16 avril, Athènes.
Gueule de bois monumentale au réveil, à l’image de Notre-Dame : il nous manque une flèche au cerveau. Dans le salon de notre hôtel où nous petit-déjeunons, nous regardons d’un air hébété les mêmes images rabâchées par la chaîne de télévision grecque. On annonce vers dix heures la fin de l’incendie. Dans le même temps, les promesses de dons se propagent aussi rapidement qu’un feu de brousse en Australie. Tout le pays semble en émoi, des cagnottes ont fleuri par milliers dans la nuit, les gens vendraient père et mère et grands-parents pour reconstruire la cathédrale à toute berzingue. Chez les milliardaires, on donne à qui mieux mieux ; hier soir, François Pinault a promis de reverser 100 millions d’euros, avant que Bernard Arnault ne surenchérisse avec 200 millions d’euros – c’est qui le plus fort ? Marie s’exaspère, elle a beau faire un immense effort de compréhension, elle ne comprend pas. Comment sortir autant d’argent pour de la pierre ? Elle dit que la planète brûle et que tout le monde s’en fout. Faudrait-il que la banquise ait la forme d’une cathédrale pour que les gens s’émeuvent enfin de sa disparition ? Faudrait-il que nos forêts soient plus élevées que la flèche pour que les gens s’aperçoivent de leur agonie ? Faudrait-il que les coraux ressemblent à des vitraux pour en préserver la couleur et la vitalité ? Je balbutie quelques mots sur l’importance de Notre-Dame, sur ce qu’elle incarne aux yeux des Français, mais rien à faire, autant remplir un seau percé. « Bon sang, la cathédrale du vivant s’effondre elle aussi ! »
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