18 mars, Rome.

Une minute de lecture

Syndrome de Stendhal : façon de se pâmer pour un rien devant la profusion d’œuvres d’art qu’offre une ville. Je charrie. À Florence, Stendhal avait toutefois le chic pour défaillir avec talent. Chez lui, la tachycardie fait comme un roulement de tambour avant le vertige et l’illumination ; les battements de cœur sont des battements d’extase avant l’inondation d’endorphines ; ultra-sensibilité face au trop-plein d’art. À Rome, l’honnêteté me doit de le confesser, je suis pris du syndrome inverse : ici, la surabondance d’art et d’histoire m’insensibilise. Trop de palais, trop de piazzas, trop de musées, trop d’églises et trop de ruines : au-delà d’un certain seuil, je deviens de marbre, ou de glace, et mes yeux sont comme des miroirs, ils ne font que refléter froidement ce qu’on leur donne à voir. J’étouffe ! Les sensations se sont-elles asséchées dans la ville éternelle ? Un peu, mais ce serait négliger l’autre responsable : il est partout dans les rues de Rome, il foule, il presse, il grouille, il tonne, il enserre, il réclame, on l’appelle tourisme de masse.

Exemple frappant devant le Colisée : des milliers de touristes ont investi les abords de l’amphithéâtre. Agglutinés les uns contre les autres, ils se selfisent à qui mieux mieux, tout sourires, et si la longueur du bras n’est pas suffisante, la perche est alors un bon moyen d’augmenter son recul et son ridicule. À ce jeu, toutes les nationalités se tirent la bourre, avec un léger avantage aux Japonais – ils ont toujours l’air jovial, et font le V de la victoire avec les doigts.

Pour certains, la boursouflure de l’ego va plus loin. Voilà qu’on prend la pose en faisant le play-boy ou la poupée-barbie, bouches en cul-de-poule, mains placées lascivement sur les hanches. Le second degré n’est pas de mise en l’espèce, on se trouve réellement très beau, et l’appareil photo doit dès lors capturer ce sommet de soi-même, ce quelque chose inégalable, à l’exception du fameux Colisée qui rivalise en effet de superbe en arrière-plan – rappelons que le Colisée est une ruine.

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