Sa mère racontait qu’elle était une descendante d’un grand chef Abékanis et que dans son sang coulait la magie de ses ancêtres.

Mais elle l’avait vu dans ses rêves, elle savait que sa fin était proche. Il avait toujours été là, invisible, à ramper dans le noir et susurrer les mots d’un dialecte incompréhensible. Or maintenant elle pouvait le voir dans ses songes, tapis dans un coin, attendant son heure, ce moment où il pourrait surgir et l’emporter. Pourtant, lorsqu’il apparaissait, assombrissant ses nuits de ténébreuses pensées, une voix éraillée raisonnait dans sa tête, murmurant une incantation aux sons familiers.

Ce soir-là, l’atmosphère était lourde. Comme à son habitude, elle brossa sa longue chevelure argentée avec soin, puis l’attacha en une grande tresse qu’elle ramena sur son épaule. Elle appliqua un onguent sur sa peau ambrée par le soleil et ridée par le temps. Une fois couchée, malgré la chaleur étouffante, elle tira sur elle un drap de lin fraichement lavé qui sentait bon la lavande. Le sommeil vint rapidement la prendre. Dans son rêve, elle était redevenue une enfant, joyeuse, insouciante, courant dans une plaine verdoyante. Un homme, torse nu et pantalon en toile, au crâne rasé et au visage peint comme sur les vieilles photos familiales, lui montrait du doigt un point à l’horizon. « Souviens-toi des mots » lui dit-il, « les mots sont puissants.». Soudain, l’obscurité envahit la plaine, l’herbe paraissait avoir brulée et il sortit de l’ombre, exactement à l’endroit que l’homme avait indiqué. En un clin d’œil il fut sur elle. Ombre difforme, fondamentalement malveillante, transpirant le vice et la perversion, il l’embrassa d’un geste et dans un dernier murmure elle se souvint et souffla « Malsumis, je sais ton nom». Mais il était déjà trop tard.