1er juillet
Ce midi, Marie a préparé un grand pichet de thé glacé pour la communauté. Çay, feuilles de menthe et tranches de citron : le frais remède aux 40 degrés qui nous accablent et nous empêchent de travailler (dieu soleil, nous te rendons grâce). Sur la terrasse, alors que chacun s’est muré dans la torpeur ou la lecture, Ismaïl danse, il danse pour lui-même au son des cigales perchées dans les pins. Mais la symbiose est rompue par un autre chant, celui du muezzin, ce qui fige en statue de glace Ismaïl. À vrai dire, et je ne m’en aperçois que maintenant, c’est la première fois que nous entendons l’appel à la prière depuis notre arrivée. D’où peut bien venir cet appel ? Il n’y a ni mosquée ni fidèle à des kilomètres à la ronde, et que je sache, les cigales ne sont pas encore musulmanes. Ismaïl grogne en passant les doigts dans sa barbiche, il a justement rejoint la commune, entre autres, afin de sortir de l’emprise religieuse. Özgür, qui comprend l’arabe, précise que ce n’est pas le chant d’un muezzin : il s’agit d’un voisin (très éloigné) qui lit des versets du Coran dans un mégaphone, afin d’honorer son père décédé récemment. Sirotant mon thé glacé, j’écoute les nombreuses glorifications d’Allah ; la prière est une offrande, et la peine un instrument.
Mais le chant ne dure qu’un temps, relayé par l’éternelle stridulation des cigales. Aussitôt, Ismaïl recommence à danser, le corps en cours de relâchement.
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