10 avril, Le Magne (cap Ténare).
Strabon dit du Péloponnèse qu’il a la forme d'une feuille de platane ; on dirait plutôt l’empreinte d’un loup posée sur la surface du globe. Quatre péninsules tenant lieu d’orteils, et tout au bout de l’une d’entre elles, une griffe acérée : le cap Ténare. Mais contre quoi le Péloponnèse se défend-il ? Est-ce l’idée d’un tourisme effréné qui le pousse à sortir les griffes ? Cette partie de la région milite-t-elle pour demeurer sauvage ? Le fait est qu’en avril, au cap Ténare, il n’y a pas âme qui vive. Ce lieu primitif est une étendue montueuse, dégarnie de haute végétation, criblée de milliers de rocs fichés dans le sol. Quand il pleut (ce qui est le cas aujourd’hui), ce paysage a dans son ventre un peu d’Irlande. Le ciel noir sent la bière brune. Fouettées par le vent, les innombrables touffes aux tiges raides – couleur caramel – ont des aïeux parmi la végétation celte. Serait-ce de la tourbe qui se permet de crotter mes chaussures de randonnée ? À la pointe, à l’extrémité de la Grèce méridionale, il n’y a plus rien devant nous que la mer : ambiance d’après le bout du monde. Inutile de crier au loup, c’est désert. D’ailleurs, nous nous trouvons dans une zone blanche, où tout réseau téléphonique a disparu. Lieu de paix qui se raréfie dans ce monde.
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