Maintenant on rentre faire les comptes.
Mr Dubœuf : (Ironique) les comptes sont très bons, madame Dubœuf : divorce et mise en examen de ton psy, pour manquement à la déontologie, qui interdit à un thérapeute d’avoir des relations avec ses patientes.
Mme Dubœuf : Ha ! Ha ! La déontologie ! Ha ! Ha ! Est-ce que c’est déontologiquement admis qu’un juge ait des relations avec une policière chargée d’une enquête qu’il a lui-même diligentée ? Hein ?
Mr Dubœuf : Je ferai remarquer à la policière en question, que c’est elle qui s’est jetée à son cou.
Mme Dubœuf : Et je ferai remarquer humblement au juge en question, que le procureur avait nommé un autre commissaire, et que ce même juge en question est venu pleurer dans son bureau pour qu’il l’autorise à travailler avec la susnommée policière.
Mr Dubœuf : Oui mais si le susnommé juge n’avait pas convaincu le procureur de le faire travailler avec la susnommée policière, cette même policière aurait trouvé un autre stratagème pour sauter au cou du juge… et lui passer la corde au cou.
Mme Dubœuf : (Sortant de ses gonds) La corde au cou ? Qui a passé la corde au cou de l’autre ?
MrDubœuf : (Ironique) Ha ! Ha ! Très drôle. Oui, c’est moi qui t’ai demandée en mariage, et tu t’es mise à pleurer comme une fontaine en me répétant des « oui » ad libitum.
Mme Dubœuf : Ah !! Tu l’avoues !
Mr Dubœuf : Oui, mais rappelle-toi ce que tu m’as confié durant notre voyage de noces : « Si tu ne m’avais pas fait la proposition de mariage, c’est moi qui te l’aurais faite. » Alors madame qu’en dites-vous ?
Le psy : Que vous aviez, tous les deux, envie de vous marier l’un avec l’autre.
Mme Dubœuf : Très bien analysé docteur.
Mr Dubœuf : (Avec ironie) Dit celle qui couche avec son thérapeute.
Mme Dubœuf : Je ne couche pas avec mon thérapeute !
MrDubœuf : Et moi je te dis que oui. Toutes les patientes couchent avec leur thérapeute. (Désignant le psy) La preuve.
Le psy : Moi ?
Mr Dubœuf : Oui, vous. Quand je suis entré dans votre cabinet, j’ai bien vu que votre patiente se rhabillait. Je ne suis pas myope. (Le regardant) Vous couchez avec elle, n’est-ce pas ?
Le psy : Je vous en prie. Ce qui se passe entre un thérapeute et ses patientes… ou ses patients, ne regarde personne d’autres qu’eux.
Mme Dubœuf : Bravo, docteur, vous avez raison. Ce qui se passe entre mon thérapeute et moi, ne te regarde absolument pas.
Mr Dubœuf : (Après un petit temps) Très bien. D’accord. Ce qui se passe entre un thérapeute et ses patients, ne regarde personne d’autre qu’eux. C’est noté. (Petit temps. À sa femme) Pourrais-tu m’attendre dehors, j’ai deux mots à dire au docteur Lejeune.
Mme Dubœuf : Quoi ?
Mr Dubœuf : Ça ne te regarde pas. (Silence. Les deux époux se regardent ; puis, madame Dubœuf finit par sortir. Ton de la confidence) Docteur, tantôt vous m’avez dit que je devrais suivre une thérapie.
Le psy : Tout à fait.
Mr Dubœuf : (Baissant la voix) Vous ne connaîtriez pas une bonne thérapeute ?... J’ai bien dit : une !
Le psy : Ah, je vois. (Petit temps de réflexion) J’en connais même plus d’une, mais, laquelle sera le mieux adaptée à vous ? (Nouvelle réflexion) Ça y est, j’ai trouvé. (Il griffonne sur son calepin, puis tend la feuille à Dubœuf) Dites-lui que vous venez de ma part. (Petit clin d’œil)
Mr Dubœuf : Elle est vraiment bien ?
Le psy : Tous les patients à qui je l’ai conseillée ont été dithyrambiques à son sujet.
Mr Dubœuf : (Soulagé) Très bien. (Petit clin d’œil) Je vous revaudrai ça.
Le psy : C’est noté.
Mr Dubœuf : (Lui serrant énergiquement la main) Merci, merci beaucoup docteur.
(Il sort. Quelques instants après entre madame Dubœuf)
Mme Dubœuf : (Comme une furie) Que vous a-t-il dit mon mari ? (Le psy va pour dire quelque chose) Et ne me racontez pas n’importe quoi, sinon, cette fois-ci vous aurez le droit à la garde à vue.
Le psy : Il pense que votre thérapeute ne vaut pas tripette.
Mme Dubœuf : Et qu’en sait-il ?
Le psy : J’ai dit : il pense.
Mme Dubœuf : À vrai dire, je le pense aussi. (Regardant le psy avec intensité) Quand je suis rentrée dans votre cabinet, j’en ai eu la certitude. (Lui passant les bras autour du cou) Je voudrais que vous deveniez mon nouveau thérapeute.
Le psy : (Ironique) Pour que vous me mettiez en garde à vue à chaque séance ?
Mme Dubœuf : (Confidence amoureuse) Si je vous avais mis en garde à vue, j’aurais partagé la cellule avec vous.
Le psy : (Séducteur) Je m’en doutais.
Mme Dubœuf : Alors, vous serez mon nouveau thérapeute ?
Le psy : Comment vous le refuser.
Mme Dubœuf : J’espère que mon mari ne s’en rende pas compte.
Le psy : Rassurez-vous, madame, il ne vous fera plus d’histoires.
Mme Dubœuf : Vous ne le connaissez pas.
Le psy : Et moi je vous assure qu’il ne vous fera plus jamais d’histoires. Je dirais même plus, je peux vous garantir qu’à peine vous serez sortie de mon cabinet, il va vous prendre par la taille, vous faire des bisous sous l’oreille et que cette nuit, vous allez faire un feu d’artifice.
Mme Dubœuf : (Après un temps. Petit ton méfiant) J’espère que vous avez raison, docteur ; sinon, vous savez ce qui vous attend.
Le psy : Une belle garde à vue, avec une belle geôlière. (Petit baiser furtif sur les lèvres) Allez le rejoindre.
(Elle sort)
Voix de Mr Dubœuf : (Amoureusement) Mon amour, cessons de nous disputer, nous nous aimons tellement.
Voix de Mme Dubœuf : (Amoureusement) Tu as raison, mon chéri.
Voix de Mr Dubœuf : (Idem) Qu’en dirais-tu d’un bon dîner aux chandelles ?
Voix de Mme Dubœuf : (Idem) Au restaurant ?
Voix de Mr Dubœuf : (Idem) Chez nous, nous y serons plus à l’aise.
Voix de Mme Dubœuf : (Idem) Très bonne idée, mon amour ? J’ai hâte que nous soyons arrivés.
Le psy : (A Lui-même) Les voilà encore plus amoureux qu’avant.
Guillemette : (Qui est entrée) Les voilà plus amoureux qu’avant.
Le psy : C’est ce que je viens de me dire.
Guillemette : Il n’y a pas à dire, vous êtes le meilleur thérapeute du monde.
Le psy : (S’allongeant sur le canapé) Et le meilleur psy du monde aurait besoin d’un bon massage relaxant.
Guillemette : (S’allongeant sur le canapé. Petit ton) Que d’un massage ?
Le psy : (La serrant dans ses bras) Et plus si affinités, Guillemette.
Rideau
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