2 mai.

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Depuis trois jours, nous payons en dur labeur tous les excès dont nous avons largement profités durant Pâques. Aujourd’hui, nous voilà donc affectés au soin du futur potager. Marie met de la bouse de vache à côté de chaque futur plant pendant que je bêche afin d’ensemencer la terre. Il fait chaud ; j’ahane et fais régulièrement des pauses. Voyant Marie dans son élément, comme un poisson dans l’eau, comme un oiseau dans les airs, en train d’apprendre à jardiner de la façon la plus pieuse et la plus consciencieuse, je pense qu’elle a tout de ces divinités veillant maternellement sur la nature. Je me dis parfois qu’elle est la nature même, attendu qu’elle en est bien sûr un fragment (comme chacun d’entre nous), mais qu’elle en est surtout le fragment le plus fidèle à ce que la nature voudrait que l’on soit : un être vivant mesurant qu’il est le petit bout d’un tout dont il faut préserver l’équilibre. Marie se nourrit de la nature, elle se la représente en elle, à tel point qu’elle paraît s’être greffée dessus comme un petit bourgeon dans les tissus d’une plante. La voyant pousser sa brouette remplie de fumier, je vois son front couvert de perles de rosée, ses joues de la couleur d’un laurier-rose, son sourire éclore ainsi qu’une corolle… Bon gré mal gré, je recommence alors à bêcher pour connaître une pareille métamorphose ; en pure perte, et dix minutes plus tard, j’essaie cette fois de m’immobiliser pour voir si je prends racine. Au moins, je peux reprendre haleine. Depuis cinq ans que je connais Marie, je l’ai vue maintes fois se projeter dans la nature en ambitionnant de la cultiver, d’y vivre à demeure ou de s’y promener longuement, de telle façon que la nature a fini par imprégner sa personne. Et moi-même, accompagnant Marie sur la route, j’ai l’impression maintenant de goûter cette réciprocité, d’éveiller ma conscience et de végétaliser ma nature profonde. À coup sûr, un travail intérieur complexe, une transition au long cours.

Le soir venu, je m’écroule et dors tout mon soûl. Demain, nous serons partis vers le nord de la Thessalie, vers les terres de Bucéphale, le cheval fougueux d’Alexandre. Le nôtre en caracole de joie ! Marie et moi ne nous montrons pas si contents de quitter Thomas et Lias. Bien au contraire – et puis mes muscles étaient sur le point de se faire à la souffrance physique… Qu’importe, il faut bien revenir à la route, à notre fil rouge, et ne pas trop se retourner, sans quoi l’immobilité nous guetterait.

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